INDE. Dans ses relations avec le Myanmar, l’Inde s’abstient d’aborder la question des droits humains à l’approche des élections

Index AI : ASA 20/016/2010 (Public)
ÉFAI-18 juin 2010

Alors qu’Aung San Suu Kyi s’apprête à fêter son 65ème anniversaire le samedi 19 juin, Amnesty International appelle le gouvernement indien à user de son influence en tant que grande puissance régionale pour peser en faveur d’une amélioration de la situation des droits humains au Myanmar avant les élections.

À l’approche des premières élections organisées au Myanmar depuis vingt ans, les trois libertés – d’expression, d’association et de réunion pacifique – essentielles pour une participation libre de la population au processus politique sont de plus en plus restreintes. Aung San Suu Kyi est l’une des 2 200 prisonniers politiques au Myanmar. Aucun d’entre eux ne sera en mesure de participer au scrutin de cette année en vertu des nouvelles lois électorales – des lois que le gouvernement indien n’a pas condamnées.

Le gouvernement indien affirme adopter une approche «  constructive » en prônant des améliorations de la situation des droits humains au Myanmar. Toutefois, cette réponse est de moins en moins appropriée face à la situation catastrophique des droits humains dans le pays.

En se dissociant de la récente résolution critique adoptée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies au vu du terrible bilan du Myanmar en matière de droits humains et en tentant d’apaiser la situation par des appels à la tenue d’élections incluant tous les interlocuteurs politiques, le gouvernement indien a choisi d’ignorer la réalité du terrain à l’origine de la résolution.

La répression politique se produit aussi sur fond de violations systématiques et généralisées du droit international humanitaire et relatif aux droits humains par l’armée du Myanmar dans sa campagne contre les minorités ethniques.

L’Inde a suspendu la plupart de ses livraisons de matériel militaire au Myanmar fin 2006 mais envisagerait, semble-t-il, de reprendre ses ventes d’armes. L’opposition de l’Inde à un embargo international sur les armes à destination du Myanmar éclaire d’une lumière trouble sa réticence à soutenir des sanctions plus larges au motif que cela nuirait à la population en général. Amnesty International appelle le gouvernement indien à maintenir sa suspension actuelle de transferts militaires au Myanmar.

Les autres voisins du Myanmar ont, dans des circonstances cruciales, adopté des prises de position plus fermes que l’Inde. George Yeo, ministre des Affaires étrangères de Singapour, dans une déclaration faite le 9 avril 2010, après le sommet de l’ASEAN, s’est plaint des obstacles auxquels l’ASEAN était confrontée en raison des prises de position de l’Inde et de la Chine. En octobre 2007, au cours des manifestations populaires contre le gouvernement du Myanmar, l’ASEAN – alors présidé par Singapour – avait fait part de sa « révulsion » devant la répression brutale. L’Inde n’avait fait qu’exprimer sa « préoccupation ». En mai 2008, après le passage dévastateur du cyclone Nargis, de nombreux acteurs de la communauté internationale, dont la Chine et l’ASEAN, ont pointé du doigt l’incapacité du gouvernement du Myanmar à venir en aide aux 2,5 millions de sinistrés. L’Inde quant à elle avait « salué » la capacité de la population et du gouvernement à se remettre debout et lancé un appel en faveur d’une aide « apolitique », fermant les yeux sur le fait que les dirigeants politiques du Myanmar avaient déjà fait de l’aide un instrument politique en bloquant l’arrivée de secours très attendus.

Le rôle de l’Inde dans le « Groupe des Amis du Secrétaire général sur le Myanmar » aux Nations unies est un petit pas dans la bonne direction mais il faut faire beaucoup plus. Prendre part au groupe mais garder le silence unilatéralement affaiblit dans le meilleur des cas la capacité de l’Inde à induire des changements positifs au Myanmar et, dans le pire des cas, envoie un signal mixte pouvant être interprété comme une approbation tacite des atteintes aux droits humains qui s’y déroulent.

Les nombreuses atteintes aux droits humains répertoriées par Amnesty International et de nombreuses organisations au cours des périodes de dissensions politiques exacerbées au Myanmar montrent la nécessité de mettre l’accent sur le respect des droits humains à l’approche des élections.

Alors que les élections au Myanmar s’approchent, Amnesty International demande instamment au gouvernement indien d’appeler publiquement au respect des trois libertés – d’expression, d’association et de réunion pacifique – avant les élections. Le moment est venu de tenir le rôle qui convient à une grande puissance régionale et de donner l’exemple sur la question des droits humains, non de garder le silence.

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