Inde. Une enquête doit être ouverte sur le meurtre de deux dirigeants adivasis, le militant détenu en Orissa doit être libéré

DECLARATION PUBLIQUE

ÉFAI-
2 décembre 2009

Les autorités de l’État indien de l’Orissa, dans l’est du pays, doivent veiller à ce qu’une enquête indépendante, crédible et impartiale soit menée sur le meurtre de deux dirigeants adivasis (aborigènes) par des policiers et des paramilitaires à Narayanpatna le 20 novembre 2009, a déclaré Amnesty International ce mercredi 2 décembre.

Les deux personnes décédées – Singanna et Andrew Nachika – manifestaient de manière pacifique devant le poste de police de Narayanpatna dans le district de Koraput en compagnie de 80 à 100 autres membres du mouvement aborigène – Chasi Mulia Adivasi Sangh (CMAS, Association des paysans et travailleurs tribaux). Les manifestants réclamaient que soit mis un terme au harcèlement policier dont sont victimes les adivasis qui font campagne pour mettre fin à l’exploitation minière illégale de certains sites de la région.

Des témoins oculaires ont rapporté à Amnesty International que les policiers avaient ouvert le feu au moment où l’un des dirigeants, Singanna, entrait dans les locaux du poste de police pour parler avec des responsables. Un autre dirigeant, Andrew Nachika, a également été touché par un tir mortel ; au moins huit autres manifestants ont été blessés par balles, la police et les paramilitaires continuant à tirer, sans qu’il y ait eu provocation, sur les manifestants sans arme qui s’enfuyaient.

Ce recours inutile à la force sur des manifestants adivasis a fait au moins deux morts. Les autorités de l’État ont l’obligation, en vertu des traités internationaux auxquels l’Inde est État partie, de respecter et protéger le droit à la vie à tout moment.

Pour tenter de retrouver les manifestants blessés, la police a effectué une série de raids dans plusieurs villages et arrêté une cinquantaine au moins d’adivasis sympathisants du CMAS. Selon les informations dont dispose Amnesty International, les personnes interpellées seraient accusées de plusieurs infractions, définies notamment par l’article 121 (acte de guerre contre l’État) et l’article 124A (sédition), la police affirmant que le CMAS a des liens avec le parti communiste indien (maoïste) interdit.

Une mission d’établissement des faits composée de sept militants sociaux et politiques s’est rendue à Narayanpatna pour enquêter sur les homicides et les arrestations effectuées en lien avec ces homicides. Leur rapport, rendu public lors d’une conférence de presse à Bhubaneswar, capitale de l’Orissa, le 27 novembre, rejette les affirmations de la police concernant d’éventuels liens entre le CMAS et les maoïstes et accuse les policiers d’avoir eu recours à une force inutile et d’avoir procédé à des arrestations arbitraires. Le 29 novembre, la police a arrêté l’un des membres de la mission d’enquête, Tapan Mishra, affirmant qu’il avait formé au maniement des armes les membres du parti maoïste interdit.

Tapan Mishra est un militant connu du Parti communiste indien (marxiste-léniniste)(groupe de Kanu Sanyal) – un parti politique reconnu. Selon les informations dont dispose Amnesty International, Tapan Mishra n’a aucun lien avec des groupes armés et son arrestation pourrait avoir été motivée par des considérations politiques. Après cette arrestation, certains autres membres de la commission d’enquête ont eu peur de se rendre à nouveau à Narayanpatna. Amnesty International craint qu’avec l’arrestation de Tapan Mishra, les autorités de l’État n’aient voulu intimider et harceler ceux qui enquêtent sur le recours à la force meurtrière par la police de Narayanpatna.

Amnesty International demande instamment au gouvernement de l’Orissa :

 d’ordonner immédiatement l’ouverture d’une enquête indépendante, impartiale et approfondie sur le recours à la force par les policiers et de veiller à ce que tout agent soupçonné d’avoir eu recours à la force de façon injustifiée ou excessive, y compris les agents ayant donné l’ordre de tirer ou ayant une responsabilité quelconque dans les tirs, soient poursuivis et jugés lors de procès répondant aux normes internationales d’équité des procès ;

 d’accorder des réparations aux familles des personnes tuées ainsi qu’aux personnes victimes de blessures ou autres dommages provoqués par le recours injustifié à la force par les policiers ;

 de veiller à ce que les responsables de l’application des lois recourent autant que possible à des moyens non violents avant de faire usage de la force ou d’armes à feu et ne fassent usage de la force ou d’armes à feu contre des personnes qu’en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs ;

 de veiller à ce que le droit à la liberté de réunion pacifique soit respecté et protégé et que les policiers, dans l’exercice de leurs fonctions de maintien de l’ordre, respectent les droits fondamentaux des personnes conformément aux traités internationaux auxquels l’Inde est État partie et

 de cesser de harceler, intimider et inculper pour des motivations à caractère politique les manifestants et toutes les personnes engagées dans la défense des droits humains en Orissa.

Complément d’information

Le CMAS est un mouvement social associatif dont les membres sont des adivasis du sud-ouest de l’État d’Orissa : le mouvement fait campagne depuis l’année dernière contre l’exploitation minière illégale de territoires appartenant aux adivasis et contre la production et la consommation d’alcools illégaux dans la région. Depuis mai de l’année dernière, le CMAS a intensifié sa campagne, ce qui a conduit quelques familles non adivasis à fuir leurs villages et à des attaques contre des partisans du CMAS.

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