Inde. Au Bengale occidental, des paysans ont été tués alors qu’ils manifestaient contre un nouveau complexe industriel

Déclaration publique

ASA 20/004/2007

Les manifestations de villageois menacés de déplacement en raison de l’implantation d’un complexe industriel se poursuivent dans un climat de violence au Bengale occidental (dans l’est de l’Inde). Amnesty International est préoccupée par les informations selon lesquelles des représentants gouvernementaux seraient responsables, ou complices, d’atteintes aux droits humains, notamment d’actes de torture et du recours excessif et injustifié à la force ayant fait des morts et des blessés parmi les manifestants.

Au moins sept personnes auraient été tuées et pas moins de 20 blessées depuis le 7 janvier, dans le cadre des violences qui perdurent à Nandigram, dans le district de Midnapore-Est, au Bengale occidental. Les paysans protestent contre une initiative du gouvernement bengali qui vise à acquérir des terres destinées à un nouveau projet industriel. Parmi les victimes figurait un garçon de quatorze ans.

D’après certaines informations, à Nandigram, les affrontements violents opposent des membres du Krishjami Raksha Committee local (Comité de défense des terres agricoles) et des personnes affiliées au Communist Party of India [Marxist] (CPI-M, Parti communiste indien [marxiste]). À la tête du gouvernement de gauche au Bengale occidental, le CPI-M tente d’accélérer l’implantation de complexes industriels dans cet État.

Selon des organisations de défense des droits humains, les paysans ont été attaqués par des hommes armés affiliés au CPI-M, agissant avec la complicité de la police. Les attaquants auraient fait feu sur les fermiers et en auraient marqué certains au fer rouge pour leur « apprendre » à protester de la sorte. D’autres informations font état d’attaques menées par des paysans contre des bureaux locaux du CPI-M dans la région, qui ont contraint les membres de ce parti à fuir.

Dans ce contexte, Amnesty International exhorte le gouvernement du Bengale occidental à :
– ordonner l’ouverture d’une enquête impartiale et indépendante sur les violences perpétrées à Nandigram, en rendre les conclusions publiques dans les meilleurs délais et traduire en justice les responsables présumés de ces agissements ;
– veiller à engager des poursuites contre tous les représentants de l’État, y compris au sein des forces de police, soupçonnés d’être responsables de violations des droits fondamentaux, notamment de recours excessif à la force, d’actes de torture ou de tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant ;
– libérer tous les détenus qui ne sont pas inculpés d’infractions précises à Nandigram et veiller à ce que les militants et les manifestants puissent protester de manière pacifique sans craindre d’être victimes de violences, de harcèlement ou de dénonciation calomnieuse quant à leur participation à des activités criminelles.

Amnesty International est convaincue qu’il est essentiel de mener des consultations de grande envergure avec les personnes touchées sur l’impact en termes de droits humains des décisions économiques afin de préserver les droits fondamentaux dans le cadre de projets de développement. Dans cette optique, l’organisation demande au gouvernement du Bengale occidental de :
– annoncer la mise en place d’une politique cohérente de concertation systématique avec les populations locales avant tout projet de développement susceptible d’affecter leurs moyens de subsistance ;
– veiller à ce que, lorsque des populations sont réinstallées, elles bénéficient d’un plan de réadaptation, réinstallation et indemnisation juste, approprié et respectant la sensibilité culturelle des personnes concernées.

Complément d’information

Depuis le 3 janvier 2007, Nandigram est le théâtre de manifestations organisées par les paysans de la région. Ils ont en effet découvert grâce à un avis officiel publié dans le port voisin de Haldia que leurs terres se trouvaient sur le site destiné à l’implantation d’entreprises chimiques. Cet avis a depuis lors été retiré par le gouvernement du Bengale occidental, qui a déclaré qu’il ferait désormais preuve de « prudence » dans la mise en œuvre de ce projet.

Ce projet nécessiterait pas moins de 4 000 hectares de terrain classés en Zone économique spéciale (ZES), en vue d’établir un centre de l’industrie chimique sous l’égide de l’Industrial Development Corporation, dont l’État est propriétaire, et du groupe de sociétés Salem, basé en Indonésie. Ce groupe aurait déjà prévu d’implanter une autre ZES dans la région de Haldia.

Les manifestations de Nandigram s’inscrivent dans le sillage des troubles de Singur (Bengale occidental), en décembre 2006. Des partis d’opposition et de nombreux paysans avaient manifesté, parce qu’ils étaient menacés de déplacement par une initiative du gouvernement bengali visant à acquérir des terres agricoles destinées à un projet de construction automobile de Tata Motors. Le gouvernement de l’État du Bengale occidental prévoit d’implanter au moins six autres grands projets industriels, dont des ZES, ce qui suppose l’acquisition de quelque 10 000 hectares de terrain.

Dans l’espoir de stimuler la croissance économique nationale, l’Inde favorise la création de ZES dans tout le pays. La politique d’acquisition des terres destinées à ces projets industriels a déclenché des protestations de la part des habitants concernés, qui redoutent d’être déplacés et craignent de perdre durablement leurs moyens de subsistance.

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