L’Assemblée nationale constituante tunisienne doit saisir l’occasion qui lui est offerte avec l’élaboration de la nouvelle constitution pour éviter que ne se reproduisent les violations massives des droits humains qui ont eu lieu sous le régime de l’ancien président Zine el Abidine ben Ali, a indiqué Amnesty International dans un document d’une quarantaine de pages publié le 12 avril.
L’organisation s’adresse aux membres de l’Assemblée nationale constituante et leur demande d’inclure dans la nouvelle constitution une série de dispositions permettant de garantir les droits humains et le respect par la Tunisie de ses obligations au regard des traités internationaux.
"L’Assemblée a l’occasion unique d’inscrire dans la constitution le grand dessein de la Tunisie nouvelle, un dessein fondé sur le respect des droits humains et de l’état de droit et prenant en compte les aspirations des Tunisiens à la liberté, la dignité, l’égalité et la justice sociale", a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, la directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Face à la poursuite des restrictions à la liberté d’expression et après les violences perpétrées ces jours derniers par des policiers contre des manifestants pacifiques, il apparaît de manière encore plus évidente que les responsables chargés d’élaborer le projet de constitution doivent démontrer une ambition forte, celle de concevoir un texte qui résistera à l’épreuve du temps et qui fera de la Tunisie un leader régional dans le domaine de la protection des droits humains. »
Un grand nombre de personnes ont été blessées le 9 avril dans le centre de Tunis lorsque les forces de sécurité sont intervenues à coups de matraque et avec des gaz lacrymogènes pour disperser des protestataires qui, bravant l’interdiction de manifester dans le quartier édictée le 28 mars par le ministère de l’Intérieur, voulaient défiler dans l’avenue Bourguiba à l’occasion de la fête des Martyrs. Plusieurs journalistes et militants de la société civile ont également été brutalisés.
Élue à la fin de 2011, l’Assemblée nationale constituante travaille actuellement sur le projet de constitution, dans un contexte marqué par de nombreux rassemblements par lesquels les Tunisiens tentent de peser sur le contenu du document. La Tunisie est le premier pays de la région à élaborer une nouvelle loi fondamentale après les soulèvements de 2011.
La précédente constitution, qui datait de 1959, contenait certes quelques dispositions en matière de droits humains ; elle avait toutefois été modifiée à plusieurs reprises sous le régime Ben Ali, dans un sens qui avait permis au président d’accroître son pouvoir tout en faisant adopter des changements de pure forme.
Il est essentiel, a déclaré Amnesty International, que la nouvelle constitution établisse la séparation des pouvoirs, la non-discrimination, l’égalité de tous devant la loi, les garanties fondamentales en matière de droits humains – comme la protection contre la torture et la détention arbitraire –, les garanties en matière de justice et l’indépendance du pouvoir judiciaire.
L’Assemblée nationale constituante dispose aussi d’une occasion unique de répondre aux aspirations des millions de Tunisiens qui sont descendus dans la rue en 2011 pour réclamer le respect de leur dignité et la garantie dans la constitution de leurs droits économiques, sociaux et culturels, a ajouté l’organisation.
"Nous savons bien qu’une nouvelle constitution ne pourra à elle seule prévenir totalement les violations des droits humains", a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui. Il faudra une volonté politique forte pour défendre les droits énoncés dans le texte, quel qu’il soit.
« Mais une constitution qui consacre véritablement les droits fondamentaux et les libertés sera un outil puissant et un instrument de référence pour prévenir les violations des droits humains. »