Dans une interview accordée à l’agence Reuters et publiée le 14 août, le ministre d’État à l’Intérieur, Kiren Rijiju, a déclaré que son gouvernement considère tous les réfugiés et demandeurs d’asile rohingyas en Inde comme des immigrants illégaux, y compris ceux qui sont enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Précédemment, dans une circulaire transmise le 8 août à tous les gouvernements d’État et administrations des territoires de l’Union, le ministère de l’Intérieur de l’Union indienne a déclaré que « l’identification et l’expulsion de ces immigrants illégaux originaires de l’État d’Arakan, aussi appelés Rohingyas, est un processus continu ». Il a conseillé à tous les États et territoires de l’Union de « sensibiliser tous les organes chargés de faire respecter la loi et les services de renseignement afin qu’ils prennent rapidement des mesures pour identifier les immigrants illégaux et lancer les procédures d’expulsion efficacement et sans attendre ».
« Qualifier les réfugiés et demandeurs d’asile rohingyas d’immigrants illégaux et ordonner leur expulsion immédiate ne tient pas compte des motifs expliquant pourquoi ils ont dû fuir leur foyer ni des risques graves auxquels ils seraient exposés en cas de renvoi forcé. En outre, cela témoigne d’un mépris flagrant pour les obligations qui incombent à l’Inde au titre du droit international », a déclaré Raghu Menon, responsable des médias et du travail de plaidoyer à Amnesty International Inde.
Les Rohingyas, pour la plupart des musulmans qui vivent dans l’État d’Arakan au Myanmar, sont une minorité en butte depuis des décennies à la discrimination, la répression et les violences aux mains des autorités dans ce pays. En décembre 2016, Amnesty International a publié un rapport dénonçant la violente campagne menée contre les Rohingyas par les forces de sécurité au Myanmar, à la suite d’attaques meurtrières contre des postes-frontières de la police en octobre 2016, dans le nord de l’État d’Arakan. Les éléments recueillis par l’organisation attestent de nombreuses violations des droits humains, notamment des homicides illégaux, des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et autres mauvais traitements, dont le viol et d’autres sévices sexuels, ainsi que l’incendie de centaines d’habitations et de bâtiments appartenant à des Rohingyas, actes susceptibles de constituer un crime contre l’humanité. Dans un rapport publié en février, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a conclu que les forces de sécurité du Myanmar ont sans doute commis des crimes contre l’humanité durant les opérations de sécurité.
Le renvoi forcé de réfugiés et demandeurs d’asile rohingyas au Myanmar bafouerait le principe de « non-refoulement », inscrit dans le droit international coutumier et auquel l’Inde est tenue, qui interdit aux États de renvoyer de force une personne dans un pays où elle risque de subir de graves atteintes aux droits humains. L’Inde est partie à plusieurs traités internationaux qui l’obligent à respecter ce principe, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.
« Les autorités indiennes n’ignorent pas les violations des droits humains que les Rohingyas musulmans subissent au Myanmar et il serait scandaleux de les abandonner à leur sort. L’Inde doit adhérer sans attendre à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et ne plus prendre de décisions arbitraires concernant le sort de ceux qui fuient les persécutions », a déclaré Raghu Menon.
En mars 2017, le Conseil des droits de l’homme, dont l’Inde est membre, a adopté sans vote une résolution portant création d’une mission internationale d’établissement des faits « afin d’établir les faits et les circonstances concernant les allégations de récentes violations des droits humains par des membres de l’armée et des forces de sécurité au Myanmar, en particulier dans l’État d’Arakan ».
« En tant que proche voisin, l’Inde est en position d’exercer son influence sur le Myanmar et doit en user pour convaincre le gouvernement du Myanmar d’accorder le libre accès à une mission d’établissement des faits mandatée par l’ONU, en vue d’enquêter sur les terribles allégations de violations commises dans l’État d’Arakan et dans d’autres régions du pays, a déclaré Raghu Menon.
« La population du Myanmar et la communauté internationale ont le droit de connaître la vérité sur les événements qui se déroulent dans l’État d’Arakan. »
Complément d’information
Bien qu’elle accueille des milliers de réfugiés sur son sol, l’Inde n’est pas signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ni de son Protocole de 1967, et ne dispose pas d’un cadre juridique national pour la protection des réfugiés. Le traitement des réfugiés est surtout couvert par la Loi relative aux étrangers de 1946, qui ne fait pas de distinction entre demandeurs d’asile, réfugiés et autres étrangers. Ce texte rend toute présence physique sans papiers dans le pays passible de poursuites pénales.
Le gouvernement indien a donné mandat au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) d’enregistrer et d’aider les réfugiés de pays non frontaliers et du Myanmar. Selon le HCR, environ 14 000 Rohingyas sont enregistrés en Inde, dont 3 000 demandeurs d’asile et 11 000 personnes à qui l’organisme a accordé le statut de réfugié. Cependant, les autorités indiennes ne les reconnaissent pas officiellement en tant que réfugiés.