COUR PÉNALE INTERNATIONALE : La Jordanie doit rejeter l’accord garantissant l’impunité aux États-Unis

Peu d’États ont autant contribué à la mise en place de la nouvelle Cour pénale internationale que la Jordanie. Le Royaume hachémite a joué un rôle essentiel dans l’élaboration du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). Il est ensuite devenu l’un des États fondateurs de la CPI en ratifiant le Statut en avril 2002. Le prince Zeid Raad Zeid al Hussein assume la fonction de président de l’Assemblée des États parties à la CPI. La reine Rania al Abdullah est membre du conseil d’administration, composé de hautes personnalités, du Fonds d’indemnisation des victimes, mis en place par la Cour au bénéfice des victimes et de leurs familles. La Jordanie n’a cessé d’appeler le Conseil de sécurité des Nations unies à défendre la Cour contre les efforts des États-Unis pour l’affaiblir.
La Jordanie a exprimé à maintes reprises son soutien inconditionnel à la Cour et sa forte conviction qu’avec le plein soutien de la communauté internationale, la nouvelle Cour de Justice pourrait mettre fin à l’impunité et aurait un effet dissuasif pour ce qui est des crimes les plus graves de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. C’est une opinion que partage fermement Amnesty International.
Avec d’autres partisans de la Cour, Amnesty International est donc très déçue par les informations qui lui sont parvenues faisant état de la signature récente par la Jordanie d’un accord illégal d’impunité avec les États-Unis. Cet accord engage la Jordanie à ne remettre aucun ressortissant des États-Unis accusé de génocide, crimes contre l’humanité ou crimes de guerre à la Cour, au cas où la Cour en fasse la demande à la Jordanie. Il ne fournit en outre aucune garantie concernant une éventuelle enquête et la poursuite en justice de tels crimes par les États-Unis dans le cas du rapatriement d’un de leurs ressortissants. En fait, cela se révélerait impossible dans la plupart des cas, les États-Unis ne possédant pas de loi rendant passibles de poursuites en justice nombre de crimes énumérés dans la Statut de Rome.
Amnesty International a analysé l’accord proposé par les États-Unis et en a conclu qu’il n’était compatible ni avec le Statut de Rome ni avec aucun texte de droit international, qu’il s’agisse de la Convention contre le génocide, des Conventions de Genève ou de la Convention contre la torture. Ces conclusions sont également celles de l’Union européenne et de nombreux autres États. Cet accord vise en particulier de manière illégale à assurer l’impunité aux ressortissants américains pour des crimes considérés comme tellement graves qu’ils ont été déclarés crimes contre la communauté internationale toute entière et doivent, selon le droit international, faire l’objet d’enquêtes et de poursuites par tous les États. Il ne peut y avoir d’impunité pour ces crimes, tout engagement garantissant l’impunité est illégal.
Il est important que, lorsque les membres du parlement jordanien auront à se prononcer sur la ratification de cet accord, ils prennent en considération à la fois l’illégalité et les implications à long terme de la ratification d’un tel accord. Qu’un génocide, des crimes de guerre ou crimes contre l’humanité soient commis dans n’importe quel endroit du monde par des ressortissants américains qui se rendraient ensuite en Jordanie et que les États-Unis ne puissent ou ne veuillent enquêter sur ces crimes, la Jordanie ne pourra faire en sorte que les auteurs présumés de ces crimes aient à répondre de leurs actes et soient poursuivis en justice.
Malheureusement, la Jordanie n’est pas le seul pays à avoir signé un accord de ce type. Plus de 80 États ont signé des accords semblables. Dans la plupart des cas, les accords ont été signés sous la menace de voir les États-Unis retirer leur aide ou toute forme d’assistance au pays concerné. Dans de nombreux cas, cependant, du fait de l’opposition des parlementaires à un affaiblissement potentiel de la CPI, beaucoup d’accords ne sont pas entrés en vigueur. Environ 17 États ont ratifié ce type d’accords. Plus de 40 États cependant ont publiquement refusé de signer de tels accords, notamment l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Japon, le Mali, la Norvège, le Paraguay, le Pérou, Samoa, la Suisse, Trinidad et Tobago ainsi que la plupart des États de l’Union européenne.
Le parlement jordanien doit maintenir fermement sa position en faveur d’une justice internationale en refusant de devenir partie aux efforts illégaux des États-Unis pour soustraire leurs ressortissants à la justice internationale.

Martin Macpherson
Directeur du programme Droit international et Organisations internationales
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