Commission africaine. Déclaration orale d’Amnesty International sur les défenseurs des droits humains

Déclaration publique

AFR 01/007/2007

Amnesty International est préoccupée par les manœuvres de harcèlement et d’intimidation, les actes de torture et les homicides extrajudiciaires dont continuent d’être victimes des défenseurs des droits humains en Afrique.

En République démocratique du Congo, les menaces et les manœuvres de harcèlement auxquelles se livrent les autorités locales et des groupes armés ont rendu de plus en plus difficile au cours des derniers mois le travail légitime des défenseurs des droits humains, en particulier dans l’est du pays.

En Égypte, le travail des organisations de défense des droits humains est régi par la loi n°84, très restrictive, sur les associations (2002). Un grand nombre des organisations se sont vu refuser leur enregistrement par le ministère de la Solidarité sociale pour des « raisons de sécurité » et ont fait appel, parfois avec succès, de ces décisions devant un tribunal administratif. Celles qui persévèrent alors que leur demande d’enregistrement a été refusée vivent sous la menace continue de poursuites ou d’une fermeture. Ces mesures restrictives ont conduit à la fermeture du Centre de services syndicaux et ouvriers en avril 2007 et de l’Association pour les droits humains et l’assistance juridique en septembre 2007. Ces interventions contre ces deux organisations majeures semblent liées à leur action en faveur des droits des travailleurs et des victimes d’actes de torture et de leurs familles. Ces événements préoccupants interviennent alors que les organisations égyptiennes de défense des droits humains attendent les modifications qui vont être apportées à la loi 84 de 2002 sur les associations, déjà très limitative. Elles craignent que, sous prétexte d’une plus grande sécurité, de nouvelles mesures administratives viennent encore restreindre leurs activités et leur imposer des contrôles supplémentaires.

En Éthiopie, Daniel Bekele et Netsanet Demissie, deux accusés du procès des dirigeants de l’opposition politique, journalistes et défenseurs des droits humains qui a suivi les élections de 2005, n’ont pas encore été jugés. Arrêtés par la police le 1er novembre 2005, ils ont été inculpés d’« atteintes à la Constitution ». Daniel Bekele, responsable de la stratégie au bureau éthiopien d’ActionAid, et Netsanet Demissie, fondateur et directeur de l’Organisation pour la justice sociale, sont deux juristes et défenseurs des droits humains qui ont été particulièrement actifs dans la société civile éthiopienne. Ils ont nié les charges retenues contre eux et déclaré n’avoir aucune relation avec l’opposition politique. Amnesty International les considère comme des prisonniers d’opinion, qui n’ont ni utilisé ni préconisé la violence. L’issue de leur procès sera annoncée avant la fin du mois de novembre ; Amnesty International a demandé leur libération immédiate et inconditionnelle.

En Gambie, deux membres du personnel d’Amnesty International et le journaliste gambien Yahya Dampha ont été arrêtés le 6 octobre 2007. La police les a libérés le 8 octobre, sans leur passeport et avec l’obligation de se présenter au poste tous les jours jusqu’à leur libération inconditionnelle, le 12 octobre. Amnesty International a reçu des excuses officielles du Procureur général de la Gambie. Cependant, peu après que le personnel d’Amnesty International eut quitté le pays, des informations selon lesquelles l’Agence nationale de renseignements de la Gambie était à la recherche de Yahya Dampha ont contraint le journaliste à se réfugier dans la clandestinité. Yahya Dampha est en sécurité pour le moment mais il ne peut pas exercer son travail et il craint pour lui et sa famille. Le caractère arbitraire de cette arrestation illustre les difficultés auxquelles sont confrontés les défenseurs des droits humains en Gambie où ils craignent pour leur vie, leur sécurité et leur liberté.

Au Rwanda, François-Xavier Byuma, défenseur des droits humains de longue date, a été condamné à dix-neuf ans d’emprisonnement le 27 mai 2007, à l’issue d’un procès inique devant un tribunal gacaca du secteur de Bilyogo à Kigali. Turengere Abana, l’organisation que dirige François-Xavier Byuma, avait enquêté sur les allégations selon lesquelles le juge présidant le procès avait violé une jeune fille. Il y avait donc un conflit d’intérêt manifeste pour le juge dans ce procès. Le 18 août 2007, la Cour d’appel a confirmé le jugement en première instance et la condamnation de François-Xavier Byuma à dix-neuf années de réclusion. Le tribunal n’a fourni aucune explication sur son verdict et n’a pas indiqué s’il avait pris en compte la question de l’impartialité du juge en première instance. Cette omission constitue un déni de justice manifeste. Amnesty International a demandé que l’affaire soit réexaminée dans le respect des normes internationales d’équité des procès.

En Somalie, Ahmed Mohamed Ali "Kiimiko" et Zakaria Mohammed Sheikh Yusuf, respectivement président et conseiller juridique du Réseau des défenseurs des droits humains somaliens (SOHRIDEN), enquêtaient, rassemblaient des informations et rédigeaient des rapports sur les violations des droits humains, tout en œuvrant à la promotion des droits fondamentaux pour qu’ils soient mieux respectés dans le pays. Au cours des derniers mois, ils ont été à plusieurs reprises menacés de mort par des groupes armés d’opposition et des inconnus ; les forces de sécurité du gouvernement fédéral de transition les ont également menacés et harcelés. Ces menaces et des attaques contre leurs collègues les ont contraints à fuir leur pays en octobre 2007. Amnesty International a exhorté toutes les parties au conflit en Somalie à mettre fin aux agressions contre les défenseurs des droits humains et à respecter le travail que font ces personnes pour préserver les droits fondamentaux.

Au Zimbabwe, la répression s’accroit contre les femmes défenseures des droits humains qui se mobilisent face au gouvernement en réaction à la crise croissante des droits économiques et sociaux. Un grand nombre de ces femmes ont indiqué que lorsqu’elles étaient en garde à vue elles avaient été frappées et soumises à d’autres mauvais traitements, qui s’apparentaient dans certains cas à des actes de torture. La plupart de ces violences étaient accompagnées d’insultes sexistes et d’accusations visant à les discréditer et à dénigrer leur travail. Certaines ont été détenues avec leurs enfants ou alors qu’elles étaient enceintes, dans des conditions déplorables loin d’être conformes aux normes internationales relatives aux droits humains. Amnesty International a engagé instamment la communauté internationale à condamner publiquement les violations des droits humains commises par le gouvernement du Zimbabwe, notamment la violence organisée d’agents de l’État, la torture et les mauvais traitements, et plus généralement les violations à l’encontre des femmes défenseures des droits humains.

Les cas décrits ici ne sont quelques exemples des violations des droits fondamentaux dont continuent d’être victimes les défenseurs des droits humains dans de nombreux endroits d’Afrique. Les agressions contre les défenseurs des droits humains sont contraires à la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits humains et les libertés fondamentales universellement reconnus, ainsi qu’aux normes internationales garantissant le droit à la liberté d’association et de réunion et le droit à la liberté d’expression, notamment. La Déclaration de Kigali adoptée en mai 2003 par la Conférence ministérielle de l’Union africaine sur les droits humains insiste auprès des gouvernements africains pour qu’ils « protègent les droits des défenseurs des droits de l’homme ».

Amnesty International appelle la Commission africaine à demander à son rapporteur spécial sur les défenseurs des droits humains d’enquêter sur les cas mentionnés ci-dessus et à informer la Commission lors de sa 43e session ordinaire des mesures prises par les gouvernements pour mettre fin à ces violations et dédommager les victimes.

L’organisation demande également à la Commission africaine d’adopter une résolution condamnant les agressions contre les défenseurs des droits humains et demandant l’intégration dans les législations nationales et la mise en application de la Déclaration des Nations unies sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits humaind et les libertés fondamentales universellement reconnus.

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