Un navire transportant des armes et des explosifs en provenance des États-Unis vers l’Égypte ne doit pas être autorisé à décharger sa cargaison, car il existe un risque élevé que ces armes soient utilisées par les forces de sécurité égyptiennes pour commettre des violations des droits humains, a déclaré Amnesty International jeudi 15 mars.
L’organisation suit la progression du MV Schippersgracht, un navire sous pavillon néerlandais, depuis deux mois. Il se trouve actuellement dans la Méditerranée et doit arriver en Égypte au début de la semaine du 19 mars.
Ce navire avait précédemment fait escale au terminal maritime de l’armée américaine de Sunny Point (MOTSU), à Southport, en Caroline du Nord (États-Unis), le 24 février 2012.
MOTSU est le plus grand port de transfert de munitions des États-Unis ; il s’agit du principal port utilisé par le ministère américain de la Défense pour l’acheminement de munitions depuis la côte atlantique.
Le 3 mars 2012, le navire a quitté Sunny Point, un port exclusivement utilisé par l’armée, avec à son bord une cargaison de marchandises dangereuses dont des cartouches de fusil, des fusées d’artillerie et d’autres munitions. Ce navire a une capacité maximale de 21 000 tonnes et de 1 100 conteneurs de 20 pieds. Le capitaine a indiqué que la prochaine destination du navire était Port-Saïd, en Égypte.
« Il ne faut pas permettre à ce navire de la honte de décharger sa dangereuse cargaison en Égypte ; or il est fort probable que ce soit ce qu’il a prévu de faire », a expliqué Brian Wood, responsable des recherches sur le contrôle des armes au sein d’Amnesty International. « Il a été clairement établi que des armes provenant de cargaisons précédentes ont récemment été utilisées par les forces de sécurité égyptiennes pour commettre de graves violations des droits humains, et pourtant les États-Unis envoient de manière inconsidérée un flux ininterrompu d’armes en Égypte. »
Le mois dernier à peine, les Forces centrales de sécurité égyptiennes (la police antiémeutes) ont recouru à une force excessive, utilisant notamment des fusils et tirant à balles réelles afin de disperser des actions de protestation. Au moins 16 personnes ont alors été tuées et des centaines d’autres blessées.
Au cours de l’année écoulée, les forces de sécurité égyptiennes, dont l’armée, ont employé une force excessive, parfois même meurtrière, contre les manifestants. Plus de 100 personnes ont été tuées et des milliers d’autres blessées par les forces de sécurité ces cinq derniers mois.
L’entreprise néerlandaise Spliethoff’s Bevrachtingskantoor BV, prestataire auprès du commandement du transport maritime militaire des États-Unis et qui s’occupe de la gestion du Schippersgracht, n’a souhaité faire aucun commentaire sur cette dernière cargaison en date lorsqu’Amnesty International l’a contactée.
Ce transfert fait suite à une série de livraisons d’une quantité importante d’armes en provenance des États-Unis et à destination de l’Égypte.
Entre le 11 décembre 2011 et le 5 février 2012, le bureau des acquisitions de l’Agence de l’armement du ministère égyptien de la Défense a fait acheminer un total de 349 tonnes d’équipements militaires et à double usage, pour une valeur d’au moins 35 millions de dollars américains (soit environ 26 millions d’euros), livré par sept navires marchands, sous pavillon américain, de l’armateur American President Lines Maritime Ltd.
Le matériel livré par ces sept navires incluait des pièces détachées et des composants militaires pour des équipements électroniques, des véhicules tactiques et de soutien, des camions citernes, des véhicules blindés et des tanks, et des pièces détachées d’hélicoptères AH-64 Apache, H-3 et SH-2G(E).
La manière dont les forces de sécurité égyptiennes utilisent les munitions illustre de manière frappante la nécessité urgente d’élaborer et de mettre en œuvre un traité mondial efficace sur le commerce des armes (TCA), alors que la phase finale des négociations concernant celui-ci démarre en juillet.
Amnesty International demande que les munitions soient inclues parmi les armes classiques dont le traité doit réglementer le commerce, une orientation à laquelle les États-Unis s’opposent.
« La répression violente menée par les forces de sécurité égyptiennes contre les manifestants est malheureusement l’un des nombreux exemples expliquant pourquoi le monde a besoin d’un traité sur le commerce des armes à l’épreuve des balles. Il faut en particulier que les États-Unis, en leur qualité de plus gros exportateur d’armes au monde, traduisent leurs discours sur les droits humains en actes concrets, ce qu’ils n’ont toujours pas fait », a déploré Brian Wood.
Amnesty International, en collaboration avec Transarms et l’International Peace and Information Service (IPIS), a constaté qu’un certain nombre de « navires de la honte » effectuaient des transferts d’armes entre les principaux fournisseurs faisant preuve d’irresponsabilité, dont la Chine, les États-Unis et la Russie, et des pays où il existe un risque élevé que ces armes soient utilisées pour commettre de graves violations des droits humains.