Cambodge. Le nouveau co-procureur international doit s’engager à réaliser la mission des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens

DÉCLARATION PUBLIQUE

1er décembre 2009 -
Index AI : ASA 23/022/2009 – ÉFAI

Amnesty International invite le nouveau co-procureur international des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC, chargées de juger les crimes des Khmers rouges) à donner plus d’ampleur à la stratégie de la partie poursuivante. De plus, il faut qu’il explique cette stratégie de façon publique et complète.

Alors que les CETC mènent leurs travaux depuis trois ans, la partie poursuivante a limité à 10 suspects sa liste de personnes poursuivies, où figurent les « dirigeants » ou les « principaux responsables » des violations des droits humains commises en masse entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979.

Tant que des dossiers plus nombreux ne feront pas l’objet d’une instruction et de poursuites, on est en droit de se demander si le nombre d’affaires actuellement traitées est suffisant pour que la mission des CETC soit réalisée.

Le 7 septembre 2009, le co-procureur international par intérim a décidé de déposer deux nouveaux dossiers concernant cinq nouveaux suspects afin de demander des enquêtes sur 40 situations de meurtre, de torture, de détention illégale, de travaux forcés et de persécution. La co-procureure nationale s’est opposée à la décision de faire passer de cinq à 10 le total des personnes traduites devant les CETC. Le gouvernement cambodgien s’est également prononcé contre toute enquête supplémentaire, s’efforçant visiblement d’exercer une influence sur les CETC.

Cette décision positive a été affaiblie lorsque le co-procureur international par intérim a annoncé qu’il n’avait pas l’intention d’ouvrir ultérieurement d’autres enquêtes préliminaires sur des suspects supplémentaires, précisant que les cinq nouveaux cas seraient les derniers à faire l’objet de poursuites devant les CETC.

Amnesty International demande au nouveau co-procureur international de réexaminer cette décision, qui ne fera que pérenniser l’impunité dont bénéficient actuellement les crimes les plus odieux, et d’entreprendre des enquêtes et des poursuites supplémentaires.

Les CETC ont une énorme responsabilité, car elles ont le devoir de rendre la justice aux millions de victimes cambodgiennes des crimes atroces commis sous le régime des Khmers rouges. Les CETC doivent constituer par toutes leurs actions un modèle exemplaire de compétence, d’indépendance et d’impartialité pour battre en brèche l’impunité de crimes qui touchent l’ensemble de la communauté internationale.

Au vu des succès remportés par son prédécesseur qui a su repousser les ingérences et amplifier les dossiers de la partie poursuivante, Amnesty International demande avec insistance au co-procureur international d’élaborer une stratégie de poursuites complète qui corresponde aux crimes relevant de sa compétence. Cette stratégie doit notamment tenir compte des différents types de crimes, du contexte dans lequel ils ont été commis et des groupes humains concernés.

Les CETC ont fait de grands progrès. Les audiences qui se sont déroulées au cours des huit derniers mois dans le cadre de la procédure contre Kaing Guek Eav, alias Duch, ont enfin donné aux victimes et au grand public la possibilité de prendre connaissance des dépositions des témoins devant les CETC. Il s’agit là d’une évolution importante, puisqu’on commence ainsi à affronter trois décennies d’impunité, et cette démarche ne doit pas être mise en danger inconsidérément, pour des motifs politiques.

Si le nouveau co-procureur international décide de ne pas mener de nouvelles enquêtes sur d’autres dossiers et de ne pas poursuivre d’autres suspects, les Cambodgiens, et notamment ceux qui ont survécu aux crimes des Khmers rouges et les membres de leurs familles dispersées dans le monde entier, méritent une explication. De surcroît, il devra expliquer sa décision de façon publique aux Nations unies, aux CETC et à leurs donateurs. Le bureau des co-procureurs doit rendre public un rapport détaillé motivant cette décision, et donnant les précisions suivantes :

• la portée des enquêtes qui ont été ouvertes par les co-procureurs ;

• les raisons pour lesquelles ces situations, plutôt que d’autres, ont fait l’objet d’une instruction ;

• une explication des critères utilisés pour déterminer quelles personnes étaient « les principaux responsables » des crimes dans les situations qui ont fait l’objet d’une instruction ;

• une explication des raisons pour lesquelles 10 personnes seulement ont été considérées comme particulièrement responsables, alors que les crimes commis ont eu une ampleur considérable.

Complément d’information

L’accord conclu entre les Nations unies et le gouvernement du Cambodge définit en ces termes la mission des CETC :
« traduire en justice les dirigeants du Kampuchea démocratique et les principaux responsables des crimes et graves violations du droit pénal cambodgien, des règles et coutumes du droit international humanitaire ainsi que des conventions internationales auxquelles adhère le Cambodge, commis pendant la période comprise entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979 ».

La police et le ministère public cambodgiens n’ont pas mené d’enquête ni engagé de poursuites à l’égard des milliers d’auteurs de crimes qui ne peuvent être qualifiés de « dirigeants » ou de « principaux responsables ».
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