Les allégations selon lesquelles les autorités bahreïnites auraient eu recours à des décharges électriques et à d’autres méthodes de torture pour arracher des « aveux » à cinquante militants chiites ne sont que l’un des éléments ayant rendu leur procès et leur condamnation iniques, a déclaré Amnesty International lundi 30 septembre.
Dimanche 29 septembre, un tribunal de Bahreïn a condamné 49 hommes et une femme, souvent en leur absence, à des peines allant jusqu’à 15 années de réclusion pour des motifs liés à leur implication dans la coalition du 14 février, un mouvement de jeunes opposants. Les autorités bahreïnites, dont les membres sont majoritairement sunnites, ont accusé ce groupe chiite de terrorisme.
« Il est consternant de voir ce que l’on fait passer pour de la “justice” actuellement à Bahreïn. Les autorités se contentent de coller l’étiquette “terroriste” aux accusés avant de les soumettre à toutes sortes de violations pour récolter des “aveux” », a déploré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord.
Aucune enquête n’a été menée sur ces allégations de torture, qui n’ont pas été prises en compte par le tribunal.
« Les allégations selon lesquelles des aveux auraient été obtenus sous la torture doivent sans délai faire l’objet d’une enquête exhaustive et indépendante et les responsables doivent être traduits en justice », a affirmé Philip Luther.
Le procès dans l’affaire de la coalition du 14 février est loin d’avoir respecté les normes internationales et tous les accusés ont été condamnés. Ils ont interjeté appel.
L’un des accusés, Abd Ali Khair, a été condamné à 10 années de réclusion uniquement pour avoir transféré un courrier électronique contenant une déclaration de la coalition du 14 février.
Il est membre d’Al Wefaq, une association politique qui ne tolère aucune forme de violence.
« Ironie cruelle, le jour où des dizaines de militants ont été condamnés à de lourdes peines de prison parfois simplement pour avoir transféré un courriel, la Haute Cour criminelle d’appel de Bahreïn a ramené à deux ans d’emprisonnement les peines prononcées contre deux policiers pour avoir torturé un manifestant jusqu’à ce que mort s’ensuive », a déclaré Philip Luther.
Allégations de torture
Naji Fateel, membre du conseil d’administration de l’Association bahreïnite de la jeunesse pour les droits humains, a été arrêté le 2 mai 2013 chez lui à Bani Jamra.
Il a été détenu au secret durant deux jours. Selon lui, les autorités lui auraient infligé des décharges électriques sur des parties sensibles du corps, lui auraient administré des coups de poing et de pied et l’auraient menacé de viol.
Lors de la première séance du procès, le 11 juillet, il a retiré sa chemise devant la cour pour montrer les marques de torture sur son dos. Il a été déclaré coupable d’avoir créé un groupe « terroriste » illégal ayant pour but de suspendre la Constitution et de nuire à l’unité nationale, entre autres, et a été condamné à 15 ans de réclusion.
Rihana al Mussawi, une autre accusée, a expliqué à la cour que des agents de sécurité l’avaient forcée à se déshabiller et l’avaient menacée de viol pour l’obliger à « avouer » avoir commis des infractions liées au terrorisme. Elle a été condamnée à une peine de cinq ans d’emprisonnement.
Mohammad Abdallah al Singace aurait lui aussi été torturé en détention et il pouvait en conséquence à peine marcher lors de sa comparution. Son frère, Abdeljalil al Singace, est un prisonnier d’opinion condamné à la réclusion à perpétuité. Il purge actuellement sa peine dans une prison du pays. Mohamad Abdallah al Singace a été déclaré coupable d’appartenir à un groupe « terroriste » illégal, entre autres, et une peine de cinq années de prison a été prononcée contre lui.
Mépris des droits juridiques
Les accusés ont été arrêtés sans mandat. Certains ont été emmenés de chez eux avec violence après que les forces de sécurité ont, semble-t-il, défoncé leurs portes d’entrée.
Des avocats se sont plaints auprès du tribunal du fait qu’ils n’étaient pas autorisés à rendre visite à leurs clients. La cour a refusé d’autoriser les avocats de la défense à présenter des témoins et même certains témoins à charge n’auraient pas été entendus.
Certains accusés, qui purgeaient déjà des peines de prison ou étaient détenus en attendant les conclusions d’enquêtes menées dans d’autres affaires, ont été présentés devant le tribunal sans savoir que de nouveaux chefs d’accusation avaient été retenus contre eux. Ils n’avaient pas d’avocat lors de ce procès.
« Les autorités bahreïnites doivent soit libérer ces militants chiites, soit veiller à ce que leur procès en appel n’admette aucun élément à charge obtenu sous la torture et soit parfaitement conforme aux normes internationales relatives à l’équité des procès », a déclaré Philip Luther.