Le 6 décembre 2020, un tribunal égyptien a confirmé la décision du parquet de geler les avoirs des trois dirigeants de l’EIPR Mohamed Basheer, Karim Ennarah et Gasser Abdel Razek, qui ont été libérés le 3 décembre dans l’attente des conclusions d’enquêtes, à la suite d’une forte pression nationale et internationale. Cette nouvelle attaque contre l’EIPR ne laisse aucun doute sur le fait que le mouvement de défense des droits humains en Égypte reste gravement menacé, les membres du personnel d’organisations de la société civile continuant de faire l’objet d’arrestations arbitraires, d’informations judiciaires, de gels de leurs avoirs et d’interdictions de voyager.
« Bien qu’ils soient maintenant libres, ces défenseurs des droits humains ne devraient pas avoir passé un seul jour derrière les barreaux, et leur libération sera un grand soulagement pour leurs familles et pour la communauté de défense des droits humains égyptienne assiégée. Cependant, cela reste une victoire en demi-teinte qui rappelle que de nombreux défenseur·e·s des droits humains restent détenus injustement en Égypte », a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Le gel des avoirs personnels des trois dirigeants de l’EIPR, imposé au lendemain d’une attaque sans précédent contre l’organisation, démontre l’intention des autorités d’éradiquer le mouvement égyptien de défense des droits humains. Alors que des dizaines de défenseur·e·s des droits humains continuent d’être soumis à des arrestations arbitraires, à des gels de leurs avoirs et à des interdictions de voyager, la communauté internationale doit assurer une pression constante et coordonnée sur les autorités égyptiennes afin de montrer leur véritable engagement pour la survie du mouvement de défense des droits humains en Égypte. »
Pendant que d’autres défenseur·e·s des droits humains continuent d’être placés en détention, notamment Patrick George Zaki, chercheur de l’EIPR spécialisé dans les questions de genre, les autorités égyptiennes maintiennent arbitrairement en détention des milliers de personnes, notamment des prisonniers et prisonnières d’opinion, et continuent d’exécuter des dizaines de personnes à l’issue de procès iniques et de se rendre responsables d’actes de torture et de disparitions forcées en toute impunité.
« Le gel des avoirs personnels des trois dirigeants de l’EIPR, imposé au lendemain d’une attaque sans précédent contre l’organisation, démontre l’intention des autorités d’éradiquer le mouvement égyptien de défense des droits humains. Alors que des dizaines de défenseur·e·s des droits humains continuent d’être soumis à des arrestations arbitraires, à des gels de leurs avoirs et à des interdictions de voyager, la communauté internationale doit assurer une pression constante et coordonnée sur les autorités égyptiennes afin de montrer leur véritable engagement pour la survie du mouvement de défense des droits humains en Égypte. »
Lors de la seule véritable audience concernant le gel des avoirs des dirigeants de l’EIPR, qui s’est tenue le 1er décembre, le juge d’une chambre spécialisée dans les affaires de terrorisme d’un tribunal du Caire n’a pas permis aux avocats de présenter leur défense, de consulter les différentes pièces des dossiers de l’affaire, notamment les motifs de la décision du parquet d’ordonner le gel des avoirs, ou de s’entretenir en privé avec leurs clients, ce qui représente de graves violations du droit à procès équitable.
Visite du président égyptien en France sur fond de crise du mouvement de défense des droits humains
Amnesty International demande au président français Emmanuel Macron d’honorer son engagement à promouvoir les droits humains en Égypte et d’inciter le président Abdel Fattah al Sissi à libérer les défenseur·e·s des droits humains qui se trouvent en détention arbitraire et à protéger le mouvement de défense des droits humains.
En Égypte, au moins 31 responsables d’organisations de la société civile sont soumis à des interdictions de voyager, et 10 (en plus des trois dirigeants de l’EIPR récemment libérés) font l’objet de gels de leurs avoirs, notamment Hossam Bahgat, fondateur de l’EIPR, Mozn Hassan, directrice du groupe Nazra pour les études féministes, Mohamed Zaree, de l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme, Azza Soliman, directrice du Centre d’assistance juridique aux Égyptiennes, Gamal Eid, directeur du Réseau arabe d’information sur les droits humains, et Aida Seif el Dawla, du Centre El Nadeem pour la réadaptation des victimes de violences et de torture. Tous ces défenseur·e·s des droits humains font l’objet d’informations judiciaires dans le cadre de l’« Affaire 173 » (ou affaire des « financements étrangers ») concernant leur travail légitime, et pourraient être condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.
« Dans le cadre d’une action plus vaste en vue de pousser les autorités à cesser leurs attaques contre le mouvement de défense des droits humains, la communauté internationale doit, par l’intermédiaire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, mettre en place un mécanisme de surveillance et d’information sur la situation des droits humains en Égypte. »
En 2020, des juges de chambres chargées des affaires de terrorisme ont ajouté les avocats spécialistes des droits humains Mohamed el Baqer et Zyad el Eleimy, le coordonnateur Égypte du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) Ramy Shaath et le militant des droits humains Alaa Abdelfattah à des « listes de terroristes », et leur ont par conséquent imposé des interdictions de voyager et ont gelé leurs avoirs pour cinq ans. Ils sont tous les trois toujours détenus arbitrairement pour des accusations infondées de terrorisme.
« Dans le cadre d’une action plus vaste en vue de pousser les autorités à cesser leurs attaques contre le mouvement de défense des droits humains, la communauté internationale doit, par l’intermédiaire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, mettre en place un mécanisme de surveillance et d’information sur la situation des droits humains en Égypte », a déclaré Philip Luther.
Complément d’information
Entre les 15 et 19 novembre, les autorités égyptiennes ont arrêté des membres du personnel de l’EIPR, au lendemain d’une réunion de l’organisation avec des diplomates. Depuis des années, la communauté internationale ferme les yeux pendant que les autorités égyptiennes utilisent de manière abusive des mesures de lutte contre le terrorisme pour justifier l’arrestation de dizaines de défenseur·e·s des droits humains pour des accusations sans fondement de terrorisme. Parmi les défenseur·e·s des droits humains arrêtés pour des accusations forgées de toutes pièces figurent le directeur du Centre Adalah pour les droits et les libertés Mohamed el Baqer, le journaliste et défenseur des droits humains Esraa Abdelfatah, l’avocate spécialiste des droits humains Mahienour el Masry, le chercheur Ibrahim Ezz el Din, l’avocat et chercheur à la Commission égyptienne des droits et des libertés Haytham Mohamdeen, l’avocat et fondateur de la coalition de familles des disparus Ibrahim Metawly, et l’avocate Hoda Abdelmoniem.
Plus tôt cette année, un juge d’une chambre spécialisée dans les affaires de terrorisme a condamné le défenseur des droits humains de longue date Bahey el Din Hassan à 15 ans d’emprisonnement pour des accusations forgées de toutes pièces d’« offense au pouvoir judiciaire » et de « diffusion de fausses informations », en raison de ses tweets sur les droits humains.
Le 6 décembre 2020, le chercheur de l’EIPR Patrick George Zaki et son avocat ont comparu devant un tribunal pour un réexamen de la détention provisoire dont il fait l’objet depuis février 2020 dans l’attente des résultats d’enquêtes sur des accusations infondées liées au terrorisme. La décision du tribunal n’a pas encore été rendue.