GUATÉMALA : La justice serait-elle sur le point d’être rendue dans l’affaire Myrna Mack ?

Index AI : AMR 34/052/02

Alors que doit reprendre demain (mardi 3 septembre 2002) la procédure engagée contre trois militaires accusés d’être les instigateurs du meurtre de l’anthropologue Myrna Mack au Guatémala en 1990, Amnesty International a exprimé aujourd’hui son espoir que la justice soit enfin sur la bonne voie et que les instigateurs et auteurs de cet homicide brutal aient enfin à répondre de leurs actes.

" Il est scandaleux que presque douze ans se soient écoulés depuis que Myrna Mack a été tuée et que les instigateurs présumés de ce meurtre n’aient toujours pas été jugés ", a déclaré l’organisation de défense des droits humains.

" La résolution de cette affaire redonnera espoir aux dizaines de milliers de victimes et de survivants qui veulent que la primauté du droit soit rétablie au Guatémala et que les auteurs des atrocités commises par le passé soient tenus de répondre de leurs actes. "

Le Guatémala a récemment reconnu devant le système interaméricain de protection des droits humains sa responsabilité dans la mort de Myrna Mack et accepté de verser une indemnisation. Amnesty International a cependant souligné que ce que la famille de Myrna Mack et l’ensemble du mouvement de défense des droits humains dans le monde souhaitaient en ce qui concerne cette affaire et les milliers d’autres cas non résolus d’atteintes aux droits humains était avant tout que justice soit enfin rendue.

" Le fait que les personnes soupçonnées d’être responsables de la mort de Myrna Mack n’aient toujours pas été jugées est devenu emblématique de l’impunité qui règne en ce qui concerne les atrocités commises pendant les années de conflit ", a souligné Amnesty International. Des violations flagrantes des droits humains ont été commises tout au long du conflit qui a déchiré le Guatémala pendant des années. La Commission de la vérité créée à l’initiative des Nations unies a évalué à 200 000 le nombre d’exécutions extrajudiciaires et de " disparitions " commises pendant cette période (alors que, selon les estimations, la population du pays se situait entre six et sept millions d’habitants). La Commission a également établi que les indigènes avaient été victimes d’un génocide dans quatre zones spécifiques du pays, et que l’armée et ses alliées, les patrouilles civiles, étaient responsables de la grande majorité des atteintes aux droits humains commises pendant cette période.

" Malgré l’ampleur de ces atrocités, l’attention du reste du monde s’est longtemps portée ailleurs, a déclaré l’organisation. Il est inconcevable que ces violations demeurent impunies et la communauté internationale se doit de donner suite aux efforts menés pour que les victimes de violations obtiennent justice ".

Complément d’information
L’anthropologue Myrna Mack était un des membres fondateurs de l’institut de recherche Asociación para el Avance de las Ciencias Sociales (AVANCSO, Association pour le progrès des sciences sociales). En 1989, elle avait publié une étude sans précédent dans laquelle elle parvenait à la conclusion que la campagne anti-insurrectionnelle menée par le gouvernement avait entraîné le déplacement des populations indigènes à l’intérieur du pays et était à l’origine de leurs problèmes ultérieurs.

Parus au moment où le pays entamait les pourparlers de paix, les résultats de cette étude étaient accablants pour le gouvernement. Le 11 septembre 1990, Myrna Mack était poignardée à plusieurs reprises alors qu’elle quittait les bureaux de l’AVANCSO dans la ville de Guatémala.

La Fondation Myrna Mack, créée par sa sœur Helen Mack, mène une longue bataille pour obtenir la condamnation des meurtriers de l’anthropologue. Helen Mack pense que sa sœur a été prise pour cible parce qu’aux yeux de l’armée, les paysans déplacés qu’elle essayait d’aider constituaient la base de l’opposition armée et parce que les militaires considéraient que son travail interférait avec la campagne anti-insurrectionnelle qu’ils menaient dans les régions montagneuses.

La lutte courageuse de Helen Mack pour déférer à la justice les responsables de la mort de sa sœur a été marquée par des irrégularités judiciaires, un manque de compétence, des " pertes " de documents, des retards de procédure, des manœuvres d’obstruction et des attaques contre les témoins et les professionnels impliqués dans l’enquête. L’inspecteur de police qui était chargé de cette affaire à l’origine a été assassiné en 1991.

En 1993, un membre du tristement célèbre Estado Mayor Presidencial (EMP, État-major présidentiel), le sergent Noel de Jesús Beteta Alvarez, a finalement été identifié comme étant l’auteur du meurtre, et il a été condamné à une peine de vingt-cinq ans d’emprisonnement. Treize juges s’étaient succédé jusque-là dans cette affaire.

Depuis lors, la lutte pour faire en sorte que les instigateurs présumés du meurtre de Myrna Mack soient jugés eux aussi n’a pas cessé, ni les menaces et les atteintes aux droits humains. Le 23 août dernier par exemple, l’avocat représentant la Fondation, Roberto Romero, a reçu des menaces de mort anonymes au téléphone. Peu de temps après, des individus dont on ignore l’identité ont ouvert le feu sur son domicile à Guatémala.

Il est à espérer que la procédure reprendra comme prévu le 3 septembre. Si les accusés – le général Edgar Godoy, et les colonels Juan Valencia et Juan Guillermo Oliva – sont condamnés, ils viendront s’ajouter aux rares personnes qui ont finalement été reconnues coupables d’un nombre infime des quelque 200 000 atteintes aux droits qu’ont endurées les Guatémaltèques pendant les trente années de conflit auxquelles les Accords de paix ont officiellement mis fin en 1996.

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