C’est le principe même du recours à la notion de sûreté dans l’examen des demandes d’asile que nous contestons, car il fragilise dangereusement les garanties procédurales, pouvant entraîner de graves atteintes aux droits fondamentaux des demandeuses et demandeurs d’asile.
Introduire de telles mesures justifie des procédures différenciées potentiellement attentatoires aux droits des demandeurs d’asile ; elles portent de fait le risque d’une discrimination fondée sur la nationalité, ce qui est inacceptable.
En particulier, nous critiquons fermement ;
• Le discrédit a priori envers la demande d’asile : le principe d’une demande d’asile n’est pas de savoir si le pays est « sûr » mais de savoir si la personne court un risque de persécution dans ce pays. Considérer un pays par défaut comme « sûr » sur la base des seuls critères politique ou sociétaux élude la question fondamentale des motifs personnels et individuels de persécution que le demandeur peut faire valoir, par crainte qu’ils se produisent ou parce qu’il/elle en a déjà été victime. Cette procédure entache la demande d’asile d’un discrédit a priori qui méconnait l’esprit du droit des réfugié-e-s.
• Des garanties procédurales plus faibles : les demandeuses et demandeurs d’asile craignent pour leur sécurité, voire pour leur vie. Leur exil est un choix contraint dans des contextes difficiles voire traumatisants. Une procédure est prévue pour que la personne détaille les raisons de ses craintes, et ce dans des conditions et des délais précis qui prennent en compte ce contexte. Ce n’est pas le cas pour les personnes ressortissantes des pays dits « sûrs » qui doivent prouver, selon une procédure accélérée, que leur pays n’est pas « sûr » pour elles personnellement. Ni les demandeurs, ni les avocats, ni les juges ne sont en mesure d’examiner les dossiers dans des conditions équitables par rapport aux autres demandes d’asile.
• Le déni des violations des droits qui perdurent dans les pays inscrits sur la liste. Aucun pays ne peut être considéré comme « sûr » pour tou-te-s, à tout moment et en tout lieu. C’est notamment le cas de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, comme le soulignent de nombreux rapports d’ONG (pénalisation de l’homosexualité, cas de torture, harcèlement des défenseurs des droits humains, entraves à la liberté d’association et de réunion, violences fondées sur le genre). Le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA) s’est d’ailleurs déjà positionné défavorablement à l’inscription de ces pays comme « sûrs ».
Nous rappelons que le droit d’asile doit être garanti pour tou-te-s, dans le respect de la Convention de Genève de 1951. Nos organisations considèrent dès lors l’existence même d’une liste de pays considérés comme pays d’origine « sûrs » comme une entrave majeure aux droits humains.
A l’heure d’une crispation politique forte des deux rives de la Méditerranée sur les questions migratoires, nous nous opposons au concept même de pays d’origine « sûrs », à l’existence d’une liste les reprenant et à l’inscription des pays du Maghreb sur cette liste.