Colombie. Déclaration publique d’Amnesty International devant le Conseil des droits humains des Nations unies

Colombie. Déclaration publique d’Amnesty International sur la Colombie, à l’occasion de la deuxième session du Conseil des droits humains des Nations unies

Déclaration publique

AMR 23/040/2006 (

Colombie. Déclaration publique d’Amnesty International sur la Colombie, à l’occasion de la deuxième session du Conseil des droits humains des Nations unies

Amnesty International se félicite de la décision du gouvernement colombien et du Haut-commissaire aux droits humains des Nations unies, rendue publique ce 12 septembre, de renouveler le mandat intégral du Haut commissariat en Colombie pour un an.

La décision de renouveler le mandat du Haut commissariat pour un an plutôt que quatre, comme auparavant, est cependant regrettable. Le mandat de quatre ans accordé au Haut commissariat lors de son précédent renouvellement lui donnait la stabilité nécessaire pour accomplir sa tâche de manière efficace et indépendante. Un renouvellement d’une année n’offre pas la stabilité particulièrement nécessaire à un moment où le gouvernement colombien aurait exprimé son désir de restreindre le rôle d’observateur du Haut commissariat, ce qui diminuerait considérablement son efficacité.

Selon le gouvernement colombien, ce mandat a été renouvelé pendant une seule année pour lui permettre de négocier, avec le Haut commissariat aux droits humains des Nations unies, un nouveau mandat qui correspondra mieux à l’actuelle réalité des droits humains en Colombie. Cette réalité, affirme le gouvernement, diffère beaucoup de celle qui existait quand le Haut commissariat a été établi, en 1997.

Amnesty International estime que l’actuelle situation des droits humains en Colombie rend d’autant plus importante le maintien en l’état de l’actuel mandat. Des organes internationaux comme la Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’Organisation des États américains, ainsi que de nombreux membres de la communauté internationale, en particulier l’Union européenne, ont renouvelé leur soutien au mandat intégral du Haut commissariat en Colombie.

Certains indicateurs laissent à penser que la violence liée aux conflits a diminué, notamment le nombre d’enlèvements et d’homicides, mais ces statistiques dissimulent une réalité en matière de droits humains qu’Amnesty International continue de juger critique. Amnesty International a en particulier exprimé de graves préoccupations concernant l’accroissement du nombre de nouvelles personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, ainsi que les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires directement commises par les forces de sécurité, ou encore le nombre toujours élevé de « disparitions », comme l’a indiqué le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires au Conseil des droits humains (E/CN.4/2006/56/Add.1). Amnesty International continue également à recevoir de nombreuses informations faisant état de violations des droits humains commises par des paramilitaires, malgré leur démobilisation présumée.

Amnesty International est également préoccupée par la férocité croissante des attaques de groupes d’opposition armée contre les populations civiles, notamment les homicides, les enlèvements, et l’usage systématique par ces groupes des blocus économiques et « grèves armées », dont les civils sont les principales victimes. Amnesty International reconnaît une baisse des homicides dans certaines des grandes villes, mais la situation dans d’autres régions, en particulier à la campagne, continue à se détériorer. Les atteintes aux droits humains commises en zone rurale sont rarement signalées aux autorités, soit par crainte de représailles par l’une ou l’autre partie armée, soit par manque de confiance dans les institutions concernées.

Toutes les parties du conflit continuent de montrer un mépris profond pour les droits humains et le droit international humanitaire, se rendant responsables de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres crimes définis par le droit international, notamment des homicides, des « disparitions », des actes de torture et des enlèvements. C’est la population civile qui a inévitablement souffert le plus de cette crise des droits humains toujours aussi virulente, car ce sont précisément les civils qui continuent d’être visés par toutes les parties armées pour empêcher leur soutien éventuel, présumé ou imaginaire au côté opposé.

Étant donnée cette réalité, le rôle du Haut commissariat, notamment l’observation, le conseil, la coopération technique et la promotion des droits humains, est d’une valeur inestimable. Par-dessus tout, le Haut commissariat a sauvé la vie de nombreux civils par son intervention. En outre, le travail inestimable des défenseurs colombiens des droits humains aurait été d’autant plus dangereux sans le soutien persistant et sans faille du Haut commissariat, année après année. Le travail de ses bureaux régionaux a également contribué à faire en sorte que les droits humains des personnes vivant dans des régions reculées du pays ne soient pas oubliés.

Le Haut commissariat a également joué un rôle critique dans la défense des normes internationales relatives aux droits humains, lorsque celles-ci ont été menacées par une série d’initiatives législatives du gouvernement, en particulier celles associées à la soit-disant démobilisation de membres de groupes armés illégaux, qu’il s’agisse de groupes armés d’opposition ou de paramilitaires. Le Haut commissariat s’est trouvé à l’avant-garde des efforts des ONG colombiennes et internationales pour rappeler à l’administration colombienne que des textes de loi comme la Loi pour la justice et la paix et le décret 128, conçus pour réguler le processus de démobilisation, n’ont jamais respecté les normes internationales relatives au droit des victimes et de leurs familles à obtenir vérité, justice et réparation, et risquent d’aggraver le scandale endémique de l’impunité qui prévaut en Colombie. Cependant, le gouvernement colombien a obstinément ignoré ces rappels.

Amnesty International se félicite du rapport du Haut-commissaire sur la Colombie (E/CN.4/2006/9), et de sa soumission à l’actuelle session du Conseil des droits de l’homme. Le rapport souligne l’importance de la mise en œuvre de ses recommandations et celles d’autres rapports. Dans le domaine de la prévention et de la protection, le rapport demande l’adoption du plan d’action national relatif aux droits humains, promis depuis longtemps, et une meilleure protection des défenseurs des droits humains. Le rapport demande aux parties du conflit de respecter le droit à la vie et d’éviter les attaques indiscriminées, les enlèvements, le recrutement d’enfants soldats et la violence sexuelle. Le rapport recommande aussi, et Amnesty International s’en félicite, que les textes de loi relatifs à la démobilisation de membres de groupes armés illégaux respectent les principes relatifs aux droits humains, notamment le droit des victimes à obtenir vérité et réparation. Le rapport exhorte aussi le gouvernement à mettre en œuvre une politique de lutte contre l’impunité.

Amnesty International regrette que le gouvernement colombien, ainsi que les groupes d’opposition armée, n’aient toujours pas mis en œuvre l’essentiel des recommandations figurant dans ce rapport et les précédents, bien que nombre de ces recommandations aient déjà figuré dans des rapports antérieurs. Amnesty International est également déçue que la demande de visite du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire n’ait pas été satisfaite pour l’instant.

Amnesty International souligne l’importance pour le Conseil des droits humains de concevoir des moyens d’encourager le gouvernement colombien à mettre en œuvre les recommandations du Haut commissaire, indiquées dans ses rapports sur les activités du Haut commissariat en Colombie.

Amnesty International attend avec intérêt le prochain rapport du Haut commissaire sur la Colombie au Conseil des droits humains.

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