Le Premier ministre a appelé à la fermeture du CCHR et a ordonné au ministère de l’Intérieur d’enquêter sur cette organisation. Hun Sen a également fait des allégations fallacieuses selon lesquelles le CCHR aurait été « créé par des étrangers et sous leur influence occulte », et a associé le CCHR à une prétendue « révolution de couleur » visant à renverser le régime actuel avec l’assistance de l’étranger.
Depuis la période qui a précédé les élections municipales de juin 2017, les autorités cambodgiennes mènent une offensive généralisée et impitoyable contre la société civile, les médias critiques et l’opposition, réduisant au silence les voix indépendantes les unes après les autres. Le CCHR est la dernière victime en date d’une série d’interdictions, de fermetures forcées, de suspensions et de fausses allégations visant des ONG internationales et locales et des organes de presse.
Amnesty International demande instamment à la communauté internationale d’intervenir efficacement pour mettre fin à cette spirale destructrice et d’exprimer publiquement son appui résolu à la société civile en cette période critique.
À part des allégations vagues et infondées, ni Hun Sen, ni aucun autre représentant du gouvernement n’ont invoqué de motif prévu par la loi pour justifier l’ouverture d’une enquête sur le CCHR. Amnesty International craint que le concept vague et non défini de « neutralité politique » énoncé à l’article 24 de la Loi sur les associations et les organisations non gouvernementales (LANGO), très controversée, ne soit utilisé contre le CCHR, comme cela a été le cas pour d’autres organisations.
Les dispositions de cet article ont déjà servi de base, à plusieurs reprises, à des décisions du ministère de l’Intérieur visant à empêcher l’enregistrement d’ONG et d’autres associations ou à ordonner leur fermeture. Les appels de Hun Sen à la fermeture du CCHR laissent entendre – comme dans les cas précédents – que la culpabilité de l’organisation au titre de cette loi oppressive a déjà été décidée, en violation du droit du CCHR à une procédure régulière, consacré par le droit international. Le droit à une procédure régulière est une garantie essentielle qui protège les particuliers et les organismes contre l’exercice arbitraire du pouvoir de l’État.
Amnesty International estime qu’aucun motif ne justifie les menaces contre le CCHR ni l’ouverture d’investigations à son encontre, mais dans tous les cas, le CCHR a le droit d’être entendu et représenté correctement lors de toute enquête, de prendre connaissance des conclusions de ces investigations et de les remettre en cause devant un organe indépendant. Le Cambodge est partie à plusieurs traités relatifs aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui, comme le reflète la Constitution cambodgienne, protège non seulement les droits fondamentaux à la liberté d’association et d’expression, mais aussi le droit à une procédure régulière.
Amnesty International exhorte les autorités cambodgiennes à cesser de sanctionner les organisations de la société civile pour leurs activités pacifiques de défense des droits humains et à prendre des mesures pour assurer leur protection contre toute forme de harcèlement, d’obstruction et de représailles. Le travail des ONG de protection des droits humains rend service au peuple cambodgien et ne doit pas être politisé.
Complément d’information
Le CCHR a été fondé par Kem Sokha en 2002. Kem Sokha a quitté l’organisation en 2007 pour reprendre ses activités politiques. Depuis lors, des mesures ont été prises pour que le mandat et la mission du CCHR continuent d’être fondés sur les principes d’indépendance et d’impartialité. Le CCHR est reconnu mondialement pour ses contributions à la protection et à la promotion des droits humains au Cambodge et pour ses activités de plaidoyer visant à obtenir justice pour les victimes de graves violations des droits fondamentaux.
Parmi ses nombreuses campagnes, le CCHR a demandé la libération de militants pacifiques qu’Amnesty International considère comme des prisonniers d’opinion, dont le défenseur des droits humains Tep Vanny, qui purge actuellement une peine de deux ans et demi d’emprisonnement pour une manifestation pacifique organisée pour défendre le droit au logement en 2013. Le CCHR a également réclamé l’abandon de charges, forgées de toutes pièces, retenues contre quatre membres actuels et un ancien membre d’une ONG cambodgienne locale, l’Association pour les droits de l’homme et le développement au Cambodge (ADHOC). Ces personnes ont été libérées sous caution en juillet, après avoir passé 427 jours en détention provisoire. Elles attendent actuellement l’ouverture de leur procès, dont la date n’a pas encore été fixée.
Les accusations portées contre le CCHR font suite à une décision en date du 16 novembre de la Cour suprême, qui a dissous le Parti du salut national du Cambodge (PSNC), un mouvement d’opposition, précédemment dirigé par Kem Sokha, qui est emprisonné depuis son arrestation il y a trois mois pour « conspiration avec une puissance étrangère ». La Cour suprême a également interdit à 118 responsables du PSNC de mener des activités politiques pendant cinq ans, ce qui constitue une forme flagrante de répression politique et une violation grave des droits fondamentaux à la liberté d’association et d’expression. Amnesty International a appelé à la libération immédiate et inconditionnelle de Kem Sokha.