Les autorités chinoises envoient des messages contradictoires sur la violence domestique en commuant la condamnation à mort prononcée contre une femme ayant tué son mari violent, tout en continuant par ailleurs à persécuter cinq militantes en faveur des droits des femmes, a déclaré Amnesty International vendredi 24 avril.
Li Yan, 44 ans, s’est vu accorder un sursis de deux ans par un tribunal de la province du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine. Sa condamnation à la peine capitale devrait être commuée en peine de prison au bout de deux ans de bonne conduite. Ce revirement est survenu après que la Cour populaire suprême a ordonné que l’affaire soit rejugée en juin dernier, une décision sans précédent.
« La commutation de la peine de Li Yan pourrait créer un précédent historique pour les futures affaires dans lesquelles la violence domestique est une circonstance atténuante. Dans le cas présent, la plus haute instance judiciaire chinoise a clairement fait passer le message que les juges ne doivent pas ignorer la violence domestique », a déclaré William Nee, spécialiste de la Chine à Amnesty International.
« Les persécutions que continuent à subir cinq jeunes militantes menant une action de prévention contre la violence à l’égard des femmes jettent cependant une ombre sur ce jugement. »
Lundi 20 avril, la police a libéré sous caution cinq militantes en faveur des droits des femmes qui sont en première ligne du mouvement appelant les autorités à réagir de manière adaptée à la violence domestique. Ces femmes, Wei Tingting, Wang Man, Li Tingting, Zheng Churan et Wu Rongrong, ont été placées en détention peu avant la Journée internationale de la femme, le 8 mars, parce qu’elles prévoyaient d’attirer l’attention sur le harcèlement sexuel.
Amnesty International a demandé aux autorités d’abandonner l’ensemble des charges retenues contre ces personnes et de lever toutes les restrictions pesant contre elles.
« Si les autorités chinoises souhaitent véritablement avancer sur le terrain de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, alors elles doivent travailler avec les militants en faveur des droits, pas les persécuter », a déclaré William Nee.
Li Yan a dans un premier temps été condamnée à mort en août 2011 pour le meurtre de son mari, Tan Yong, commis fin 2010. Les éléments de preuve attestant les violences très graves et continuelles qu’il lui infligeait n’ont pas été pris en considération par les juges lors du premier procès, de la même façon que la police ne lui a pas accordé la protection qu’elle avait sollicitée avant l’homicide de son époux.
La condamnation à mort prononcée contre elle avait suscité l’indignation en Chine et à l’étranger, et mis en évidence la réticence du gouvernement à s’attaquer sérieusement à la violence domestique. Selon les statistiques gouvernementales, un quart des Chinoises sont victimes de violence domestique.
En mars, la Cour populaire suprême et le gouvernement ont émis de nouvelles lignes directrices concernant les cas de violence domestique, notamment des recommandations sur les condamnations de victimes qui commettent un crime contre l’auteur des sévices.
En août, une loi qui pour la première fois prévoira des réparations pour les victimes de violence domestique doit entrer en vigueur en Chine, quelques semaines avant que celle-ci ne co-organise une réunion majeure des Nations unies lors de laquelle des dirigeants mondiaux évoqueront les droits des femmes dans le cadre de « Beijing+20 ».
« Il est probable que le président Xi Jinping essaie de persuader le monde des progrès effectués par la Chine sur le terrain des droits des femmes lors de la conférence des Nations unies en septembre. Il serait honteux que le gouvernement continue à persécuter les véritables défenseurs des droits des femmes en Chine tout en mettant son bilan en avant sur la scène mondiale », a déclaré William Nee.