La nouvelle loi promulguée par le président égyptien Abdel Fattah al Sissi, imposant des restrictions sans précédent aux ONG, pourrait signer l’arrêt de mort des organisations de défense des droits humains dans le pays, a déclaré Amnesty International le 30 mai 2017.
« C’est un coup terrible porté aux organisations qui défendent les droits en Égypte. La sévérité des restrictions imposées par cette loi menace d’éliminer les ONG dans le pays, à une période où la répression contre la dissidence rend leur travail plus important que jamais, a déclaré Najia Bounaim, directrice des Campagnes pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Cette loi, qui confère au gouvernement des pouvoirs extraordinaires pour contrôler les ONG et impose de lourdes sanctions et amendes pour toute violation de ses dispositions, est le dernier stratagème des autorités pour museler toutes les voix indépendantes. »
Après l’adoption de la loi par le Parlement en novembre 2016, Amnesty International a demandé au président de ne pas la promulguer, car elle entre en contradiction avec la Constitution de l’Égypte et ses obligations internationales. Cependant, il a décidé de la promulguer, sans s’intéresser aux préoccupations soulevées par les organisations égyptiennes et internationales de défense des droits humains.
Depuis trois ans, les autorités orchestrent une campagne ciblée contre les organisations qui défendent les droits humains : 24 font l’objet d’une interdiction de voyager et sept organisations et 10 personnes ont vu leurs avoirs gelés. Plus récemment, des juges d’instruction ont convoqué deux directeurs d’ONG, Mohamed Zaree de l’Institut du Caire pour l’étude des droits humains et Mustafa el Hassan du Centre de droit Hisham Mubarak. Tous deux ont été remis en liberté sous caution.
La semaine dernière, les mesures répressives se sont intensifiées contre d’autres voix critiques. Le 23 mai, l’ancien candidat à l’élection présidentielle Khaled Ali a été arrêté, pour des accusations liées à des actes ayant porté atteinte à la moralité publique. Le parquet l’a libéré sous caution le 25 mai et l’a déféré à la justice. En outre, les autorités ont récemment bloqué plus de 21 sites Internet, dont les plateformes d’informations bien connues Mada Masr et Daily News Egypt.
« Depuis trop longtemps, la communauté internationale ferme les yeux sur l’érosion constante des droits humains en Égypte, ce qui encourage les autorités à redoubler leurs attaques contre la critique pacifique sans craindre d’être amenées à rendre des comptes, a déclaré Najia Bounaim.
« Nous l’engageons à faire pression sur les autorités égyptiennes pour clore l’enquête pénale en cours sur le travail des organisations de défense des droits humains car, avec la nouvelle loi, elle aura des conséquences dévastatrices sur les droits humains en Égypte. »
Complément d’information
La Loi n° 70 de 2017 donne aux ONG d’Égypte un an pour s’y plier ou risquer d’être dissoutes devant le tribunal.
Les restrictions concernent notamment le fait d’interdire les recherches de terrain et les sondages sans autorisation du gouvernement et de contraindre les ONG à adapter leurs activités aux priorités et aux projets du gouvernement – sinon, elles encourent jusqu’à cinq années de prison.
La loi confère également aux autorités de vastes pouvoirs pour dissoudre les ONG, renvoyer leur conseil d’administration et engager contre leurs employés des poursuites pénales fondées sur des termes vagues, notamment « atteinte à l’unité nationale et trouble à l’ordre public ».