ÉGYPTE : Appel à la libération de personnes emprisonnées en raison de leur orientation sexuelle

Index AI : MDE 12/009/2003

Le verdict du second procès des cinquante hommes, qui étaient passés en jugement en raison de leur orientation sexuelle supposée, devrait être rendu le 15 mars par la juridiction pénale du district de Qasr al-Nil au Caire. Le procès se déroule sur fond de répression continue de la part des autorités égyptiennes envers certains hommes, en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée.

Amnesty International déplore le fait que des personnes soient emprisonnées uniquement en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée, ce qui constitue une atteinte au droit de vivre libre de toute discrimination tel qu’il est garanti par les traités internationaux relatifs aux droits humains.

« Les autorités égyptiennes doivent remettre en liberté, immédiatement et sans condition, toute personne emprisonnée uniquement en raison de son orientation sexuelle réelle ou présumée », a déclaré Amnesty international.
Le premier procès, connu sous le nom de « l’affaire du Queen Boat », s’était ouvert en 2001. Après le prononcé du jugement, Amnesty International avait adopté comme prisonniers d’opinion ceux qui avaient été condamnés uniquement en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée ; l’organisation a fait campagne en faveur de leur libération immédiate et inconditionnelle.

Plusieurs de ces hommes ont déclaré avoir été victimes d’actes de torture et de mauvais traitements ; ils ont dit, par exemple, avoir été frappés à coups de bâton sur la plante des pieds (falaka) au début de leur détention. Les homosexuels - ou personnes perçues comme homosexuelles - sont confrontés à un risque accru de torture et de mauvais traitements dans les postes de police et les prisons d’Égypte.

Peu de temps après son arrestation, l’un des cinquante hommes a signalé au procureur qu’il avait été soumis à la torture au cours de sa détention ; il lui a montré des marques qu’il avait sur le corps. Le procureur a noté la présence de « lignes verticales rouges au milieu du dos… qui seraient dues, selon l’accusé, à des coups assenés avec une canne… ». Toutefois, aucune enquête n’a, semble-t-il, été menée pour vérifier le bien-fondé de ces allégations.

Au cours de l’examen du rapport du Comité des Nations unies pour les droits de l’homme sur l’Égypte, en octobre 2002, la délégation égyptienne a affirmé que « l’homosexualité en tant que telle ne constituait pas une infraction à la loi ». Toutefois les procès en cours et l’emprisonnement de personnes, uniquement en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée, prouvent que les accusations de « pratique de la débauche » continuent d’être utilisées pour poursuivre en justice des personnes ayant en privé des relations homosexuelles librement consenties.

Au cours de l’année passée, plusieurs affaires ont concerné des hommes présentés comme homosexuels, qui ont été mis en détention et jugés après avoir accepté de rencontrer des personnes contactées par internet , lesquelles se sont avérées être des officiers de sécurité ou des informateurs de la police.

Le 17 février 2003, une cour d’appel du Caire a confirmé la peine de quinze mois de prison, pour son orientation sexuelle présumée, du prisonnier d’opinion Wissam Tawfiq Abyad, ressortissant libanais de vingt-six ans. Le 16 janvier 2003, Wissam Tawfiq Abyad était allé retrouver une personne qu’il avait rencontrée sur un site internet pour homosexuels. Cette personne, avec laquelle il avait rendez-vous dans le quartier Heliopolis du Caire, serait un officier de sécurité ou un informateur de la police. Wissam Tawfiq Abyad a été arrêté et accusé de « pratique de la débauche ». Les conversations électroniques qu’ils avaient eues en privé sur internet ont été utilisées comme preuve à charge contre lui.

Un autre prisonnier d’opinion, Zaki Sayid Zaki ’Abd al-Malak, a été arrêté et mis en détention dans des circonstances similaires au Caire le 25 janvier 2002. Le 7 février 2002, il a été condamné à trois ans de prison pour « pratique de la débauche » par la juridiction pénale d’Agouza au Caire ; le verdict a été confirmé en appel le 31 mars 2002. Selon les informations reçues, il aurait été victime de mauvais traitement lors de sa détention.

Complément d’information
En mai 2001, soixante hommes ont été arrêtés au Caire, la majorité d’entre eux alors qu’ils se trouvaient dans une boîte de nuit aménagée dans un bateau et connue sous le nom de Queen Boat. En juin 2001, cinquante-deux d’entre eux ont été déférés, par décret présidentiel, au tribunal correctionnel de la cour de sûreté de l’État du Caire, une juridiction d’exception instaurée par la législation d’exception. En novembre, le tribunal a condamné vingt-trois de ces hommes à des peines de prison allant de un à cinq ans. Vingt-et-un d’entre eux ont été reconnus coupables de « pratique de la débauche », un de « mépris de la religion », les deux chefs d’accusation ont été retenus contre le dernier. (voir Amnesty International : Égypte. Torturés et emprisonnés du fait de leur orientation sexuelle réelle ou supposée (index AI : MDE 12/033/2001).

En mai 2002, le président Moubarak a annulé le verdict prononcé à l’encontre de cinquante des cinquante-deux hommes jugés en 2001 en raison de leur orientation sexuelle supposée, ce qui a permis la remise en liberté de vingt-et-un prisonniers d’opinion. Toutefois, les peines de prison infligées à deux autres hommes dans le cadre de la même affaire ont été maintenues. Un nouveau procès des cinquante s’est ouvert en juillet 2002 devant une juridiction pénale du district de Qasr al-Nil au Caire.

L’accusation de « pratique de la débauche » est fréquemment utilisée par les autorités judiciaires en Égypte pour qualifier les relations entre personnes du même sexe dans le contexte de relations homosexuelles librement consenties. L’accusation de « pratique de la débauche » s’appuie sur la Loi n° 10 de 1961 sur la répression de la prostitution.

Divers organismes des Nations unies pour les droits humains ont exprimé leur préoccupation à propos du traitement appliqué à des hommes en raison de leur orientation sexuelle réelle ou supposée. En novembre 2002 par exemple, le Comité des Nations unies pour les droits de l’homme a émis plusieurs recommandations après avoir examiné le rapport périodique concernant la mise en application par l’Égypte du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Comité recommandait entre autres que l’Égypte « s’abstienne d’appliquer une quelconque sanction aux relations sexuelles privées librement consenties entre adultes. »

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