Communiqué de presse

Indonésie. Affaire Munir : les autorités échouent au « test »

Les autorités indonésiennes doivent faire en sorte que toutes les personnes impliquées dans l’assassinat du célèbre militant des droits humains Munir Said Thalib (Munir) rendent compte de leurs actes. Le fait que, huit ans après la mort de Munir, tous les responsables n’aient pas été traduits en justice soulève des craintes sérieuses quant à la volonté réelle de l’Indonésie de résoudre cette affaire et de combattre l’impunité qui persiste dans le pays.

En 2004, le président Susilo Bambang Yudhoyono a déclaré que l’élucidation du meurtre de Munir serait un test pour l’Indonésie, en plein processus de réformes démocratiques. Huit ans après la mort de Munir, on constate que les autorités indonésiennes – dont le chef de l’État – n’ont pas réussi ce test.

Au moment où les Indonésiens rendent hommage à Munir à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, les directeurs des structures d’Amnesty International de 11 pays ou territoires – Allemagne, Australie, États-Unis, Hong Kong, Japon, Népal, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Philippines, Suède et Thaïlande – ont écrit aux représentants du gouvernement de Djakarta dans leur pays pour demander au directeur de la police et au procureur général de lancer une nouvelle enquête, indépendante, sur l’assassinat de Munir, et de traduire en justice tous les responsables, à tous les niveaux, dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains.

Les directeurs ont en outre demandé aux autorités indonésiennes de rendre public immédiatement un rapport d’enquête de 2005, une mesure essentielle pour que l’on parvienne à établir la vérité sur la mort de Munir.

Munir a défendu la cause de dizaines de militants victimes de disparitions forcées au cours des derniers mois du régime Suharto, en 1998. Il a également joué un rôle très important dans la divulgation d’éléments attestant de la responsabilité de l’armée dans les atteintes aux droits humains commises en Aceh et au Timor-Leste. Il a été retrouvé mort sur un vol de la compagnie aérienne Garuda entre Djakarta et les Pays-Bas le 7 septembre 2004. L’autopsie réalisée par les autorités néerlandaises a révélé qu’il avait été empoisonné à l’arsenic. Trois personnes ont été déclarées coupables d’implication dans son assassinat, mais selon des allégations dignes de foi, ceux qui ont donné l’ordre de le tuer sont toujours en liberté.

Le rapport rédigé en 2005 par une mission d’établissement des faits indépendante, qui avait été mise en place par le président Susilo Bambang Yudhoyono, n’a toujours pas été rendu public. La publication des conclusions de cette enquête était pourtant recommandée dans le décret présidentiel portant création de la mission.

Accusé d’avoir sollicité et organisé l’assassinat de Munir, un ancien directeur adjoint de l’agence nationale du renseignement, Muchdi Purwoprandjono, a été acquitté le 31 décembre 2008. Des organisations de défense des droits humains ont dénoncé un procès non conforme aux normes internationales d’équité. Dans un rapport communiqué en 2009 au rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, le Comité d’action en solidarité avec Munir (KASUM) a indiqué que le procès de Muchdi avait été « marqué par la rétractation systématique des déclarations sous serment effectuées par les témoins clés, et par la présence de groupes organisés qui cherchaient à peser sur le procès ». En février 2010, une équipe spéciale de la Commission nationale des droits humains (Komnas HAM) a mis le doigt sur des irrégularités dans l’enquête de police, les poursuites et le procès de Muchdi Purwoprandjono, et a préconisé la tenue d’une nouvelle enquête policière. Aucune suite n’a été donnée à ce jour.

Le fait que tous les responsables n’aient pas été amenés à rendre compte de leurs actes dans cette affaire contribue à entretenir un climat de peur chez les défenseurs des droits humains ; beaucoup pensent qu’ils seraient davantage en sécurité si les vrais responsables de la mort de Munir étaient jugés. Bien que le gouvernement indonésien se soit engagé à protéger de manière appropriée les défenseurs des droits humains – notamment à l’occasion de l’examen de la situation en Indonésie lors de l’Examen périodique universel tenu au Conseil des droits de l’homme en mai 2012 –, ces derniers continuent d’être la cible de menaces, d’intimidations et d’attaques en raison de leur action.

 ? Le 20 juillet 2012, des dizaines de militants de l’organisation Solidarité pour les victimes de violations des droits humains Papouasie (SPKP HAM Papua), qui collecte des fonds pour venir en aide aux prisonniers politiques malades, ont été arrêtés arbitrairement par la police de la ville de Jayapura. Ils ont tous été libérés au bout de quelques heures.

 ? Le 13 juillet 2012, la police de la province des Moluques a ouvert des poursuites pénales pour diffamation contre Oyang Orlando Petrus. Ce militant associatif du sud-ouest de l’archipel critique haut et fort l’exploitation minière dans la région et dénonce les conséquences environnementales. Il a été agressé et frappé à coups de couteau par des inconnus en avril 2012. Personne n’a été traduit en justice pour répondre de ces attaques.

 ? Le 6 mai 2012 à Bekasi, Tantowi Anwari, militant de l’Association des journalistes pour la diversité (Sejuk), a été frappé et roué de coups de pied par des membres du Front des défenseurs de l’islam (FPI). Il était en train de couvrir l’intervention de ce groupe radical lors d’un office de l’Église chrétienne protestante Filadelfia Batak. Il a porté plainte auprès de la police, mais l’affaire est apparemment au point mort.

La plupart des cas de violations des droits humains commises contre des militants dans le passé – torture et mauvais traitements, et possibles disparitions forcées et homicides illégaux, notamment – n’ont pas été élucidés et n’ont pas donné lieu à la mise en cause devant la justice des responsables présumés.

Amnesty International demande au gouvernement indonésien de prendre des mesures effectives pour faire en sorte que les violations des droits humains perpétrées contre les défenseurs des droits fondamentaux fassent l’objet sans délai d’une enquête efficace et impartiale, et que les responsables présumés soient déférés devant les tribunaux et jugés dans le cadre de procédures équitables.L’organisation demande également au gouvernement d’appuyer l’adoption d’une loi spécifique, afin d’assurer une meilleure protection légale aux défenseurs des droits humains, comme cela est prévu dans le plan national d’action relatif aux droits humains pour la période 2011-2014.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit