Bangladesh, Il faut mettre un terme immédiat à l’usage illégal de la force contre les manifestants

Un bataillon d'action rapide des forces d'élite bangladaises se heurte à un travailleur du vêtement lors d'une manifestation à Dhaka le 29 2010. Des centaines de travailleurs du vêtement ont exigé une augmentation de leurs salaires.

Les autorités bangladaises doivent cesser d’user d’une force excessive contre les manifestant·e·s, a déclaré Amnesty International le 4 août 2023, après avoir vérifié des éléments de preuve attestant de violentes attaques contre des manifestant·e·s et des leaders du parti de l’opposition au cours de sit-ins organisés par le principal parti d’opposition du pays, les 28 et 29 juillet. Amnesty International s’est entretenue avec des témoins qui ont assuré que les manifestations étaient majoritairement pacifiques avant que la police ne les attaque.

La manifestation du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), qui réclamait la nomination d’un gouvernement intérimaire avant les élections prévues en janvier 2024, se tenait à divers points d’entrée de la capitale Dacca. Ces actions se sont soldées par de violents heurts avec la police.

« Les vidéos et les images que nous avons examinées mettent en lumière des atteintes aux droits humains commises par les autorités bangladaises. Nous engageons le gouvernement du Bangladesh à assurer un strict respect de la loi de la part des organismes chargés de son application, ainsi que le plein respect du droit de la population d’exercer sa liberté d’expression et de réunion pacifique, en vue d’éviter de nouveaux préjudices à l’intégrité physique des personnes et une possible escalade de cette crise », a déclaré Smriti Singh, directrice régionale par intérim pour l’Asie du Sud à Amnesty International.

« Nous engageons le gouvernement du Bangladesh à assurer un strict respect de la loi de la part des organismes chargés de son application, ainsi que le plein respect du droit de la population d’exercer sa liberté d’expression et de réunion pacifique, en vue d’éviter de nouveaux préjudices à l’intégrité physique des personnes et une possible escalade de cette crise »

Les chercheurs et le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnesty International ont examiné 56 photos et 18 vidéos prises lors des manifestations, et recueilli neuf témoignages directs en vue de corroborer les conclusions.

Utilisation des armes à létalité réduite

Selon un journaliste présent sur le site de contestation à Matuail qui a préféré garder l’anonymat, la police a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes sur les manifestant·e·s, alors qu’ils scandaient simplement des slogans et étaient assis par terre.

Un autre témoin, qui se trouvait avec les familles dénonçant les disparitions forcées au marché BNS Center, a déclaré : « La police a tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestant·e·s... D’après ce que j’ai pu voir, ceux-ci n’avaient pas d’armes avec eux. »

Une vidéo postée sur Twitter, et géolocalisée par le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnesty International, montre la foule fuir en courant les gaz lacrymogènes à l’Institut de santé maternelle et infantile de l’hôpital de Matuail, à Dacca. Au moins cinq personnes semblent être des femmes. La vidéo a été filmée dans l’enceinte de l’hôpital, à l’entrée même de l’un des bâtiments.

« La police a tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestant·e·s... D’après ce que j’ai pu voir, ceux-ci n’avaient pas d’armes avec eux. »

Le gaz lacrymogène ne doit pas être employé près des hôpitaux ni autour. Selon les Lignes directrices des Nations Unies portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois, la police devrait réduire au minimum les effets collatéraux que son usage de la force pourrait avoir sur les personnes vulnérables, notamment les personnes âgées, les enfants, les femmes enceintes et les personnes atteintes de problèmes de santé, qui peuvent avoir des difficultés à quitter les zones touchées.

« La police ne doit pas utiliser des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre des manifestant·e·s pacifiques. Le fait que la police bangladaise recoure aux lacrymogènes dans l’enceinte d’un hôpital illustre son terrible mépris pour le droit international. Elle doit toujours garder à l’esprit la diversité des personnes présentes à un rassemblement et leurs moyens disparates de fuir ou d’éviter l’exposition aux gaz lacrymogènes », a déclaré Smriti Singh.

Usage illégal de la force

Sur une vidéo postée sur Twitter, et géolocalisée par le Laboratoire de preuves à Dholaikhal Road, on peut voir des policiers frapper des manifestant·e·s à coups de longs bâtons semblables à des matraques. Dans cette vidéo, on voit clairement que les manifestant·e·s fuient la police. Ils n’ont pas d’armes visibles et ne représentent pas de menace manifeste pour les policiers. L’usage d’armes contre des manifestant·e·s non armés est disproportionné et excessif.

« Amnesty International a plusieurs fois demandé que les forces de l’ordre fassent preuve de retenue au Bangladesh. Le gouvernement doit veiller à ce que la police respecte le droit international relatif aux droits humains »

Dans une autre séquence de cette vidéo, on voit des policiers continuer de frapper des manifestant·e·s alors qu’ils sont allongés par terre. Dans une autre vidéo postée sur Twitter et géolocalisée par le Laboratoire de preuves à Dholaikhal, on peut voir au moins quatre policiers frapper Gayeshwar Chandra Roy, dirigeant du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), parti de l’opposition, à coups de longues matraques alors qu’il se trouve à terre et ne représente aucune menace visible pour la police. De tels actes peuvent constituer une violation de l’interdiction absolue de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

« Amnesty International a plusieurs fois demandé que les forces de l’ordre fassent preuve de retenue au Bangladesh. Le gouvernement doit veiller à ce que la police respecte le droit international relatif aux droits humains et suive le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois des Nations unies, qui dispose clairement que les policiers ne doivent qu’exceptionnellement avoir recours à la force, dans la mesure où cela est strictement nécessaire et proportionné à un but légitime d’application des lois », a déclaré Smriti Singh.

Des groupes de personnes en civil attaquent les manifestant·e·s aux côtés de la police

Niloufar Yasmin, militante du parti BNP qui a été blessée lors de la répression policière au marché BNS Center, a témoigné : « Lorsque la police a tiré des gaz lacrymogènes, nous nous sommes dispersés. Alors, des groupes de personnes en civil m’ont attrapée et agressée. La police n’a rien fait pour les en empêcher. »

D’après un autre témoin, les barricades de la police étaient tenues par des membres des forces de l’ordre, mais aussi par des personnes en civil, qui seraient des partisans du parti au pouvoir.
En outre, Amnesty International a vérifié au moins sept photos et deux vidéos, dont certaines ont été partagées par un journaliste témoin, sur lesquelles on peut voir des personnes en civil brandir des armes comme des marteaux, des bâtons et des clubs lors des rassemblements. Parmi les preuves figurent des images montrant ces individus en train de frapper des manifestant·e·s « côte à côte » avec des policiers ou de brandir des matraques et des bâtons.

Dans ses déclarations aux médias, la police a indiqué que des agents des forces de l’ordre en civil avaient été déployés, alors que, conformément à l’Observation générale nº 37 du Comité des droits de l’homme de l’ONU liée à l’exercice du droit de se réunir pacifiquement, le déploiement d’agents en civil doit être strictement nécessaire dans certaines circonstances et ceux-ci ne doivent jamais inciter à la violence.

« Il est inacceptable que des civils se joignent aux forces de police et attaquent des manifestant·e·s. Amnesty International condamne également l’usage illégal de la force contre les manifestant·e·s. Le gouvernement doit veiller à ce que tous les auteurs présumés d’infractions pénales soient amenés à rendre des comptes et à ce qu’une enquête impartiale, indépendante et rapide soit menée sur les policiers qui n’ont pas empêché de telles atteintes à la loi. Les autorités ont le devoir de faciliter et de protéger le droit de réunion pacifique », a déclaré Smriti Singh.

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