Communiqué de presse

Les autorités tunisiennes doivent protéger les victimes et leurs proches pendant le procès d’anciens représentants de l’État

Amnesty International a exhorté les autorités tunisiennes à veiller à ce que les victimes de violations des droits humains, leurs proches, les témoins et les avocats soient protégés des manœuvres de harcèlement et d’intimidation au cours du procès des personnes accusées d’être responsables de la mort de manifestants pendant le soulèvement contre le régime.

Le procès de 23 fonctionnaires poursuivis pour les homicides de manifestants durant la révolte de 2011 à Thala et Kasserine, qui a débuté le 28 novembre devant le tribunal militaire du Kef, a été entaché par des informations indiquant que des membres des forces de sécurité ont menacé des témoins, des avocats et des proches de victimes soient directement, soit dans des déclarations publiques à la télévision ou dans d’autres médias. Des avocats ont affirmé à Amnesty International qu’ils avaient reçu des menaces directes et que des témoins avaient été menacés de perdre leur emploi.

L’organisation a déploré que plusieurs fonctionnaires inculpés du meurtre de manifestants n’aient pas été suspendus de leurs fonctions et continuent de les exercer. Cette situation exacerbe les craintes des familles de victimes, qui redoutent qu’ils n’aient pas à répondre de leurs actes.

L’un des accusés, Moncef Laajimi, était le directeur de la police antiémeutes dans le nord du pays, où se trouvent les villes de Thala et Kasserine, lors du soulèvement. Il a été inculpé d’avoir donné l’ordre de tirer sur les manifestants dans cette région. Les proches de victimes sont indignés qu’il soit resté libre et qu’il ait même bénéficié d’une promotion après le soulèvement, devenant directeur général de cette unité de la police. Le 28 décembre, lors de la seule audience à laquelle il a participé jusqu’à présent pour être interrogé, il était escorté par un grand nombre de membres des forces de sécurité qui, selon des avocats et d’autres personnes présentes, ont menacé d’envahir le tribunal si Moncef Laajimi était détenu.

Moncef Laajimi a été transféré en janvier 2012 à un poste au ministère de l’Intérieur, mais les autres fonctionnaires occupent toujours les mêmes postes.

Aux termes du droit international, les autorités tunisiennes sont tenues de veiller à ce que les victimes et leurs proches soient traités avec respect et dignité, ainsi que d’assurer leur sécurité, leur bien-être physique et psychologique et la protection de leur vie privée. Le droit international relatif aux droits humains et les normes internationales en la matière prévoient en outre que les représentants de l’État reconnus coupables d’avoir commis des violations flagrantes des droits humains soient démis de leurs fonctions. Dans l’attente de leur jugement, tous les membres des forces de sécurité faisant l’objet d’une enquête sur leur implication dans les homicides de manifestants au cours du soulèvement et dans d’autres graves violations des droits humains doivent être suspendus.

Plus d’un an s’est écoulé depuis le soulèvement durant lequel quelque 300 personnes sont mortes, dont certaines en détention, et plusieurs centaines ont été blessées. Les proches des victimes attendent toujours de connaître la vérité et d’obtenir justice, mais au lieu de cela, ils reçoivent des menaces.

Complément d’information

Selon les chiffres officiels, au moins 300 personnes sont mortes et 700 ont été blessées au cours des manifestations qui ont débuté en décembre 2010 et ont conduit l’ancien président Zine el Abidine Ben Ali à quitter le pays moins d’un mois plus tard.

Dans les mois qui ont suivi les manifestations, des victimes et leurs proches ont commencé à déposer des plaintes contre les membres des forces de sécurité et les représentants de l’État qu’ils estimaient responsables de violations des droits humains devant des juridictions civiles à travers la Tunisie. Les premières enquêtes et procédures judiciaires ont été lentes et certains juges d’instruction ne voulaient ou ne pouvaient pas, semble-t-il, convoquer les fonctionnaires soupçonnés. Toutes les affaires ont été transférées aux tribunaux militaires de Tunis, du Kef et de Sfax en mai 2011 et en sont actuellement à différents stades de procédure.

Une Commission d’établissement des faits sur les dépassements constatés lors de la dernière période a été créée en février 2011 pour enquêter sur les violations des droits humains commises au cours du soulèvement. Cependant, plus d’un an après, elle n’a toujours pas publié ses conclusions.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit