Inde. Il faut éviter les expulsions forcées à Jagatsinghpur, en Orissa

Déclaration publique

ASA 20/022/2007

Amnesty International s’inquiète des informations qui lui parviennent faisant état d’une escalade de la violence dans le district de Jagatsinghpur, dans l’État indien d’Orissa, à l’est du pays, où des paysans craignent d’être expulsés de force de leurs terres par des milices privées. Le gouvernement de l’État propose de déplacer leurs villages pour permettre la réalisation d’un nouveau projet industriel. Amnesty International déplore le fait que, malgré l’escalade de la violence et les exactions commises, la police de l’État n’ait pris aucune mesure pour protéger les villageois dans le district. L’organisation est en outre préoccupée par le fait que le gouvernement de l’État n’a pas organisé de véritable consultation avec les populations concernées au sujet de leur déplacement potentiel.

Selon certaines informations, la tension s’est accrûe la semaine dernière dans le district de Jagatsinghpur après l’encerclement des villages de Dhinkia, Nuagaon et Gadakujang par une milice armée forte de 500 hommes qui a lancé l’attaque contre les villageois. Au cours des vingt derniers mois, les paysans ont érigé des barricades à Balithutha et ailleurs pour protester conte les tentatives faites pour les déloger afin de permettre à la firme sud-coréenne POSCO de construire un site sidérurgique intégré. Au cours de la dernière attaque, plus de vingt manifestants ont été blessés par des miliciens en possession d’armes artisanales, d’explosifs notamment. Au moins un manifestant a été pris en otage par les miliciens. Selon les informations qui nous sont parvenues, environ un millier de policiers étaient mobilisés dans la zone, pourtant ils ne sont pas intervenus pour protéger les villageois.

Amnesty International exhorte les autorités à tirer des leçons des épisodes malheureux de Kalingar Nagar (également en Orissa), en 2006 et de Nandigram (au Bengale occidental voisin) en 2007 où des violences se sont produites lors des manifestations organisées par la population locale pour protester contre un possible déplacement de plusieurs villages en vue de la construction d’un projet industriel. Le recours disproportionné à la violence par les forces de police avait fait 13 morts à Kalinga Nagar en janvier 2006. À Nandigam, au cours de l’année 2006, au moins 34 personnes, des paysans locaux pour la plupart, ont été tués par des milices privées.

Amnesty International rappelle au gouvernement de l’Orissa qu’il est de sa responsabilité de veiller à la protection des droits fondamentaux de toutes les personnes relevant de son autorité. Ce devoir lui incombe en vertu de la Constitution indienne qui garantit à tout citoyen indien le droit à la protection de sa vie et de sa liberté personnelle (article 21) et l’égalité de tous devant la loi (article 14).

Amnesty International souhaite également rappeler au gouvernement de l’Orissa le Principe n° 9 des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, qui dispose que « les responsables de l’application des lois ne doivent pas faire usage d’armes à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, ou pour prévenir une infraction particulièrement grave mettant sérieusement en danger des vies humaines, ou pour procéder à l’arrestation d’une personne présentant un tel risque et résistant à leur autorité, ou l’empêcher de s’échapper, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs. » La police doit se contenter de réagir de façon proportionnée aux actes des manifestants et éviter de blesser inutilement des civils.

Amnesty International demande instamment au gouvernement de consulter de manière exhaustive les populations concernées sur l’impact de ses décisions économiques en matière de droits humains, moyen indispensable pour préserver les droits fondamentaux dans le cadre du développement.

Amnesty International souhaite rappeler au gouvernement la nécessité de promouvoir, protéger et respecter les droits humains dans le cadre de sa politique économique et de développement. L’organisation réaffirme qu’un développement durable ne se mesure pas seulement en termes d’indicateurs économiques : c’est un processus global, prenant en compte toute une série de facteurs, notamment le développement de la société civile, le renforcement de l’état de droit et le respect des droits fondamentaux des personnes et des groupes dans les sphères civile, politique, sociale, culturelle et économique.

À cet égard, Amnesty International demande une nouvelle fois au gouvernement de l’État de l’Orissa :

  d’éviter les expulsions forcées ;

  d’annoncer et de mettre en œuvre une politique cohérente de consultation exhaustive des populations locales à chaque fois qu’un projet menace d’affecter leurs moyens de subsistance ;

  de veiller à ce que, lorsque des déplacements de population sont proposés, les personnes concernées bénéficient de mesures de réadaptation, de réinstallation et de dédommagement équitables, suffisantes et culturellement adaptées.


Complément d’information

Depuis juin 2005, le district de Jagatsinghpur est le théâtre de fréquentes manifestations contre les menaces de déplacements qui découlent de la décision du gouvernement de l’Orissa d’autoriser POSCO à implanter un site sidérurgique intégré dans la région. Depuis février 2006, les manifestants ont érigé des barricades sur le terrain où l’usine doit être construite et ont empêché les représentants de l’État d’entrer dans plusieurs villages. La région a été le théâtre de violences en février, avril et septembre 2007.

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