Halte aux « navires de la honte » à destination de l’Afrique

Par Alaphia Zoyab, responsable de la communication en ligne du secrétariat d’Amnesty International.

Lors d’une réunion avec des organisations non gouvernementales en marge des négociations relatives au traité des Nations unies sur le commerce des armes, à New York, la Chine a affirmé ne procéder à aucun transfert d’armes en direction d’États africains en proie au conflit. Cette déclaration est tout simplement fausse et la Chine a manifestement oublié le tristement célèbre « navire de la honte ». Rafraîchissons-lui la mémoire.

En 2008, un navire chinois, l’An Yue Jiang, est arrivé à Durban en Afrique du Sud chargé d’une cargaison de plus de 3 000 caisses d’armes. Les caisses contenaient près de 3 millions de balles de fusil, des lance-roquettes, des mortiers et des projectiles de mortier, tous exportés par la société Poly Technologies Inc. de Pékin. Cette cargaison était destinée aux Forces de défense du Zimbabwe.

Cela s’est déroulé peu après les élections controversées de 2008 au Zimbabwe, alors que des membres haut placés de l’armée zimbabwéenne brutalisaient, torturaient et tuaient quiconque était soupçonné d’avoir voté pour les partis d’opposition.

C’est précisément à cette époque que cette dangereuse cargaison chinoise aurait atteint le Zimbabwe si des citoyens ordinaires d’Afrique du Sud n’avaient pas protesté. Lorsque le cargo a fait escale à Durban, des syndicats ont refusé de décharger la cargaison et ont même exhorté les ouvriers du transport d’autres pays africains à faire de même. Des responsables religieux et des avocats sud-africains ont obtenu que le cargo soit immobilisé par une décision de justice. Grâce à ces actions, l’affaire a suscité un tollé international et les ouvriers des transports travaillant dans les ports du Mozambique, de la Namibie et de l’Angola ont eux aussi repoussé ce navire chinois. Au bout du compte, même si une partie a pu être déchargée à Luanda, en Angola, le navire est semble-t-il retourné en Chine avec l’essentiel de sa cargaison d’armement.

Intervenant dans le cadre d’une manifestation très suivie co-organisée par Amnesty International au siège des Nations unies jeudi 14 juillet, Seydi Gassama, directeur de la section sénégalaise d’Amnesty International, a déclaré : « Les armes importées illégalement font des ravages en Afrique. Ce n’est que lorsque les États s’engageront à faire preuve de transparence au moyen de mesures de mise en conformité plus strictes, que le traité sur le commerce des armes pourra améliorer la vie des hommes et des femmes sur le continent. »

Si les États s’engagent à observer et à appliquer le traité sur le commerce des armes (TCA), alors ils seront tenus de soumettre un rapport annuel sur ce type de transferts et sur les importations et exportations d’armes et de munitions. « La transparence aidera à renforcer la confiance entre États, à réduire le risque de transferts illégaux et à permettre un suivi par la société civile », a ajouté Seydi Gassama.

De nombreux États affirment cependant qu’ils ne sont pas en mesure de rassembler et de faire remonter les informations relatives à ces transactions, par manque de ressources et en raison des « lourdeurs administratives » que cela représenterait. Mais le fait est que chaque État dispose de services des douanes recueillant déjà ces informations. Ils seraient tenus, en vertu du TCA, de rendre publiques dans un rapport annuel les données relatives aux transferts internationaux.

Ce n’est que lorsque les États s’engageront à faire preuve de davantage de transparence qu’ils seront plus responsables concernant leurs transferts et transactions en relation avec les armes, et que notre sécurité sera collectivement mieux assurée. Les petits États des Caraïbes, victimes de longue date de la violence armée, ainsi que de nombreux États européens, adhèrent de manière beaucoup plus enthousiaste au concept de transparence de ces données que les grandes puissances telles que les États-Unis, la Chine, l’Inde ou la Russie. Beaucoup restent indécis. Si les États édulcoraient les termes de la transparence et de l’obligation de rendre des comptes dans le TCA, ils se détourneraient de leur devoir consistant à sauver des vies en Afrique et dans le reste du monde.

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