États-Unis. Les commissions militaires sont incompatibles avec la justice


Déclaration publique

AMR 51/147/2007

Les États-Unis doivent abandonner les commissions militaires, car la justice ne sera ni rendue ni considérée comme rendue dans les procès de ces tribunaux, qui manquent d’indépendance et peuvent recevoir des éléments à charge obtenus sous la contrainte, entre autres failles.

Le Pentagone a indiqué qu’il reprendra la procédure des commissions militaires, après la décision rendue ce 24 septembre par le tribunal de révision des commissions militaires (CMCR), un tribunal établi par le ministre de la Défense en juin 2007.

Les procès aux termes de la Loi relative aux commissions militaires de 2006 se sont arrêtés temporairement au début du mois de juin, après que deux juges militaires n’ont pas retenu les accusations à l’encontre du ressortissant canadien Omar Ahmed Khadr et du ressortissant yéménite Salim Ahmed Hamdan, pour la raison que les commissions n’avaient pas compétence sur ces personnes. Ces détenus figurent parmi plus de 300 ressortissants étrangers toujours détenus dans la base navale des États-Unis à Guantánamo, où les tribunaux d’examen du statut de combattant – des organes de révision administratifs établis par le Pentagone – ont confirmé leur classification en tant que « combattants ennemis ». La question de la compétence s’est posée parce qu’aux termes de la Loi relative aux commissions militaires, les procès de ces commissions sont réservées aux ressortissants étrangers classifiés comme « combattants ennemis illégaux ».

Lors de l’appel interjeté dans l’affaire Omar Khadr, la CMCR a décidé que le juge militaire avait fait erreur en ne donnant pas au gouvernement l’occasion de présenter des éléments pour soutenir son affirmation selon laquelle Omar Khadr était un « combattant ennemi illégal ». La CMCR a décidé que le juge militaire avait également tort d’avoir déclaré qu’il n’avait pas autorité pour décider si l’accusé était un « combattant ennemi illégal » afin d’établir la compétence de la commission militaire.

Nous ignorons si cette décision peut faire l’objet d’un appel – ou le fera effectivement – devant la Cour d’appel fédérale des États-Unis du circuit district du Columbia.

Amnesty International considère qu’en l’absence de procédure régulière, Omar Khadr et les autres détenus de Guantánamo sont arbitrairement détenus, en violation du droit international relatif aux droits humains. Ces personnes doivent, soit être inculpées dans le cadre d’un procès équitable devant un tribunal indépendant, impartial et compétent, soit être libérées.

Si les États-Unis souhaitent réellement traduire en justice les détenus de Guantánamo, ils doivent le faire de manière à démontrer leur engagement en faveur de la restauration de l’état de droit. Les États-Unis doivent promptement inculper ces détenus d’infractions pénales reconnues, devant les tribunaux fédéraux. Les procès organisés sous la forme actuellement définie par la Loi relative aux commissions militaires sont inacceptables ; pourtant, ces procès semblent actuellement les seuls envisagés par l’administration des États-Unis.

Dans cette optique, et comme l’administration semble vouloir toujours traduire en justice Omar Khadr et Salim Hamdan devant des commissions militaires aux termes de la Loi relative à ces commissions, Amnesty International demande aux gouvernements canadien et yéménite de joindre leurs forces aux siennes et à celles d’autres organisations, en faisant tout leur possible pour persuader les États-Unis de respecter pleinement le droit international dans leur traitement des détenus. Tant que les États-Unis continueront à ne pas appliquer les normes internationales pour un procès équitable, ces deux gouvernements devront s’efforcer de protéger leurs citoyens en les rapatriant, et s’il existe suffisamment d’éléments recevables, en organisant leur procès dans leur pays d’origine, dans le respect des normes internationales pour un procès équitable.

Dans l’affaire Omar Khadr, le refus des États-Unis d’appliquer le droit international s’est traduit par le fait qu’une personne âgée de quinze ans lors de sa détention en Afghanistan, à la mi-2002, est détenue depuis le quart de sa vie dans un cadre militaire, sans procès, et sans que son âge soit pris en compte, ses ravisseurs ignorant l’exigence des normes internationales de faire tout leur possible pour faciliter sa réintégration et réinsertion dans la société. Le gouvernement canadien doit faire son possible pour compenser les manquements des États-Unis.

Comme l’a déclaré en mars 2007 le ministre de la Défense des États-Unis, Robert Gates : « Guantánamo est devenu un symbole, que cela nous plaise ou non, pour de nombreuses personnes dans le monde. » Ces commissions militaires – une version révisée du projet de commissions militaires déclaré illégal par la Cour suprême des États-Unis en 2006 – sont l’une des raisons pour lesquelles le centre de détention de Guantánamo est largement condamné par la communauté internationale. Ce centre de détention doit être fermé, sans que les violations des droits humains soient transférées ailleurs.

Pour de plus amples informations, voir :
États-Unis d’Amérique. Justice retardée ou justice bafouée ? Les procès en vertu de la Loi relative aux commissions militaires.
http://web.amnesty.org/library/pdf/AMR510442007FRENCH/$File/AMR5104407.pdf

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