Le président égyptien, Mohamed Morsi, doit de toute urgence s’attaquer aux violences sectaires sans précédent qui frappent les musulmans chiites et faire en sorte qu’ils soient protégés contre de nouvelles attaques, a déclaré Amnesty International après que quatre hommes chiites ont été tués dans le sud du Caire, au cours d’une violente attaque, dimanche 23 juin.
« Les autorités égyptiennes doivent immédiatement diligenter une enquête indépendante et impartiale sur ces quatre homicides, et envoyer un message clair indiquant que les attaques et les incitations à la violence contre les musulmans chiites ne seront pas tolérées », a affirmé Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Ces enquêtes doivent porter sur les forces de sécurité qui, encore une fois, n’ont pas arrêté une effusion de sang, et sur l’apologie de la haine et l’incitation à la violence qui ont pu déclencher de telles violences. »
Le 23 juin, un grand groupe de villageois a encerclé la maison d’un musulman chiite, Ali Mohamed Farahat, dans le village d’Abu Musalam Zawiyat, à Gizeh, où une cérémonie religieuse avait lieu.
Les villageois ont demandé que Hassan Shahata, un autre chiite de passage, se rende à eux.
Selon des témoins oculaires, les villageois ont fait irruption dans la maison, brisant le toit, les portes et les fenêtres. Avec des bâtons et des couteaux, ils ont battu et poignardé certaines personnes, les ont traînées sur le sol et ont tenté d’incendier la maison.
Les personnes qui se trouvaient à l’intérieur de la maison, y compris des enfants, ont été frappées avec des pierres. Les assaillants ont endommagé plusieurs éléments du mobilier à l’intérieur de la maison, notamment des réfrigérateurs, et volé de l’or et autres biens. Pendant l’attaque, la foule scandait « Allahu Akbar » (Dieu est grand) et clamait que les chiites étaient des « infidèles ».
Hassan Shahata, deux de ses frères et Imad Rabi Ali sont morts à la suite de ces attaques.
Le propriétaire de la maison, Ali Mohamed Farahat, ses deux filles et son fils, qui ont tous été blessés lors de l’attaque, ont été interrogés aujourd’hui. Selon les sources, le ministère a émis 15 mandats d’arrêt, mais jusqu’à présent, aucune arrestation n’a eu lieu.
Il a été rapporté que 12 personnes, dont une femme et une jeune fille, ont également été blessées à la suite de violences sectaires dans cette zone, et que quatre autres maisons de chiites ont été incendiées dans le village.
Des témoins ont également déclaré que des policiers et des membres des Forces centrales de sécurité (la police anti-émeute), étaient présents sur les lieux, mais n’ont pas fait cesser les violences.
Lundi, le président Morsi a publiquement condamné ces homicides et promis de traduire les responsables en justice. Sa déclaration, cependant, ne condamnait pas les incitations à la violence visant les musulmans chiites. Une déclaration similaire du Premier ministre, Hisham Qandil, condamnait l’incitation à la haine et à la violence.
Selon les habitants, les salafistes et d’autres groupes islamistes ont incité à la haine et à la violence contre les chiites au cours des dernières semaines, notamment pendant les prières du vendredi, et en distribuant des tracts appelant à une expulsion des chiites.
Lors d’une conférence tenue le 16 juin pour « soutenir l’insurrection syrienne » en présence du président Morsi, plusieurs éminents représentants sunnites ont utilisé un langage sectaire et violent pour condamner les attaques contre les sunnites dans le conflit armé en Syrie. À titre d’exemple, Mohamed Hassan a appelé le président Morsi à ne pas laisser les chiites en Égypte afin qu’ils ne « corrompent » pas le pays, tandis qu’un autre orateur a qualifié les chiites d’« "impurs ».
« En ne dissociant pas son gouvernement et lui-même de la haine et de l’incitation à la haine envers les chiites, le président Morsi n’a pas exprimé clairement que les attaques contre les musulmans chiites ne seraient pas tolérées », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui .
« La simple condamnation de l’attaque par le président Morsi ne sera pas suffisante pour arrêter la montée de l’intolérance envers les chiites en Égypte. Si les auteurs des attaques de Gizeh ne sont pas punis, d’autres personnes vont suivre leur exemple.
Il est profondément troublant de penser que les forces de sécurité n’ont pas agi face à une telle violence. Seule une volonté politique peut arrêter cette tendance à l’inaction. »
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Morsi, un membre des Frères musulmans, des chiites et d’autres minorités religieuses d’Égypte, y compris les chrétiens coptes, ont continué de subir des violences sectaires et des discriminations.