Colombie. Le gouvernement ne doit pas remettre en cause le combat contre l’impunité.

Déclaration publique

AMR 23/012/2007

Amnesty International a déclaré ce mardi 5 juin que la décision du président Álvaro Uribe de remettre en liberté Rodrigo Granda , le « représentant diplomatique » du groupe de la guérilla, Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC, Forces armées révolutionnaires de Colombie) – qui avait été reconnu coupable de rébellion en 2006 – en même temps que 200 autres prisonniers FARC, reconnus coupables de divers délits commis dans le cadre du conflit, ne devait pas ouvrir la voie à la remise en liberté inconditionnelle de paramilitaires et de membres de la guérilla actuellement sous le coup d’informations judiciaires pour de graves atteintes aux droits humains.

Les autorités judiciaires doivent poursuivre leurs enquêtes et, lorsque des preuves recevables et suffisantes existent, traduire en justice ceux qui, par le biais d’un soutien politique ou financier à ces groupes ont contribué à des atteintes aux droits humains.

Plus d’une douzaines de membres du Congrès colombien sont actuellement en détention en attendant les résultats de l’enquête menée sur les liens dont ils sont soupçonnés avec des paramilitaires, ainsi que sur des liens possibles avec des atteintes aux droits humains. Des informations préoccupantes parues dans la presse laissent entendre que le gouvernement envisagerait de libérer et peut-être même d’accorder des amnisties de fait à ces députés avant que l’enquête judiciaire en cours ne soit terminée.

La Colombie connaît une impunité endémique depuis des dizaines d’années et très peu d’auteurs d’atteintes aux droits humains – qu’il s’agisse de la guérilla, de paramilitaires, ou de leurs sponsors – ont été poursuivis en justice, même dans le cas de la disparition forcée et de l’homicide illégal de dizaines de milliers de civils tout au long des quarante années de conflit armé en Colombie.

Amnesty International considère que, pour parvenir à surmonter cette crise qui dure depuis trop longtemps en Colombie, le désarmement effectif et la démobilisation des groupes paramilitaires et de la guérilla ne doivent pas se faire au détriment de droit des victimes à la vérité, à la justice et à des réparations. Le gouvernement ne doit donc pas intervenir dans les processus légaux mis en place pour parvenir à la vérité concernant les atteintes aux droits humains et traduire en justice les auteurs de ces violences. Dans le cas contraire, cela ne ferait qu’affaiblir les principes du droit et exacerber les niveaux déjà élevé d’impunité.

Amnesty International salue les enquêtes menées par la Cour suprême de justice, l’unité en charge des droits humains de la Fiscalía General de la Nación (organe de l’État qui déclenche la procédure pénale, mène l’enquête et prononce l’inculpation) et la Procuraduría General de la Nación (organe de l’État qui contrôle la conduite des fonctionnaires et mène des enquêtes pour faute disciplinaire) sur les liens soupçonnés de personnalités politiques influentes, responsables publics de haut rang et militaires à un haut niveau de la hiérarchie avec des groupes paramilitaires accusés d’atteintes aux droits humains.

Amnesty International considère toutefois que ces enquêtes, qui s’attachent essentiellement au passé et laissent un peu de côté les violations actuelles des droits humains et les liens entretenus par des responsables d’État avec les paramilitaires, ne doivent pas nous empêcher de voir la réalité de la situation des droits humains telle qu’elle est aujourd’hui. Des centaines de milliers de civils continuent d’être déplacés de force et des milliers d’autres sont victimes de violences perpétrées par toutes les parties au conflit, homicides illégaux et disparitions forcées notamment ; à l’évidence, la complicité entre les forces de sécurité et les paramilitaires reste forte.

Pour Amnesty International, la recherche de la vérité et de la justice dans toute situation de conflit est truffée d’obstacles et de difficultés. Pour que le processus aboutisse, il faut que les droits humains en constitue le cœur. Enquêter et traduire en justice les auteurs présumés de graves atteintes aux droits humains doit être l’élément crucial permettant de parvenir à une paix juste et durable.

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