Index AI : AMR 51/201/2005
DÉCLARATION PUBLIQUE
Amnesty International a fait part aux autorités américaines ce mardi 13 décembre 2005 de ses préoccupations concernant les poursuites pénales engagées contre Daniel Strauss et Shanti Sellz, qui ont tenté d’apporter une aide humanitaire à trois immigrés retrouvés en situation de détresse dans le désert d’Arizona en juillet dernier.
Daniel Strauss et Shanti Sellz sont membres de « No More Deaths », réseau de bénévoles et d’organisations qui s’efforce de mettre fin aux décès de migrants clandestins ou sans papiers, des centaines mourant chaque année après avoir franchi la frontière des États-Unis depuis le Mexique. La plupart meurent durant la traversée du désert d’Arizona, qui aurait fait plus de 260 victimes pour la seule année 2004, principalement en raison des températures extrêmes, qui ont atteint des niveaux record en juillet 2005.
Selon certaines informations, les trois immigrés secourus par Daniel Strauss et Shanti Sellz le 9 juillet 2005 étaient assoiffés et affamés, souffraient de vomissements constants et de graves ampoules invalidantes qui, sans soins, les auraient empêchés de marcher - ce qui, dans le désert, se traduit souvent par la mort. Strauss et Sellz emmenaient les trois hommes se faire soigner par des professionnels de la santé bénévoles à Tucson lorsqu’ils ont été arrêtés par la police des frontières américaine.
Daniel Strauss et Shanti Sellz ont été inculpés de deux crimes graves au titre de la loi fédérale : transport d’immigrants clandestins et entente délictueuse à cette fin. Pour qu’il soit déclaré coupable au titre de la loi concernée, il faut prouver que l’auteur présumé de l’infraction a transporté un étranger clandestin en connaissance de cause, à savoir en sachant que cet étranger était en situation irrégulière. Daniel Strauss et Shanti Sellz encourent une peine maximum de quinze ans d’emprisonnement. Selon leurs avocats, la loi américaine n’interdit pas d’apporter uniquement une aide humanitaire. Aussi s’efforcent-ils d’obtenir l’abandon des charges. Une audience devant examiner leur requête doit avoir lieu le 14 décembre.
Amnesty International reconnaît le droit souverain des États de contrôler leurs frontières et ne cautionne aucune violation de la loi. Toutefois, l’organisation insiste sur le fait que la politique de contrôle des frontières ne doit pas se faire au détriment des obligations internationales relatives aux droits humains qui incombent aux États. Elle constate avec inquiétude que Daniel Strauss et Shanti Sellz risquent d’être condamnés, peut-être emprisonnés, simplement pour avoir secouru des personnes en très grande détresse. Étant donné le nombre important de victimes parmi les immigrés sans papiers qui traversent le désert d’Arizona, ils agissaient sans doute directement en vue de protéger et de préserver la vie, droit fondamental dont chacun peut se prévaloir.
Amnesty International fait observer qu’à aucun moment ils n’ont aidé les immigrés à entrer aux États-Unis en violation de la loi, pas plus qu’ils ne semblent avoir cherché à les soustraire aux contrôles de l’immigration. Ils se sont contentés d’aider les trois hommes qui avaient semble-t-il besoin de toute urgence de soins médicaux. En outre, il semble que les bénévoles ont fourni ouvertement ce type d’aide dans des circonstances analogues pendant plusieurs années sans être sanctionnés.
Compte tenu de ces circonstances et des faits présentés, Amnesty International demande elle aussi que les charges soient abandonnées dans cette affaire et, s’ils sont reconnus coupables et incarcérés, considèrera Daniel Strauss et Shanti Sellz comme des prisonniers d’opinion.
Parmi les immigrants concernés, il y avait un père et son fils ; les trois seraient Mexicains. Deux d’entre eux ont été expulsés sur-le-champ, sans recevoir de soins médicaux. Le troisième a été maintenu en détention pendant deux mois en qualité de « témoin important », puis expulsé sans bénéficier d’une audience après avoir enregistré une déclaration vidéo qui a servi à inculper Daniel Strauss et Shanti Sellz.
Amnesty International estime que tous les immigrants, y compris les clandestins et les sans papiers, doivent bénéficier avant d’être expulsés d’une procédure individuelle équitable et transparente, leur permettant de présenter les motifs s’opposant à leur expulsion et de voir leur cas examiné par une autorité indépendante. Les États-Unis doivent veiller à ce que les droits fondamentaux de tous les migrants soient protégés avant et pendant toute procédure d’expulsion.