BELGIQUE : La lutte contre l’impunité doit continuer. Amnesty international réagit avec consternation à la décision de la Chambre des mises en accusation du 16 avril 2002

Moins d’une semaine après que la Communauté internationale ait levé son verre à la naissance de la Cour pénale internationale, trois magistrats belges ont inversé le cours des aiguilles de l’horloge... Comme si le temps avait été suspendu, ils ont invoqué la législation de 1878 pour réduire à néant la loi du 16 juin 1993, concernant les poursuites pour atteintes graves au droit international humanitaire. Par son arrêt du 16 avril 2002, la Chambre des mises en accusation a jugé irrecevable la plainte contre trois anciens hauts responsables congolais, parce qu’ils n’ont pas été retrouvés sur le sol belge. Ce dernier point est à relier à l’exigence qui est posée dans l’article 12 du Code d’instruction criminelle (datant de 1878), qui dit que, pour des crimes commis à l’extérieur de la Belgique, les poursuites ne sont possibles que lorsque la personne visée par la plainte peut être trouvée en Belgique.

Les magistrats n’ont manifestement pas compris que le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre sont soumis à un régime juridique particulier, tant en droit international que dans les législations nationales.

Presque tous les magistrats, avocats et universitaires qui, au cours des années écoulées, se sont prononcés sur la loi de 1993, étaient d’accord : il s’agit d’ un instrument de progrès dans la lutte contre l’impunité, en raison du fait que la loi n’exige aucun lien avec le territoire belge. Pour beaucoup, la loi est un exemple lumineux, pour d’autres une source regrettable de chaos diplomatique. Mais, même ces opposants à la loi belge de 1993 reconnaissent qu’elle fonctionne comme une « lex specialis » par rapport au règlement général établi dans l’article 12 du Code d’instruction criminelle. Dans l’ « affaire Yerodia » traitée devant la Cour internationale de Justice (CIJ), même la République démocratique du Congo (RDC) a pu se réconcilier avec le principe de juridiction universelle et n’a finalement soumis que la problématique de l’immunité à la Cour. Dans ses conclusions écrites devant la CIJ, la RDC a expressément reconnu que l’article 12 du Code d’instruction criminelle n’est pas valable quand il s’agit de poursuites basées sur la loi belge contre le génocide.

La référence au nouvel article 12 bis inséré en 2001 dans le Code d’instruction criminelle, ne livre pas de bon argument. Cet article a été inséré à la suite du nombre croissant de traités sur base desquels la Belgique, en tant que partie, a l’obligation d’entamer des poursuites pénales. La Chambre des mises en accusation fait remarquer que l’objectif du législateur était de ne pas toucher à l’article 12. C’est exact, mais dans cette optique, la Chambre des mises en accusation traite de la même façon les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre que d’autres crimes qui, dans le droit international, ne sont absolument pas soumis au même régime : l’article 12bis est, entre autres, d’application pour les crimes liés à la pollution de la mer par le pétrole, le commerce international de drogue, l’entreposage de matériel nucléaire, et autres. Dans de tels cas, la présence du suspect sur le sol belge est en effet exigée.

Tous les espoirs vont désormais vers l’appel en cassation, interjeté par les parties civiles. Espérons que la Cour de Cassation ne fasse pas un bond en arrière de deux siècles, mais qu’elle suive le législateur belge dans sa détermination à considérer que l’impunité n’est plus de mise pour les atteintes les plus graves aux droits humains.

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