L’arrestation de 12 députés du Parti démocratique des peuples (HDP), parti pro-kurde et de gauche, dans la nuit du 3 au 4 novembre, marque une nouvelle intensification de la répression exercée contre les dissidents dans le cadre de l’état d’urgence en Turquie, a déclaré Amnesty International le 4 novembre.
Ces arrestations, opérées sur la base de toute une série d’accusations liées au « terrorisme », interviennent à la suite de la fermeture massive de médias kurdes, de l’éviction d’au moins 24 maires pro-kurdes et de coupures régulières de l’accès à Internet entravant les communications. Ces mesures ont été suivies d’une explosion, dans la matinée du 4 novembre, qui a fait au moins huit morts à Diyarbakır, dans le sud-est du pays majoritairement kurde.
« L’arrestation aujourd’hui de députés du HDP marque une nouvelle intensification de l’éviction de la sphère publique par le gouvernement des opposants kurdes, a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe d’Amnesty International.
« Ces arrestations, qui interviennent à la suite de la fermeture, par décret de l’exécutif, des médias kurdes en Turquie, et de l’arrestation des deux maires de Diyarbakır, portent gravement atteinte aux droits à la liberté d’expression et d’association et restreignent sévèrement la capacité de participer à la vie publique. Elles présagent mal de l’avenir sous l’état d’urgence.
« Le scénario habituel d’arrestations arbitraires opérées sur la base d’accusations de terrorisme forgées de toutes pièces et suivies de procès spectacles politiques ne doit pas se dérouler. Compte tenu de l’absence de tout élément crédible prouvant que des infractions ont été commises, ces personnes doivent être immédiatement libérées. »
Des enquêtes ont été ouvertes sur 54 des 59 députés du HDP, qui est le troisième parti du pays. L’immunité parlementaire a été levée en mai, ce qui a été interprété comme une mesure destinée à permettre des poursuites judiciaires contre les députés de ce parti.
Douze députés du HDP ont été arrêtés depuis hier soir, parmi lesquels ses coprésidents Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ, qui sont accusés de « propagande pour le compte d’une organisation terroriste », un chef d’accusation souvent utilisé pour étouffer la contestation sur les questions kurdes en Turquie. Trois députés ont depuis été remis en liberté, mais cinq ont été placés en détention provisoire. La police a effectué une descente au siège du parti à Ankara.
À la suite de l’annonce de ces dernières arrestations, une voiture piégée présumée a explosé devant le siège de la police à Diyarbakır. L’explosion aurait tué au moins huit personnes, dont deux policiers. Cette explosion, qui viole les principes fondamentaux du droit international, n’a jusqu’à présent pas été revendiquée.
Au moment de ces arrestations, les utilisateurs des réseaux sociaux en Turquie se sont aperçus qu’ils ne pouvaient pas accéder à des services tels que Twitter, Facebook et WhatsApp. L’accès aux services sur Internet de manière générale reste limité dans toute la Turquie actuellement. Le Premier ministre Binali Yıldırım a déclaré cet après-midi que ces mesures étaient « des précautions temporaires » et qu’elles seraient levées dès qu’il n’y aurait « plus de danger ».
Ces arrestations font suite à d’autres interventions visant à évincer les représentants politiques autonomistes. En septembre, dans le sud-est de la Turquie majoritairement kurde, 24 maires élus appartenant à des partis politiques kurdes autonomistes ont été remplacés par décret de l’exécutif et le week-end dernier, les deux maires HDP de la municipalité de Diyarbakır ont été arrêtés et remplacés par un mandataire.
Le week-end dernier également, des médias ont été fermés par décrets de l’exécutif, notamment le quotidien kurde Özgür Gündem, le journal de langue kurde Azadiya Welat et l’agence de presse féminine JINHA, ainsi que plusieurs médias locaux du sud-est du pays et médias de l’opposition en Turquie.