Communiqué de presse

France. Le renvoi d’une employée portant un foulard constitue une discrimination

Le 19 mars 2013, la Cour de cassation a considéré comme discriminatoire le licenciement d’une employée d’une crèche privée à Chanteloup-les-Vignes, en région parisienne, renvoyée pour avoir porté un voile islamique sur son lieu de travail.

La Cour a estimé que le règlement intérieur de l’établissement, lequel instaurait une restriction générale à la liberté de porter des signes ou vêtements liés aux croyances religieuses, était contraire au Code du travail français, selon lequel les restrictions aux droits des personnes, y compris leurs droits à la liberté d’expression et à la liberté de religion ou de conviction, ne se justifient que par la nature de la tâche à accomplir et doivent être proportionnées aux exigences requises.

Amnesty International soutient que les droits à la liberté d’expression et à la liberté de religion ou de conviction peuvent faire dans certains cas l’objet de restrictions, notamment sur le lieu de travail. Ces restrictions ne sont cependant admissibles, aux termes du droit international et européen relatif aux droits humains, que dans certaines conditions spécifiques. En particulier, un employeur peut, par exemple, restreindre ces droits en toute légalité en invoquant un but légitime tel que la protection de la sécurité publique, l’ordre, la santé, la moralité ou les droits et libertés d’autrui. Toute restriction doit en outre être nécessaire et proportionnée au but recherché.

Cependant, selon la Cour, il était impossible de considérer la restriction imposée par la crèche à ses employés comme justifiée par la nature des tâches à accomplir, étant donné les fonctions confiées à l’employée et son environnement professionnel.

Amnesty International est préoccupée par les déclarations récentes du président de la République française, François Hollande, qui a assuré le 28 mars 2013, au cours d’une interview télévisée, qu’une nouvelle loi était souhaitable afin de renforcer le respect de la laïcité dans les crèches recevant des financements publics.

Amnesty International engage les autorités françaises à éviter l’adoption d’une interdiction générale des signes ou vêtements à caractère culturel ou religieux dans les établissements privés d’accueil de la petite enfance et à veiller à ce que toute restriction soit justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante, conformément à l’interprétation de cette notion par la Cour de Justice de l’Union européenne. Amnesty International invite l’Observatoire de la laïcité, récemment mis en place, à tenir compte de ces principes lors de tout débat sur l’adoption éventuelle d’une nouvelle loi interdisant le port de signes ou vêtements à caractère culturel ou religieux.

Complément d’information

Une « proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité » a été adoptée par le Sénat français le 17 janvier 2012. Cette proposition a été transmise à l’Assemblée nationale.

L’article L.1321-3 du Code du travail français dispose : « Le règlement intérieur ne peut contenir […] des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

En ce qui concerne les restrictions admissibles aux droits à la liberté d’expression et à la liberté de religion ou de conviction, le Comité des droits de l’homme, organe de suivi du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), a estimé que l’obligation de porter un casque imposée par un employeur ne constituait pas une discrimination contre un électricien sikh qui souhaitait porter un turban sur le lieu de travail parce que la restriction à son droit à la liberté de religion se justifiait par un but légitime, à savoir la sécurité (Karnel Singh Bhinder c. Canada, n° 208/1986).

Les restrictions aux droits à la liberté d’expression et à la liberté de religion ou de conviction peuvent aussi se justifier sur le lieu de travail si elles se réfèrent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, comme en dispose la Directive 2000/78/CE du Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, que la France a transposé dans sa législation nationale.

Selon Amnesty International, l’interdiction de porter des signes ou vêtements à caractère religieux ou culturel peut par exemple se justifier en ce qui concerne les fonctionnaires, notamment les agents chargés de l’application des lois, les représentants du ministère public ou les magistrats appelés à exercer le pouvoir coercitif de l’État.

La Cour de justice de l’Union européenne a souligné, au sujet de l’affaire Wolf c. Stadt Frankfurt am Main (C-229/08), qu’une différence de traitement fondée sur un motif non admis, l’âge en l’occurrence, ne constitue pas une discrimination dans le seul cas où elle se réfère à une exigence relative aux activités professionnelles concernées ou à leur exercice.

L’Observatoire de la laïcité a été installé par le président François Hollande le 8 avril 2012.

Pour en savoir plus

Propositions de lois remises à l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0061.asp

Arrêt de la Cour de cassation :
http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/536_19_25762.html

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