Les députés de la commission Intérieur de la Chambre ont obtenu in extremis qu’une consultation de la société civile et des experts indépendants soit organisée, rassemblant Myria, le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, des experts du monde académique ou de l’Ordre des barreaux et enfin du monde associatif spécialisé sur la question.
Malheureusement l’audition a été programmée seulement quelques jours après que le texte n’ait été rendu public, ce qui revient à être une pure mesure cosmétique, pour ne pas dire une mascarade. La plupart ont donc refusé d’y participer n’ayant pas le temps d’analyser ce texte en profondeur. Il n’est pas imaginable de pouvoir émettre des critiques étayées sur un document aussi important et aussi complexe en un délai aussi court.
Le Conseil d’Etat lui-même, qui a pourtant disposé de 6 semaines pour se prononcer, a rendu un avis soulignant que « compte tenu du délai dans lequel l’avis de la section législative a été sollicité et vu la particulière complexité de la matière, il n’est pas possible de mesurer à ce stade si la combinaison des différentes modifications apportées par l’avant-projet de loi, n’aura pas pour effet dans certains cas de figure, de porter atteinte de manière disproportionnée au droit à un recours effectif ».
Cette façon de procéder laisse à penser que le gouvernement n’est ni en mesure de tenir les délais imposés par l’Union européenne (une procédure d’infraction est en cours contre la Belgique à propos de ces directives), ni en mesure d’assurer un débat démocratique.
Sur le fond par ailleurs, nos associations ont relevé de nombreuses dispositions qui remettent en question les droits fondamentaux des demandeurs d’asile et des étrangers : la légitimation d’un recours massif à la détention des demandeurs d’asile et des personnes en situation irrégulière au travers d’une interprétation extensive de la notion de risque de fuite, la multiplication des procédures accélérées en réintroduisant la notion d’irrecevabilité et la possibilité d’expulsion rapide en réduisant les délais de recours, l’introduction de recours non suspensifs en contravention avec l’exigence répétée de la Cour européenne des droits de l’homme qui a condamné la Belgique à plusieurs reprises pour ne pas prévoir de recours effectif… La liste est encore longue.
Derrière ce texte transparait une fois de plus l’idée que tous les demandeurs usent et abusent de la procédure, réduisant à peau de chagrin les garanties procédurales et plaçant la Belgique parmi les pays européens les plus restrictifs.
Au vue de l’importance que revêt cette matière complexe, nos associations demandent avec insistance que la loi ne soit pas votée précipitamment, que le débat soit organisé en consultant respectueusement les différents acteurs et experts pour que les parlementaires puissent faire leur travail de contrôle démocratique dans les meilleures conditions.
Signataires :
Cire
Vluchtelingenwerk Vlanderen
Ligue des droits de l’homme
Amnesty International Belgique Francophone
Amnesty International Vlaanderen