Corée du Sud. Les travailleurs migrants traités comme de la main-d’œuvre jetable

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI-
Embargo : 21 octobre 2009, 01 h 00 TU

«  Bien que des dispositions réglementaires destinées à protéger leurs droits aient été adoptées, un grand nombre de travailleurs migrants en Corée du Sud sont brutalisés, soumis à la traite à des fins d’exploitation sexuelle et privés de salaire durant de longues périodes », a indiqué Amnesty International dans un rapport publié ce mercredi 21 octobre 2009.

Dans ce document de 98 pages intitulé Disposable Labour : Rights of migrant workers in South Korea, l’organisation présente des informations montrant que les migrants travaillent souvent sur de grosses machines et avec des produits chimiques dangereux, sans équipement de protection et en n’ayant pas suffisamment été formés pour ces tâches. Ils sont davantage exposés aux accidents du travail, qui se révèlent parfois mortels, et sont moins rémunérés que leurs collègues sud-coréens.

« C’est principalement parce qu’ils ne peuvent changer de travail sans l’autorisation de leur employeur que les travailleurs migrants risquent d’être exploités et de subir des atteintes à leurs droits, a déclaré Roseann Rife, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Les conditions de travail sont parfois si mauvaises qu’ils prennent la fuite ; ils se retrouvent alors en situation irrégulière et risquent d’être arrêtés et expulsés ».

La Corée du Sud a été l’un des premiers pays d’Asie à inscrire dans la législation les droits des travailleurs migrants et à accorder à ces personnes un statut identique à celui des travailleurs locaux (mêmes droits, même salaire et même avantages).

Mais cinq ans après l’entrée en vigueur du système relatif aux permis de travail, qui était censé mieux protéger les droits des travailleurs migrants, un grand nombre de ces derniers restent dans une situation difficile et sont toujours victimes de violations de leurs droits.

On estime que 220 000 migrants en situation irrégulière étaient présents en Corée du Sud en septembre 2008.

Pour tenir sa promesse de réduire ce chiffre de moitié d’ici à 2012, le gouvernement sud-coréen a déclenché une action massive, et parfois violente, contre les travailleurs migrants. Les fonctionnaires de l’immigration et les policiers sont accusés de parfois agir en dehors du cadre légal et recourir à une force excessive contre les étrangers.

Le rapport montre que le gouvernement sud-coréen n’effectue pas les contrôles suffisants sur les lieux de travail. Un nombre élevé d’accidents du travail sont constatés, qui ne donnent pas lieu au traitement médical approprié ni à des indemnités suffisantes. Les licenciements abusifs sont également nombreux.

Des travailleurs migrants avec lesquels Amnesty International s’est entretenue ont indiqué que leur employeur les contraignait à travailler de nuit et à effectuer des horaires lourds, sans leur payer d’heures supplémentaires ; il arrive aussi fréquemment, selon certains, que les salaires ne soient pas versés.

« Bien que des avancées aient été possibles grâce au système de permis de travail, les atteintes aux droits fondamentaux et les abus se poursuivent, des milliers de travailleurs migrants se trouvant à la merci de leur employeur et des autorités, qui les maltraitent car ils savent bien que leurs victimes n’ont guère de droits et ne sont pas en mesure de saisir la justice ou de demander des indemnités », a déclaré Roseann Rife.

Les éléments rassemblés par Amnesty International établissent que les femmes sont particulièrement vulnérables. Plusieurs qui avaient été recrutées comme chanteuses dans des villes où sont installés des camps de l’armée américaine ont été soumises à l’exploitation sexuelle par leur employeur ou leur responsable, et notamment contraintes de travailler dans l’industrie du sexe.

Amnesty International s’est entretenue avec des victimes qui ont déclaré n’avoir d’autre choix que de continuer à travailler ainsi, parce qu’elles avaient contracté une dette vis-à-vis de leur employeur et ne savaient à qui faire appel pour obtenir de l’aide. En quittant leur travail, elles risquaient de se retrouver en situation irrégulière et de devenir expulsables.

« Ces femmes sont doublement victimes : d’abord soumises à la traite, elles se retrouvent ensuite sans papiers lorsqu’elles tentent d’échapper à l’exploitation », a poursuivi Roseann Rife.

Amnesty International demande au gouvernement sud-coréen :

– de veiller à ce que les employeurs respectent, protègent et défendent les droits des travailleurs migrants, en menant à bien des inspections sur les lieux de travail afin de vérifier que les conditions de sécurité sont assurées, qu’une formation est dispensée et que les employés étrangers reçoivent un salaire juste et versé en temps ;

– de protéger et défendre les droits de toutes les travailleuses migrantes et de mettre fin au harcèlement sexuel et à l’exploitation sexuelle ;

– d’autoriser les travailleurs migrants en situation irrégulière à demeurer sur le territoire sud-coréen le temps qu’ils saisissent la justice et effectuent des démarches pour obtenir réparation lorsque leurs droits ont été bafoués par leur employeur ;

– de faire appliquer par les fonctionnaires chargés de l’immigration les dispositions de la législation sud-coréenne exigeant qu’ils s’identifient lors des opérations contre les étrangers en situation irrégulière, qu’ils présentent un mandat, transmettent aux migrants les recommandations nécessaires et les informent de leurs droits, et qu’ils apportent sans délai aux personnes détenues les traitements médicaux que leur état de santé nécessite ou qu’elles demandent.

Complément d’information

Le rapport Disposable Labour : Rights of Migrant Workers in South Korea renferme le témoignage de 60 travailleurs migrants et celui de personnes qui travaillent dans des foyers d’hébergement, des centres d’accueil pour migrants, des ONG et des usines. Ces éléments composent le tableau d’un système caractérisé par l’exploitation des employés et qui ne respecte pas les droits fondamentaux de la personne. Les entretiens se sont déroulés dans 11 villes du pays.

Études de cas

K. N., un travailleur migrant sri-lankais de trente-quatre ans, était employé dans une usine de fabrication de pièces de navires à Jinae, dans la province du Gyeongsang du Sud. Il a eu cinq orteils et deux doigts brisés le jour où un tuyau métallique pesant 150 kg est tombé sur lui.

Ses blessures nécessitaient deux mois d’hospitalisation, mais son employeur est venu au bout de douze jours et a menacé de le renvoyer s’il ne reprenait pas le travail immédiatement. Il n’a même pas laissé le temps à K. N. d’enfiler d’autres vêtements que ceux qu’il portait à l’hôpital. Le logement de K. N. étant situé au deuxième étage sans ascenseur, celui-ci rencontrait des difficultés au quotidien.

Sa jambe le faisait tellement souffrir qu’il pouvait à peine se tenir debout. Furieux contre lui, son employeur l’a conduit de force au bureau de l’immigration et a fait annuler son visa de travail.

Recrutée comme chanteuse, F. J., âgée de trente-sept ans et de nationalité philippine, a été soumise à l’exploitation sexuelle dans un night-club de Dongducheon, dans la province du Gyeonggi.

La première semaine où elle travaillait, son employeur l’a enfermée avec une autre femme dans une pièce où il avait fait venir plusieurs de ses amis.

Ceux-ci ont voulu imposer des rapports sexuels aux deux femmes, qui ont refusé.

F. J. s’est ensuite plainte à son employeur, qui s’est contenté de l’invectiver et a menacé de la renvoyer aux Philippines.

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