Iran. Amnesty International est préoccupée par les poursuites visant le Dr. Hesam Firouzi et les violences à l’encontre des étudiants du « 18 Tir »

Déclaration publique

MDE 13/007/2007

Amnesty International se félicite de la libération sous caution, ce 24 janvier 2007, du Dr. Hesam Firouzi, détenu depuis le 6 janvier 2007, mais craint qu’il ne risque toujours des poursuites pour son travail de médecin et pour ses activités en faveur des droits humains. Hesam Firouzi serait inculpé de « dissimulation de prisonnier évadé » à son domicile ; d’ « atteinte à la sûreté du système » pour avoir donné des interviews à des radios étrangères sur l’existence de la torture en prison ; et pour « possession de parabole satellite », qui est illégale en Iran. Le prisonnier mentionné dans le chef d’inculpation est l’ancien étudiant Ahmad Batebi, l’une des personnes détenues en lien avec la manifestation de juillet 1999, dite « 18 Tir ».
Amnesty International demande instamment aux autorités iraniennes d’abandonner toute inculpation contre Hesam Firouzi qui serait seulement liée à son exercice pacifique de son droit à la liberté d’expression et d’association, internationalement reconnu, ou de son droit de pratiquer sa profession. Si Hesam Firouzi devait être emprisonné pour ces chefs d’inculpation, il deviendrait prisonnier d’opinion et Amnesty International demanderait sa libération immédiate et inconditionnelle.
Le Dr. Hesam Firouzi a été arrêté pour la première fois puis placé en détention pour deux jours le 2 octobre 2006. Des membres des forces de sécurité auraient effectué un raid à son domicile et confisqué tous ses livres, documents et son ordinateur, sans noter ce qu’ils emportaient, en violation du droit iranien. Le 3 janvier 2007, Hesam Firouzi a reçu une convocation devant la chambre 14 du Tribunal révolutionnaire de Téhéran, pour le 6 janvier. Lorsqu’il s’y est présenté, il a été arrêté et emmené à la prison d’Evin. Son épouse a déclaré dans une interview à la Deutsche Welle Radio, qu’Ahmad Batebi avait rendu visite à son mari à son cabinet et qu’il était resté chez eux pendant une semaine pour se reposer et recevoir des soins constants. Selon l’épouse de Hesam Firouzi, « le juge a dit à mon mari qu’il n’aurait pas dû faire ça, mais mon mari a déclaré ’je suis médecin et j’ai prêté le serment de soigner mes patients sans discrimination, quelle que soit leur personnalité ou l’infraction qu’ils ont commise. Je dois les soigner quoi qu’il en soit’. Pour cette raison, ils ont envoyé mon mari à la prison d’Evin. »
Lors d’une session du tribunal du 22 janvier 2007, la caution d’Hesam Firouzi, fixée au départ à 5 millions de toumans en liquide (soit environ 5 500 dollars des États-Unis) a été augmentée d’une caution supplémentaire de 25 millions de toumans (soit plus de 270 000 dollars). Dans un rapport diffusé par l’Agence de presse iranienne du travail (ILNA) le 24 janvier, l’avocat d’Hesam Firouzi a annoncé sa libération. Le 26 janvier 2007, sa femme, Mahta Bordbar, a déclaré à l’ILNA que son mari avait été libéré le soir du 24 janvier.
Ahmad Batebi avait été arrêté pour son implication dans une manifestation étudiante en juillet 1999, connue sous le nom de « 18Tir », qui avait été violemment réprimée par les forces de sécurité. Des centaines de personnes ont été arrêtées et nombre d’entre elles ont été cruellement torturées, dont Ahmad Batebi, qui souffre toujours de graves problèmes de santé dus à la torture.
Ahmad Batebi a été condamné à mort avec trois autres personnes pour avoir mis en péril la sûreté nationale, après des procès inéquitables et secrets devant un tribunal révolutionnaire de Téhéran. La condamnation à mort d’Ahmad Batebi a été commuée en une peine de prison de quinze ans par le chef suprême de l’Iran, l’ayatollah Sayed Ali Khamenei, peine réduite ensuite en appel à dix ans, au début de l’an 2000. En mars 2005, Ahmed Batebi aurait libéré temporairement pour lui permettre de se marier et de recevoir un traitement médical. Sa permission a été prolongée, mais Ahmad Batebi n’est pas revenu en prison après l’expiration de cette permission. Pendant cette période, il a continué à recevoir un traitement médical, notamment du Dr. Hesam Firouzi.
Ahmad Batebi a été de nouveau arrêté le 27 juillet 2006 ; il est détenu dans la section 209 de la prison d’Evin, dirigée par le ministère du Renseignement, hors du contrôle de l’organisation des prisons, qui est responsable des prisonniers condamnés. Ahmad Batebi aurait passé ses trois premiers mois d’incarcération à l’isolement. Il serait désormais détenu dans une cellule commune, où il est privé d’accès à l’air libre et à la lumière du jour. Il est à craindre qu’il ne reçoive pas le traitement médical dont il a besoin pour ses graves problèmes de santé.
En août 2006, peu après la nouvelle arrestation d’Ahmad Batebi et le début de sa grève de la faim pour protester contre sa réincarcération, Hesam Firouzi a écrit une lettre ouverte aux autorités carcérales en août 2006, dans laquelle il indiquait que son patient risquait la paralysie ou une crise cardiaque en prison. Dans sa lettre, il détaillait les problèmes sanitaires d’Ahmad Batebi, dont une dislocation des hanches, des saignements rénaux, une gastrite et un ulcère du duodénum ; le Dr. Firouzi affirmait qu’Ahmad Batebi risquait de mourir s’il n’était pas libéré.
En décembre 2006, peu de temps après avoir rendu visite à son fils en prison, le père d’Ahmad Batebi a exprimé ses graves inquiétudes sur l’état de santé de son fils, et demandé pourquoi il restait à la section 209, qui est l’endroit où sont généralement détenues les personnes pour interrogatoire. Le père d’Ahmad Batebi a déclaré : « S’ils ne lui veulent pas de mal, que fait Ahmad à la section 209 ? Ils jouent avec nos émotions. Notre fils perd peu à peu la vie et personne n’en prend la responsabilité. J’ai vraiment l’impression qu’ils pourraient lui faire quelque chose, cette fois. Je lis dans ses yeux qu’il appelle au secours, mais que puis-je faire ? »
Un autre étudiant du « 18Tir », Abbas Deldar, a obtenu une libération conditionnelle aux alentours du 10 janvier 2007, après avoir purgé la moitié de sa peine de quinze ans. Lui aussi avait été au départ condamné à mort. Mehrdad Lohrasbi, dont la peine capitale a également été commuée en quinze années d’emprisonnement, reste détenu à la section 2 (qui accueille les détenus violents), dans la prison de Rajai Shahr près de Téhéran. Mehrdad Lohrasbi aurait besoin d’un traitement médical pour ses problèmes mentaux et physiques. En novembre 2005, il aurait écrit une lettre depuis sa prison : « Pour le moment, cependant, je suis extrêmement malade et je souffre de tout, de problèmes avec mon genou gauche, mes poumons, mes gencives et mes dents (scorbut) ainsi que d’une tumeur qui grossit rapidement sur le côté gauche de mon cervelet, qui serait me dit-on maligne et probablement cancéreuse. J’ai demandé une permission pour raisons de santé, pour recevoir des soins, ce qui m’a été catégoriquement refusé. »
En décembre 2005, Mehrdad Lohrasbi se serait entendu dire que pour obtenir une permission pour raisons de santé, il devrait fournir une caution dépassant 22 000 dollars des États-Unis, que sa famille ne peut payer. En septembre 2006, Mehrdad Lohrasbi aurait en outre considérablement grossi et souffrirait de douleurs fulgurantes à la poitrine, ainsi que d’une douleur persistante dans les jambes. Il souffrirait également d’insomnie, et prendrait une grande quantité de sédatifs.
En juillet 2006, Akbar Mohammadi, un autre étudiant du « 18Tir », est mort en détention dans des circonstances suspectes. Libéré en juillet 2004 pour une permission longue à caractère médical, afin de soigner les problèmes de santé dus à sa torture en détention, Akbar Mohammadi a de nouveau été arrêté à son domicile d’Amol le 11 juin 2006, après avoir publié un livre où il décrivait certaines de ses expériences en prison.
Le 19 juillet 2006, Akbar Mohammadi a été transféré à la clinique médicale, à l’intérieur de la prison d’Evin. Un médecin de la prison aurait refusé de lui donner des médicaments antalgiques, ce qui a déclenché une dispute entre Akbar Mohammadi et ce médecin. Akbar Mohammadi aurait alors été frappé par un gardien de prison, avant d’être renvoyé en cellule. Pour protester contre le refus de soins et ses mauvais traitements, Akbar Mohammadi a décidé de mener une grève de la faim, déclarant à sa famille que « le régime essaye de me tuer à petit feu en prison, en me refusant des soins médicaux dignes de ce nom. Comme je vais mourir dans tous les cas, je vais choisir ma manière de le faire. »
Akbar Mohammadi a entamé sa grève de la faim vers le 21 juillet 2006. Lors des trois derniers jours de cette grève, il a refusé les liquides comme les solides, car les responsables de la prison lui auraient interdit d’utiliser les toilettes. L’avocat d’Akbar Mohammadi aurait demandé à le rencontrer après avoir appris sa grève de la faim, mais les autorités de la prison le lui ont refusé. Le 26 juillet 2006, Akbar Mohammadi a été transféré au centre médical de la prison, où il est resté jusqu’au 30 juillet. Une délégation parlementaire iranienne visitant la prison d’Evin s’est vu interdire l’accès à cette section de la prison où il se trouvait– peut-être la clinique elle-même. Akbar Mohammadi aurait été bâillonné et attaché à un lit pendant que la délégation visitait la prison. Par la suite, il a été renvoyé dans sa cellule. Ce jour-là, sa condition aurait empiré ; il est décédé le 31 juillet 2006.
Un avocat mandaté par ses proches a demandé l’ouverture d’une enquête sur la mort d’Akbar Mohammadi. L’avocat a affirmé que d’autres prisonniers détenus avec lui ont signalé qu’il n’avait pas reçu de traitement médical approprié, et qu’il avait été renvoyé dans sa cellule à 7 h 30 du soir, le 30 juillet 2006. Akbar Mohammadi aurait déclaré aux autres prisonniers que selon le médecin de la prison, il avait eu une crise cardiaque. Lorsque les prisonniers lui ont demandé pourquoi il avait été renvoyé en cellule, Akbar Mohammadi a répondu que les responsables de la prison avaient dit aux responsables médicaux : « Qu’il retourne au quartier, et qu’il y crève comme un chien ». Akbar Mohammadi est mort le lendemain.
En novembre 2006, l’avocat de la famille d’Akbar Mohammadi a déclaré que l’affaire avait été transmise au bureau de la police judiciaire par le Tribunal disciplinaire pour les agents du gouvernement, mais selon lui, la police judiciaire ne pourrait pas mener d’enquête indépendante sur les témoins en prison. L’avocat a ajouté que le procureur avait trouvé certaines lacunes dans le rapport d’autopsie concernant Akbar Mohammadi, et demandé l’étude de ce rapport. L’avocat a enfin déclaré qu’il fallait mener une étude médicale indépendante sur l’affaire Akbar Mohammadi.
Amnesty International renouvelle son appel à une révision judiciaire immédiate des affaires d’Ahmad Batedi, Mehrdad Lohrasbi et de toute autre personne emprisonnée après un procès inéquitable en Iran. Amnesty International demande également aux autorités iraniennes que ces deux prisonniers aient accès à tous les soins médicaux nécessaires. En outre, notre organisation demande aussi une enquête prompte, approfondie et impartiale sur les allégations de torture des étudiants du « 18 Tir », ainsi que sur le décès d’Akbar Mohammadi en prison, enquête qui devrait respecter les Principes des Nations unies sur la prévention des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et les moyens d’enquête sur ces exécutions.

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