États-Unis d’Amérique. Chuckie Taylor, fils de l’ancien dirigeant libérien, reconnu coupable d’actes de torture

Déclaration publique

Index AI :AMR 51/128/2008

Amnesty International a salué la déclaration de culpabilité, prononcée le 30 octobre par un tribunal américain, de Chuckie Taylor, fils de l’ancien président libérien Charles Taylor. Chuckie Taylor a été reconnu coupable d’actes de torture et autres crimes commis au Libéria. Parmi les formes de tortures qu’il aurait ordonnées, on mentionne notamment les décharges électriques appliquées sur les parties génitales des victimes, les brûlures à l’aide de cigarettes, de fers chauds et de plastique fondu et le sel versé sur leurs blessures. Il s’agit de la première déclaration de culpabilité au titre de la Loi pour la protection des victimes de la torture, adoptée en 1994 [autorisant les tribunaux américains à juger les actes de tortures commis par des citoyens américains à l’étranger]. Chuckie Taylor est aussi la première personne à être jugée et reconnue coupable pour des crimes de droit international commis au cours du conflit qui a duré une dizaine d’années au Libéria et s’est terminé en 2003. Chuckie Taylor risque jusqu’à vingt ans de réclusion pour ces crimes.

C’est un jugement qui fera date, a déclaré Tania Bernath, chargée de recherche sur le Libéria auprès d’Amnesty International. Il sous-entend que les États-Unis ont maintenant la volonté d’enquêter et d’engager des poursuites contre des personnes se trouvant sur leur territoire et soupçonnées d’actes de torture et autres crimes de droit international. Ce faisant, ils envoient un message important : celui que le nombre de sanctuaires pour les auteurs d’actes de torture et autres crimes de droit international va en diminuant.

Aucune poursuite judiciaire n’a été engagée par les États-Unis au titre de la Loi pour la protection des victimes de la torture au cours des quatorze dernières années, en dépit de nombreuses allégations faisant état de la présence aux États-Unis de centaines de personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de torture. Amnesty International espère que cette condamnation est le signe que les États-Unis vont à présent commencer à s’acquitter de leurs obligations définies par la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, et exercer leur compétence universelle à l’égard de personnes résidant sur un territoire soumis à leur compétence et soupçonnées de tout acte de torture, tentative de commettre la torture ou complicité ou participation à la torture. En conséquence, l’organisation salue les propos du procureur général [de Floride] Alexander Acosta qui a déclaré le 30 octobre que cette affaire était la première de ce type , mais cela ne veut pas dire qu’il s’agira aussi de la dernière .

En outre, Amnesty International espère que le Libéria promulguera des lois efficaces et que le ministère public libérien commencera désormais à enquêter et, là où il existera suffisamment d’éléments recevables, à poursuivre les nombreuses autres personnes soupçonnées de torture et d’autres infractions au droit international commises au Libéria lors de la dernière décennie.

Complément d’information

Le 6 décembre 2006, Roy Belfast Jr (alias Charles ou Chuckie Taylor, Charles Taylor II et Charles MacArthur Emmanuel), citoyen des États-Unis, avait été mis en inculpation par un grand jury fédéral des États-Unis pour torture et complot en vue de torture, qu’il aurait commise alors qu’il servait comme chef de l’Unité de lutte antiterroriste de l’ancien président libérien Charles Taylor. Son procès s’est ouvert le 28 septembre 2008 devant la Cour fédérale du district de Floride du Sud à Miami, où il avait été arrêté initialement pour fausse déclaration relative à son passeport.

La Loi fédérale pour la protection des victimes de la torture autorise les Cours fédérales à exercer leur compétence universelle sur des personnes résidant aux États-Unis qui sont soupçonnées de torture, où qu’elle ait été commise dans le monde. Le texte s’applique aux citoyens des États-Unis ainsi qu’à toute personne présente sur le territoire des États-Unis, quelle que soit sa nationalité et quel que soit le lieu où les crimes ont été commis.

Le procès de Chuckie Taylor s’est déroulé en même temps que celui de son père, Charles Taylor, jugé à La Haye par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. L’ancien président, jugé pour des crimes qu’il est accusé d’avoir commis en Sierra Leone, doit répondre de onze chefs d’inculpation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

De 1989 à 2003, le Libéria a été plongé dans un conflit caractérisé par des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. En 2006, un nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir. À ce jour néanmoins, nul, au Libéria, n’a fait l’objet d’une enquête ou de poursuites pour torture ou tout autre crime aux termes du droit international. En outre, le gouvernement libérien n’a pas donné force de loi aux textes nécessaires pour définir la torture comme un crime en droit national, correspondant à la définition de la Convention contre la torture. Pour Amnesty International, de même que les ministères publics aux États-Unis et aux Pays-Bas ont maintenant commencé s’acquitter de leur responsabilité – définie par la Convention contre la torture – d’enquêter sur les suspects de crimes à l’encontre des Libériens et de les poursuivre, le gouvernement libérien doit sans délai donner force de loi aux textes nécessaires et les mettre en œuvre.

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