CAMBODGE - La condamnation d’un parlementaire, reflet des lacunes persistantes du système judiciaire

Index AI : ASA 23/005/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International condamne vigoureusement la peine de sept années d’emprisonnement prononcée à l’encontre de Cheam Channy par un tribunal militaire le 9 août. L’organisation y voit une nouvelle indication de l’échec du Cambodge à respecter et protéger les droits humains et à appliquer les normes internationales d’équité des procès.

Cheam Channy, député de l’opposition, membre du Parti de Sam Rainsy (PRS), a été arrêté le 3 février 2005 immédiatement après la levée de son immunité parlementaire. Il a été inculpé de « crime organisé » et « fraude » au titre de plusieurs articles des Dispositions de 1992, toujours en vigueur, relatives au système judiciaire ainsi qu’au droit pénal et à la procédure pénale applicables au Cambodge pendant la période de transition ; il a également été inculpé de violation de la loi de 1997 sur les partis politiques.

« Cette parodie de justice est une tentative claire pour étouffer toute velléité d’opposition politique au Cambodge et limiter la liberté d’expression et d’association. Cheam Channy doit être remis en liberté immédiatement et sans condition », a déclaré Amnesty International.

En dépit du fait que Cheam Channy est un civil, inculpé d’infractions non militaires, il a été placé en détention dans une prison militaire et jugé par un tribunal militaire cinq jours après la fin de la période de six mois de détention provisoire autorisée en droit cambodgien. Il n’existe aucune disposition prévoyant que des civils puissent être jugés par un tribunal militaire en droit cambodgien. Amnesty International avait déjà fait part précédemment aux autorités de son inquiétude à propos du recours au tribunal militaire pour statuer sur des affaires ne relevant pas de sa compétence.

Selon les informations dont nous disposons à propos de la procédure appliquée lors de ce procès, aucun élément crédible de preuve n’a été produit pour étayer les charges pesant contre l’accusé. Les normes internationales de base concernant l’équité des procès n’ont pas été respectées ; aucun élément crédible de preuve n’a été produit, les témoins à décharge n’ont pas été entendus et l’avocat de la défense n’a pas été autorisé à interroger tous les témoins à charge.

L’arrestation de Cheam Channy est liée à certaines allégations remontant à juillet 2004 concernant les activités du Comité n° 14 du PSR dont il était président et la mise en place supposée d’une force armée composée de militants radicaux ou « armée clandestine ». Ce n’est pas la première fois que des opposants au gouvernement sont accusés de constituer une menace militaire, apparemment sans que cela s’appuie sur des preuves.

Le PSR s’est toujours montré ouvert sur la question du Comité n° 14, établi en tant qu’instance de surveillance de l’action des ministères gouvernementaux en charge de la défense nationale, des anciens combattants, de la démobilisation et de la sécurité publique et organisé en « cabinet fantôme » comme le font de nombreux partis d’opposition dans le monde. À la connaissance d’Amnesty International, il n’existe aucun élément de preuve crédible pour étayer les accusations officielles contre Cheam Channy qui se trouve à présent confronté à une longue peine d’emprisonnement pour avoir été dans l’opposition et s’être montré critique de l’action du gouvernement.

Khom Piseth, ancien membre du PSR, a été condamné par contumace à cinq années d’emprisonnement lors du même procès. Il était accusé d’être impliqué dans « l’armée clandestine » et a fui le Cambodge en août 2004. Il a obtenu le statut de réfugié et a pu s’établir dans un pays tiers en mai 2005.

Deux autres parlementaires du PSR, Sam Rainsy et Chea Poch, dont les immunités parlementaires avaient été levées en même temps que celle de Cheam Channy, ont quitté le pays dans la crainte d’être arrêtés. Amnesty International craint qu’ils ne fassent également l’objet de pour des motifs politiques s’ils revenaient au Cambodge.

Complément d’information

La condamnation de Cheam Channy intervient un semaine tout juste après un autre procès emblématique, celui de deux hommes soupçonnés d’être les auteurs du meurtre de Chea Vichea, militant des droits humains et syndicaliste de renom, tué en janvier 2004. Born Samnang et Sok Sam Oeun ont tous deux été condamnés à vingt années d’emprisonnement à l’issue d’une enquête entachée d’irrégularités à tous les niveaux et d’un procès qui n’a pas respecté les normes internationales d’équité des procès. Les policiers auraient torturé et intimidé suspects et témoins et il y a eu ingérence politique flagrante dans le système judiciaire. Amnesty International est très préoccupée par les lacunes graves du système judiciaire cambodgien, dans lequel, comme l’illustre cette affaire, des personnes innocentes peuvent être accusées à tort et emprisonnées pour des infractions qu’elles n’ont pas commises, tandis que les auteurs de crimes graves continuent de bénéficier de l’impunité.

Alors que le système judiciaire cambodgien revient une nouvelle fois sous les feux de l’actualité, Amnesty International réitère son jugement sur le système judiciaire, trop faible et soumis aux pressions politiques, particulièrement dans les affaires impliquant des personnes connues, incapable de veiller à ce que les enquêtes et les procès soient conduits en conformité avec le droit international et les normes internationales d’équité des procès.

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