Les autorités camerounaises ont interdit une conférence de presse d’Amnesty International prévue ce matin dans la capitale Yaoundé, a déclaré l’organisation.
Les autorités n’ont donné aucun justificatif administratif écrit portant sur l’interdiction de la conférence de presse. Près d’une dizaine d’agents de sécurité en uniforme et en civil ont envahi l’hôtel très tôt ce matin demandant aux responsables de fermer la salle.
« L’objectif de cette conférence de presse était pourtant de partager le contenu de plus de 300 000 lettres et pétitions de personnes du monde entier envoyées au président camerounais Paul Biya pour lui demander de libérer trois étudiants condamnés à 10 ans d’emprisonnement, par un tribunal militaire, pour avoir fait circuler une plaisanterie sur Boko Haram par SMS, » a déclaré Alioune Tine, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
« Une déclaration de réunion en bonne et due forme datée du 18 mai 2017 adressée au sous-préfet de l’Arrondissement de Yaoundé 1 a été déposée par les partenaires d’Amnesty International contre une décharge le vendredi 19 mai dans les bureaux du sous-préfet du même Arrondissement. Le lundi 22 mai, un rappel a été fait. Alors que la loi camerounaise prévoit une déclaration préalable informant les autorités de l’organisation d’une réunion publique, rien ne saurait justifier une telle interdiction. »
« Ces étudiants n’ont fait que partager une plaisanterie, et pourtant, avec cette condamnation et cette peine, ils pourraient passer dix ans derrière les barreaux et voir leurs perspectives d’avenir détruites. Nous nous joignons aux plus de 310 000 personnes dans le monde qui demandent aux autorités camerounaises de libérer ces étudiants, de les autoriser à retrouver leur famille et de leur permettre de réaliser leur rêve de pouvoir continuer leurs études et trouver un emploi, » a déclaré Alioune Tine.
Un panel sur la situation des droits humains prévu dans l’après-midi de ce 24 mai par un partenaire local d’Amnesty International a aussi été interdit. Dans une décision datée du 23 mai 2017, le préfet de l’arrondissement de Yaoundé 1 a interdit « pour menace de trouble à l’ordre public, la tenue d’une conférence-débat sur le thème « droits de l’homme et lutte contre le terrorisme au Cameroun » prévue de 14 h à 18 heures.
La délégation d’Amnesty Internationale présente à Yaoundé depuis samedi dernier tente vainement depuis plusieurs semaines d’obtenir des rendez-vous avec les autorités afin de leur transmettre les lettres et pétitions et de recueillir leurs réactions concernant un travail de recherche en cours.
Complément d’information
Dans le cadre de la campagne Écrire pour les droits 2016 d’Amnesty International, plus de 310 000 actions ont été menées par des personnes du monde entier pour demander la libération immédiate de Fomusoh Ivo Feh et de ses amis Afuh Nivelle Nfor et Azah Levis Gob.
Les trois étudiants ont été déclarés coupables de « non-dénonciation d’actes terroristes » le 2 novembre 2016. Ils ont fait appel de leur déclaration de culpabilité et de leur peine. Le procès en appel a été repoussé à plusieurs reprises et est maintenant prévu pour le 15 juin.
Des célébrités comme Richard Branson et Patrick Mboma (un ancien joueur de football camerounais et joueur préféré de Fomusoh Ivo) ont envoyé des lettres aux autorités et des messages de solidarité à Fomusoh Ivo et ses amis en prison et ont publié des messages sur Twitter à propos de cette affaire.
En décembre 2014, Fomusoh Ivo a reçu d’un ami un SMS disant : « Boko Haram recrute des jeunes à partir de 14 ans. Conditions de recrutement : 4 matières au GCE, y compris la religion. » Le message de son ami était destiné à souligner la difficulté à trouver un bon travail sans diplôme, et laissait entendre, sur le ton de la plaisanterie, qu’y compris le groupe armé, Boko Haram n’embauche pas si l’on n’avait pas réussi ses examens.
Fomusoh Ivo a transféré ce message à Afuh Nivelle Nfor, qui l’a alors envoyé à Azah Levis Gob. Un de leurs enseignants a vu ce SMS, après avoir confisqué le téléphone, et l’a montré à la police. Fomusoh Ivo et ses amis ont tous les trois été arrêtés. Ils ont été transférés à la prison de Yaoundé le 14 janvier 2015 et ont été maintenus en détention avec les jambes entravées au niveau des chevilles.