Géorgie. Le gouvernement doit en priorité appliquer les recommandations du Comité des droits humains


Déclaration publique

EUR 56/009/2007

Amnesty International demande instamment au gouvernement de Géorgie de prendre des mesures immédiates en vue de l’application des recommandations du Comité des droits humains des Nations unies dont les observations finales ont été rendues publiques le 30 octobre 2007. Ces observations ont été adoptées à l’issue de l’examen les 15 et 16 octobre, par le Comité des droits humains, du troisième rapport périodique de la Géorgie concernant le respect des droits humains inscrits dans le Pacte civil relatifs aux droits civils et politiques (PIDCP) par ce pays. http://www.ohchr.org/english/bodies/hrc/docs/CCPR.C.GEO.CO.3.CRP.1.pdf

Amnesty International a rendu public ce mercredi 30 octobre son propre rapport au Comité des droits humains, présenté avant l’examen du rapport soumis par la Géorgie. L’organisation y fait état de ses préoccupations face au manque de détermination du gouvernement géorgien à faire respecter certains droits inscrits dans le PIDCP tels que le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements, le droit à la sécurité des personnes, le droit à un procès équitable et le droit à réparation lorsque ces droits ont été bafoués (articles 2, 3, 6, 7, 9, 14 et 26 du PIDCP). (Georgia : Briefing to the United Nations Human Rights Committee, octobre 2007, index AI : EUR 56/008/2007).

Le Comité des droits humains a salué les changements législatifs et institutionnels entrepris par la Géorgie ces dernières années dans le but de renforcer l’état de droit. Dans le même temps, le Comité a mis l’accent sur un certain nombre de problèmes et adressé une liste de recommandations aux autorités de Géorgie.

Dans ses observations finales, le Comité des droits humains a fait part, entre autres, de sa préoccupation concernant le nombre toujours important de femmes victimes d’actes de violence en Géorgie, en particulier au sein de la famille. Le Comité a demandé à la Géorgie d’enquêter sans délai sur les plaintes déposées par des femmes pour des actes de violence et de traduire les auteurs de ces violences en justice ; d’établir et de publier des statistiques complètes concernant les affaires de violence contre les femmes, incluant le signalement des violences, les enquêtes menées et les poursuites engagées. Le Comité des droits de l’homme a également demandé à la Géorgie d’ouvrir un nombre suffisant de centres d’accueil adaptés dans tout le pays.

Il existe actuellement quatre petits centres d’accueil en Géorgie, gérés par des organisations non gouvernementales (ONG). La création d’autres centres d’accueil est urgente. Amnesty International considère que les autorités doivent ouvrir rapidement d’autres structures d’accueil adaptées, en étroite collaboration avec les ONG ayant l’expérience du travail de protection des femmes victimes de violences ou fournir un soutien financier et matériel aux ONG pour leur permettre d’ouvrir de nouveaux centres d’accueil.

Tout en reconnaissant que le nombre de cas de torture et mauvais traitements de personnes détenues avait diminué de façon significative, le Comité des droits de l’homme a fait part de ses regrets face à la persistance des violences policières signalées, notamment lors des arrestations de suspects. Le Comité a également fait part de sa préoccupation face à des décès qui seraient dus à un recours excessif à la force par des policiers ou des membres de l’administration pénitentiaire.

Le Comité des droits humains a appelé la Géorgie à « prendre des mesures fermes » visant à éradiquer la torture, les mauvais traitements et le recours excessif à la force, notamment en veillant à ce que des enquêtes impartiales soient menées chaque fois dans les meilleurs délais, à ce que leurs conclusions soient rendues publiques et les auteurs présumés de telles violences traduits en justice.

Dans son rapport au Comité des droits humains, Amnesty International a fait part de son inquiétude face aux informations qui lui sont parvenues selon lesquelles des responsables de l’application des lois et des membres de l’administration pénitentiaire auraient abattu des dizaines de personnes ces dernières années, dans des situations de recours excessif à la force. L’organisation a notamment souligné les allégations de recours excessif à la force faites à propos de l’intervention de mars 2006 au centre de détention au secret pour enquête n°5 de Tbilissi, où des troubles avaient éclaté ; au moins sept détenus avaient trouvé la mort. Amnesty International a également attiré l’attention du Comité sur les allégations de recours excessif à la force par les policiers à l’origine de la mort de deux hommes – Zourab Vazagachvili et Alexandre Khouboulovi – lors d’une opération spéciale en mai 2006 et sur le fait que l’enquête sur ces allégations a été entachée d’irrégularités.

Le Comité a par ailleurs demandé à la Géorgie de mettre en place des mécanismes nationaux compétents et indépendants pour la prévention de la torture, conformément aux obligations du pays qui est État partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; il lui a également demandé d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action global contre la torture et les mauvais traitements pour les années à venir.

Afin d’introduire de nouvelles garanties de protection contre la torture et les mauvais traitements et lutter contre l’impunité, Amnesty International considère que les autorités de Géorgie doivent veiller à ce que tous les responsables de l’application des lois, y compris les membres des unités spéciales de la police portent de façon visible des badges d’identification, chaque fois qu’ils procèdent à des arrestations ou se déplacent dans des centres de détention et de privation de liberté. Les membres des unités spéciales de la police, qui sont souvent masqués et n’ont pas obligation actuellement de porter des badges les identifiant, ont été impliqués à de nombreuses reprises dans des affaires de recours excessif à la force, notamment lors d’arrestations de suspects.

Le Comité des droits humains a également appelé la Géorgie à veiller à ce que les victimes de torture, de mauvais traitements ou d’un usage excessif de la force puissent obtenir des réparations suffisantes, notamment sous forme d’indemnisation.

Amnesty International a, à de nombreuses reprises, fait part de son inquiétude face à l’absence d’exemple d’indemnisation de victimes de torture ou autres mauvais traitements en Géorgie. L’organisation s’inquiète aussi du fait que la législation nationale ne reconnaît pas aux victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements un droit exécutoire à réparation. En droit national, la condamnation de l’auteur des faits est une pré-condition nécessaire à l’obtention d’une forme de réparation par la victime.

Le Comité a également exprimé sa préoccupation concernant la persistance de conditions critiques dans de nombreux établissements pénitentiaires. Il a notamment souligné la surpopulation importante, les rations insuffisantes et la mauvaise qualité de la nourriture ainsi que le nombre élevé de décès en prison, qui s’expliquerait par des conditions de vie s’apparentant à des mauvais traitements dans certains établissements.

Le Comité des droits humains a également fait part de ses préoccupations face aux exemples d’ingérence remettant en cause l’indépendance du judiciaire, d’expulsions forcées de centres collectifs de personnes déplacées internes en l’absence de toute décision de justice et sans indemnisation ni soutien d’agences gouvernementales. En outre, le Comité a exprimé son inquiétude face aux obstacles auxquels sont confrontées les minorités pour jouir de leurs droits culturels et au faible niveau de représentation politique des minorités.

Le Comité a demandé aux autorités de l’informer d’ici un an des dispositions adoptées en vue de l’application des recommandations principales du Comité, en particulier des mesures prises par la Géorgie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, éradiquer toute forme de recours excessif à la force par les responsables de l’application des lois et améliorer la situation de toutes les personnes privées de liberté en attente de leur procès ou après leur condamnation.

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