ÉGYPTE : Cinquante et une personnes condamnées au terme d’un procès inique

Index AI : MDE 12/028/02

Amnesty International est vivement préoccupée par la condamnation de 51 membres présumés d’un groupe islamiste armé au terme d’un procès inique, qui s’est déroulé devant la Haute Cour militaire égyptienne, le 9 septembre.

Les accusés ont été condamnés à des peines allant de deux à quinze ans d’emprisonnement après avoir été reconnus coupables d’infractions diverses, notamment de détention d’armes et d’appartenance à une organisation illégale désignée sous le nom de Tanzim al-Wa’ad (Organisation de la promesse).

" Ces civils ont été traduits devant la Haute Cour militaire au mépris de certaines garanties fondamentales prévues par les normes internationales d’équité, notamment du droit d’interjeter appel de sa peine et de sa déclaration de culpabilité devant une juridiction supérieure, et du droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial ", a souligné Amnesty International.

Des dizaines de ces accusés, dont Magdi Hassan Idris Muhammad et Omar Abd al Aziz Khalifa Omar Hagayif Mahdi, qui ont tous été condamnés à quinze ans d’emprisonnement, ont déclaré au ministère public qu’ils avaient été soumis à la torture, notamment à des décharges électriques, par des membres du Service de renseignements de la sûreté de l’État. Plusieurs d’entre eux ont affirmé qu’ils avaient été contraints à faire des " aveux ".

Amnesty International a appelé à plusieurs reprises les autorités à enquêter de manière exhaustive et impartiale sur ces allégations de torture, mais elle n’a obtenu aucune réponse de leur part.

Nombre des accusés avaient été arrêtés en mai 2001. Parmi eux figuraient plusieurs ressortissants étrangers, notamment des citoyens russes originaire de la République du Daghestan. En octobre 2001, quatre-vingt-quatorze personnes avaient été renvoyées pour jugement devant la Haute Cour militaire égyptienne. Quarante-trois d’entre elles ont été acquittées.

Amnesty International appelle le président Hosni Moubarak à ne pas ratifier ce jugement, et à veiller à ce que ces 51 individus soient rejugés dans le cadre d’un procès conforme aux normes internationales d’équité.

Complément d’information
En octobre 1992, le président Hosni Moubarak a commencé à promulguer des décrets spéciaux permettant de traduire devant des tribunaux militaires des civils inculpés d’infractions à caractère " terroriste ". Or, les procès qui se déroulent devant ces tribunaux sont incompatibles avec certaines des garanties les plus élémentaires prévues par le droit international relatif aux droits humains, notamment avec le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial et le droit d’interjeter appel de sa déclaration de culpabilité et de sa peine devant une juridiction supérieure.

Les condamnations à mort prononcées par les juridictions militaires sont uniquement susceptibles d’être soumises au Bureau militaire des appels, qui est composé exclusivement de juges militaires et n’appartient pas à l’appareil judiciaire, puis à la ratification du président. Or, l’article 14-5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que l’Égypte a ratifié, dispose : " Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi. "

Les juges militaires égyptiens sont des officiers en service actif désignés par le ministère de la Défense pour une période de deux ans, que le ministre de la Défense peut reconduire dans leurs fonctions pour deux années supplémentaires s’il le souhaite. Cette procédure n’offre pas les garanties d’indépendance suffisantes requises par le droit international, notamment par les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature.

En juillet 1993, le Comité des droits de l’homme des Nations unies s’était déclaré préoccupé par le fait que des civils étaient traduits devant des juridictions militaires en Égypte, et avait estimé que " les tribunaux militaires ne devraient pas être habilités à juger les affaires qui ne se rapportent pas à des infractions commises par des membres des forces armées dans l’exercice de leurs fonctions ". Par ailleurs, en 1994, le Comité des Nations unies contre la torture s’était également inquiété de " l’existence en Égypte de nombreuses juridictions d’exception, par exemple les tribunaux militaires, dont le fonctionnement laisserait penser qu’elles sont sous la dépendance du chef de l’exécutif ".

En vertu de l’article 15 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aucune déclaration arrachée à une personne par la torture ne doit être invoquée contre elle comme élément de preuve dans quelque procédure que ce soit.

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