Communiqué de presse

Indonésie. Quatre lieux de culte ahmadis ont été fermés en l’espace d’un mois

Les autorités indonésiennes, en particulier le ministère de l’Intérieur, doivent immédiatement rouvrir au moins quatre lieux de culte ahmadis qui ont été fermés dans la province de Java-Ouest par les autorités locales début avril, et veiller à ce qu’un troisième lieu de culte ahmadi ne soit pas fermé de manière arbitraire.

Le 29 avril 2013, une communauté ahmadie de Sukabumi, dans Java-Ouest, a reçu une lettre de la municipalité de Sukabumi l’informant qu’elle devait, pour des « raisons de sécurité », rendre le bâtiment utilisé comme lieu de culte au Conseil des oulémas indonésien (MUI) et au ministère des Affaires religieuses, faute de quoi des mesures seraient prises à son encontre. Un mois plus tôt, des centaines de membres du Front des défenseurs de l’islam (FPI), un mouvement radical, s’étaient rassemblés devant le bâtiment pour réclamer sa fermeture. Si le lieu de culte ahmadi de Sukabumi venait à être fermé, il s’agirait alors du cinquième cas de fermeture de lieu de culte ahmadi recensé dans Java-Ouest depuis le début du mois d’avril.

La fermeture de quatre autres lieux de culte ahmadis en l’espace d’un mois est intervenue dans un contexte de discrimination pratiquée par l’État et d’attaques et d’actes d’intimidation incessants contre cette minorité religieuse en Indonésie. Les autorités indonésiennes, qui se sont pourtant engagées à lutter contre l’intolérance religieuse, ne protègent pas les membres de minorités religieuses et n’abrogent pas les lois et règlements qui sont discriminatoires et qui violent le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Le 12 avril 2013, trois lieux de culte ahmadis à Cianjur, dans la province de Java-Ouest, ont été fermés par le bureau local du Bureau de coordination pour la surveillance des croyances mystiques (Bakorpakem), placé sous l’autorité des services du procureur général. Les représentants du Bakorpakem étaient accompagnés par des membres du FPI. La police aurait observé ce qui se passait sans intervenir.

Le 4 avril 2013, des dizaines d’agents de la police administrative municipale (Satpol PP) de Bekasi ont scellé l’entrée du lieu de culte Al-Misbah qui appartient à la communauté ahmadie. Les autorités locales avaient menacé de fermer le lieu de culte à Bekasi (Java-Ouest) en février 2013 parce qu’elles avaient, semble-t-il, subi des pressions de la part de la branche locale du FPI. Une vingtaine d’Ahmadis ont refusé de sortir du bâtiment et s’y sont retranchés pendant trois semaines afin de protester contre sa fermeture et pour protéger leurs biens.

Selon les autorités locales, les mesures prises à Bekasi s’appuyaient sur le règlement n° 12/2011 pris par le gouverneur de Java-Ouest, qui porte sur l’interdiction des activités de la congrégation ahmadie indonésienne dans Java-Ouest, et sur le décret interministériel de 2008 (n° 3) qui interdit aux Ahmadis de faire du prosélytisme. Amnesty International a déclaré à plusieurs reprises que ce décret ainsi que la Loi de 1965 relative à la diffamation, sur lequel il se fonde, sont fondamentalement incompatibles avec les obligations internationales de l’Indonésie en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression, la liberté de pensée, de conscience et de religion, et le principe d’égalité.

La fermeture arbitraire de ces lieux de culte ahmadis, sur la base de tels textes législatifs et réglementaires, enfreint donc clairement les obligations qui incombent à l’Indonésie en tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). En particulier, l’article 18(1) du PIDCP garantit à tous les droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le droit à la liberté de religion est en outre garanti par l’article 28E(1) de la Constitution indonésienne, qui dispose que toute personne est libre de choisir et de pratiquer la religion de son choix.

Le gouvernement central doit révoquer le règlement n° 12/2011 pris par le gouverneur de Java-Ouest ainsi que tous les autres textes législatifs ou règlementaires régionaux ou nationaux qui restreignent les activités religieuses de la communauté ahmadie en Indonésie. Ces textes ont été utilisés par les autorités locales et par des groupes islamistes radicaux pour justifier la discrimination, les actes d’intimidation et les attaques dont fait l’objet la communauté ahmadie dans de nombreuses régions du pays.

La communauté ahmadie est un groupe religieux qui se réclame de l’islam, bien que nombre de formations musulmanes considèrent ses croyances comme déviantes par rapport à l’orthodoxie musulmane.

Amnesty International continue de recevoir des informations dignes de foi faisant état d’actes de harcèlement et d’intimidation et d’attaques commis en Indonésie à l’encontre de minorités religieuses, notamment à l’encontre de chiites et de chrétiens. Il s’agit notamment de fermetures, d’attaques et d’incendies de lieux de culte et d’habitations, qui conduisent parfois au déplacement de communautés appartenant à ces minorités. Les personnes qui commettent des actes de violence contre des minorités religieuses sont rarement punies.

À Sampang, dans Java-Ouest, les autorités locales ont empêché 168 chiites au moins, parmi lesquels 51 enfants, de retourner dans leur village près de huit mois après une attaque menée en août 2012 contre ce village par une foule hostile aux chiites. Au cours de cette attaque une personne a été tuée et 35 maisons ont été incendiées. Ces personnes continuent de vivre dans des abris temporaires et elles ne sont pas suffisamment approvisionnées en nourriture et n’ont pas accès aux services médicaux dont elles ont besoin. Certaines d’entre elles avaient déjà été harcelées auparavant par des représentants du gouvernement local qui leur ont dit de se convertir à l’islam chiite si elles voulaient retrouver leurs logements. Cinq personnes ont été condamnées à des peines allant de huit mois à quatre années d’emprisonnement pour cette attaque. Un sixième accusé a été acquitté.

En février 2013, cinq églises à Makassar, dans la province du Sulawesi-Nord, ont été incendiées par des personnes non identifiées qui ont utilisé des cocktails Molotov. À la connaissance d’Amnesty International, personne n’a été traduit en justice à la suite de ces attaques.

Amnesty International exhorte le gouvernement indonésien à respecter les engagements qu’il a pris quant à la protection de la liberté de religion lors de son Examen périodique universel au Conseil des droits de l’homme en mai 2012, à abroger les lois discriminatoires sur la « diffamation », à condamner tous les actes de violence visant des minorités religieuses en Indonésie et à veiller à ce que les auteurs de ces violences soient traduits en justice. Les autorités doivent également élaborer une stratégie concrète visant à renforcer le respect de la liberté de religion et la tolérance religieuse, qui s’est nettement dégradé ces dernières années.

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