BRUXELLES - Durant sa visite à Guantánamo, la présidente du Sénat de Belgique et représentante de l’OSCE Anne-Marie Lizin portait sans doute les mêmes lunettes noires que celles posées sur les yeux des détenus de Guantánamo durant leur transfert sur la base navale...
Comment ne pas en effet s’indigner de ses déclarations sur les conditions de détention, les interrogatoires et la « clarté » des réponses apportées par les gardes ?
Ne devrait-elle pas accorder quelque crédit aux informations fournies par les avocats des détenus ? Sur décision de la Cour suprême des Etats-Unis, ces avocats ont enfin pu s’entretenir avec leurs clients et dénoncer leurs conditions de détention et les mauvais traitements dont ils seraient victimes.
Comment peut-on s’exprimer comme elle l’a fait dans Le Soir de ce 6 mars et laisser croire que les interrogatoires se passent correctement ? À l’en croire, la seule chose à reprocher aux responsables de Guantánamo, ce serait « la trop rapide rotation des interrogateurs » !
Madame Lizin n’a pas voulu s’entretenir avec les détenus, estimant que cela concerne uniquement le CICR. C’est justement parce que les autorités américaines ont refusé tout contact direct et sans témoins aux rapporteurs spéciaux des Nations unies que ces derniers ont renoncé à se rendre à Guantánamo. Pourquoi Mme Lizin a-t-elle, elle, accepté des conditions aussi restrictives tout en prétendant pouvoir se faire une idée précise de ce qui se passe dans la base américaine ?
À quoi et à qui sert la visite de Mme Lizin ? En sa qualité de représentante de l’OSCE, Mme Lizin doit présenter un rapport au mois de juillet. Si ce rapport ne dénonce pas l’absence de transparence quant aux conditions de détention, aux méthodes d’interrogatoire et à l’absence de droits reconnus aux détenus, bref, à la violation flagrante du droit international humanitaire que représente Guantánamo, alors c’est toute l’OSCE qui sera discréditée.
L’OSCE devrait rappeler quelles informations elle avait pu rassembler avant la mission de Mme Lizin (les innombrables rapports d’Amnesty et d’autres ONG de défense des droits humains) et expliquer dans quelle mesure elle a pu, oui ou non, comparer et confronter ces informations à celles que les autorités américaines ont bien voulu lui fournir.
De plus, la section belge d’Amnesty International regrette les propos tenus par la présidente d’une institution aussi prestigieuse que le Sénat de Belgique. Il sera dorénavant plus difficile pour nos autorités politiques de dénoncer ce qui se passe dans le camp de détention de Guantánamo.
En conclusion, Amnesty International rappelle que le Parlement européen vient de se prononcer en faveur de la fermeture de la base militaire de Guantánamo, suivant ainsi le rapport des experts des Nations unies. Interrogée à ce sujet, Madame Lizin, a préféré ne pas répondre.