Le Parlement sortant du Myanmar s’est prononcé jeudi 28 en faveur de l’adoption de la Loi de sécurité sur les anciens présidents. La version préliminaire de ce texte avait alerté car elle proposait d’accorder aux anciens présidents une immunité de poursuites pour des « agissements » non définis perpétrés alors qu’ils étaient au pouvoir.
Il semble toutefois que la clause « en conformité avec le droit » ait été ajoutée à la version adoptée. S’il s’agit là d’une amélioration, il n’en reste pas moins que l’on peut continuer à considérer que cette loi permet aux anciens présidents de bénéficier de l’immunité, notamment en ce qui concerne les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et d’autres crimes de droit international.
« Cette loi a été adoptée dans la précipitation par le Parlement, à l’issue d’un débat sommaire, avant que le nouveau gouvernement ne prenne ses fonctions, ce qui fait craindre que le gouvernement sortant soit déterminé à protéger ses rangs de toutes formes d’actions en justice », a déclaré Champa Patel, directrice par intérim du bureau Asie du Sud-Est et Pacifique d’Amnesty International.
« Ce texte est une menace pesant sur le droit des victimes et familles de victimes à la justice, la vérité et des réparations, et pourrait être contraire à l’obligation qui incombe au Myanmar de poursuivre les auteurs présumés de crimes de droit international. »
« Le Myanmar est un pays où représentants de l’État et membres des forces de sécurité peuvent commettre des violations des droits humains sans avoir à se soucier des conséquences. Au lieu de consacrer cette impunité, les autorités doivent prendre des mesures pour que les victimes et familles de victimes obtiennent la vérité et la justice qu’ils méritent. »
Complément d’information
La loi devrait dans un premier temps être soumise aux députés peu après la victoire écrasante de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) lors des élections générales, le 8 novembre 2015. Le nouveau gouvernement formé par la NLD doit prendre ses fonctions début avril.
Ces dernières années, les autorités du Myanmar ont été accusées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis dans le cadre de conflits armé internes, et elles ont continué à persécuter la minorité musulmane rohingya avec l’assentiment de l’État.
Amnesty International a par ailleurs rassemblé des informations sur diverses violations des droits humains, notamment des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, des exécutions extrajudiciaires et des détentions arbitraires, dont plusieurs constituent des crimes de droit international.
En vertu de l’article 445 de la Constitution de 2008, les représentants de l’État, dont les membres des forces de sécurité, jouissent déjà de l’immunité judiciaire pour les violations des droits humains perpétrées lorsque l’armée était au pouvoir au Myanmar. Les pouvoirs exclusifs du système de justice militaire sur les soldats signifient par ailleurs que le personnel militaire n’est pas souvent, voire jamais, amené à répondre de ses crimes.
Amnesty International demande au Myanmar de révoquer ou de modifier immédiatement la Loi de sécurité sur les anciens présidents, afin de garantir qu’elle ne favorisera pas l’impunité d’auteurs de crimes de droit international. L’organisation exhorte par ailleurs le nouveau gouvernement qui s’apprête à prendre ses fonctions à adopter des mesures afin de renforcer le respect de l’obligation de rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains dans le pays.