Convention belgo-marocaine : un coup d’épée dans l’eau contre la torture

Amnesty International et la Ligue des droits de l’homme avaient pourtant demandé aux députés et au gouvernement d’ajouter une interprétation écrite du traité. Une telle déclaration aurait permis un refus de coopération en matière d’échange d’informations policières en cas de risque réel que cet échange soit issu ou susceptible d’être utilisé dans des procédures impliquant le recours à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants.

« Le fait que le gouvernement ne réponde pas à la question est regrettable, mais correspond bien à sa politique de l’autruche en ce qui concerne la torture au Maroc », a déclaré Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International. « Une déclaration interprétative aurait été un signal fort aussi bien pour son propre système juridique, qui devra faire face à l’information en provenance du Maroc, mais aussi et surtout pour les autorités marocaines elles-mêmes.  »

Amnesty International note que la Belgique est liée à des dossiers importants en lien avec la torture au Maroc, notamment en ce qui concerne Ali Aarrass et la condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire El Haski.

« La coopération dans la lutte contre le terrorisme est certainement nécessaire. Mais cet accord aurait pu être un tremplin pour résoudre, avec le gouvernement marocain, le problème de la torture. Malheureusement, le gouvernement préfère passer le problème sous silence  », a conclu Philippe Hensmans.

Complément d’information

La Chambre a approuvé hier en session plénière une convention de coopération entre la Belgique et le Maroc quant à « la lutte contre le crime organisé et le terrorisme ». Amnesty International et la Ligue des droits de l’homme ont envoyé le 8 mars une lettre aux députés, demandant que la Belgique accompagne la ratification de la convention belgo-marocaine de lutte contre le terrorisme d’une déclaration interprétative prévoyant un refus d’assistance en matière d’échange d’informations policières si cet échange est issu ou susceptible d’être utilisé dans des procédures impliquant le recours à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants.

Dans l’affaire El Haski, la Belgique a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme parce que les preuves fournies par le Maroc et utilisées dans le cadre du procès belge ont probablement été obtenues sous la torture.

Selon divers organes de l’ONU, Ali Aarrass a été torturé par le Maroc en 2010. Selon le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU, M. Aarrass a été condamné sur base de déclarations obtenues sous la torture. L’homme a la nationalité belge et marocaine. L’État belge était tenu par deux décisions de justice à lui fournir une assistance consulaire (la Belgique conteste la décision devant la Cour de cassation). Jusqu’à présent, la Belgique n’a entrepris aucune démarche pour dénoncer les actes de torture subis par le Belgo-marocain en 2010 et la condamnation par les autorités marocaines qui en a suivi.

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