Communiqué de presse

Iran. Il faut mettre fin à la persécution des professionnels de l’industrie du cinéma

Amnesty International condamne l’arrestation de quatre hommes et d’une femme, tous professionnels de l’industrie cinématographique. Elle demande leur libération immédiate et sans condition, car il semble qu’ils sont détenus uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression ou pour avoir eu des contacts avec des médias étrangers, la BBC notamment au reste du monde.

Quatre réalisateurs de documentaires – Hadi Afarideh, Naser Saffarian, Mohsen Shahrnazdar et Mojtaba Mir Tahmasb – ainsi que la productrice et distributrice Katayoun Shahabi ont été arrêtés le 17 septembre. Ils seraient détenus à la section 209 de la prison d’Evin, à Téhéran, qui dépend du ministère du Renseignement. Leurs familles feraient l’objet de pressions pour ne pas évoquer leur détention.

Le 19 septembre, les médias locaux iraniens ont annoncé l’interpellation de cinq hommes et d’une femme, sans les nommer, accusés d’avoir « fourni à la chaîne de télévision en persan de la BBC des informations, des films et des documents secrets dans le but de dépeindre un sombre tableau de l’Iran et des Iraniens ». Leurs noms ont par la suite été rendus publics. L’un des hommes, Shahnam Bazdar, aurait été relâché peu de temps après. Il n’avait semble-t-il aucun lien avec les cinéastes. Tous ces réalisateurs avaient vendu leur travail à la BBC.

Le 25 septembre, le ministère du Renseignement a annoncé à la télévision d’État iranienne que « d’autres personnes » accusées d’entretenir des liens avec la BBC Persian avaient été convoquées pour interrogatoire, mais sans préciser leur nombre. Les cinéastes ont été arrêtés après la diffusion d’un documentaire sur BBC Persian consacré à la vie du Guide suprême de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei. Les antennes paraboliques étant interdites en Iran, la transmission du programme de la BBC par satellite était brouillée sur le territoire iranien.

En janvier 2010, les autorités ont interdit aux Iraniens tout contact avec plus de 60 institutions étrangères, dont la BBC, d’autres médias et plusieurs organisations de défense des droits humains. Quiconque enfreint cette interdiction peut être poursuivi et incarcéré. Cette mesure était visiblement destinée à cacher au reste du monde ce qui se passe réellement en Iran et à empêcher la circulation d’informations sur la situation des droits humains.

Les arrestations des cinéastes illustrent les efforts intenses que déploient les services de sécurité iraniens pour museler toute forme de dissidence dans le pays et isoler les Iraniens de la communauté internationale, en érigeant en infraction le fait d’entrer en contact avec des organismes et des médias étrangers.

Trois des personnes arrêtées – Nasser Saffarian, Mojtaba Mir Tahmasb et Katayoun Shahabi – ont été autorisées à appeler très brièvement leurs proches pour confirmer leur interpellation. À la connaissance d’Amnesty International, les détenus n’ont eu aucun autre contact.

Selon certaines informations, Katayoun Shahabi a été arrêtée par une femme des services de renseignements qui a frappé à sa porte, prétendant être enceinte. Elle lui a demandé de l’aide. Lorsque Katayoun Shahabi s’est approchée pour lui porter assistance, elle a retiré le rembourrage destiné à faire croire qu’elle était enceinte et trois agents ont pénétré chez elle. Ils ont fouillé ses affaires et causé des dégâts, avant de l’emmener avec certains de ses effets personnels.

Mojtaba Mir Tahmasb a réalisé Ceci n’est pas un film, qui retrace pendant 75 minutes la vie de l’éminent réalisateur Jafar Panahi depuis qu’il a été déclaré coupable et condamné en décembre 2010 à une peine de prison, assortie d’une interdiction de tourner des films. Le 5 septembre, Mojtaba Mir Tahmasb a été contraint de descendre d’un avion en partance pour l’Europe et s’est vu confisquer son passeport avant d’être arrêté. Son épouse s’est rendue en Europe à sa place pour présenter Ceci n’est pas un film lors de divers festivals de cinéma. À son retour, elle aurait fait part de son indignation devant les dégâts causés à leur domicile par une perquisition des services de sécurité.

Selon les médias, plusieurs représentants du gouvernement et des groupes au service de l’État ont accusé les cinéastes d’être des « espions ».

La Maison du Cinéma en Iran, association professionnelle de l’industrie du cinéma, a publié une déclaration au lendemain des arrestations, demandant que les droits de ses membres incarcérés soient respectés, conformément à toutes les dispositions juridiques en vigueur. De nombreux représentants du gouvernement ont vertement critiqué ces propos et plusieurs députés ont réclamé que la licence de la Maison du Cinéma soit suspendue.

En juillet 2010, le gouvernement a mis sur pied le Haut conseil du cinéma, sous l’égide du président iranien et sous la direction du ministre de la Culture et de l’Orientation islamique, soutenu par six cinéastes progouvernementaux. Il représente la principale source de financement de la production cinématographique. Toutes les activités liées au cinéma dans le pays doivent être coordonnées par ce nouvel organisme, y compris celles de la Maison du Cinéma.

L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Iran est partie, garantit le droit à la liberté d’expression.


Complément d’information

Le cinéma iranien jouit d’une renommée internationale et les films iraniens remportent de nombreux prix lors des festivals internationaux. Les réalisateurs font preuve d’une grande créativité pour contourner la censure omniprésente de l’État.

Depuis quelques mois, les travailleurs de l’industrie cinématographique iranienne sont en butte à une répression croissante. Plusieurs sont incarcérés ou encourent des peines de prison en raison de leurs activités pacifiques liées à leur travail. L’actrice Marzieh Vafamehr serait détenue à la prison de Gharchak (ou Qarchak) à Varamin, au sud-est de Téhéran, depuis le mois de juin. Le 4 août, son époux a déclaré que son mandat d’arrêt provisoire avait été prolongé d’un mois. Amnesty International ignore quelle est actuellement sa situation juridique.

En juillet, des agents des services de sécurité ont arrêté les cinéastes Mahmaz Mohammadi et Pegah Ahangarani, ainsi que la photojournaliste Maryam Majd. Toutes trois ont plus tard été remises en liberté sous caution.

Les réalisateurs de renommée internationale Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof ont tous deux été condamnés à six ans de prison en décembre 2010. En outre, Jafar Panahi a été frappé d’une interdiction de tourner des films pendant 20 ans. Ils sont libres en attendant que la justice statue sur les appels qu’ils ont interjetés de la déclaration de culpabilité et de la peine. Jafar Panahi ne peut ni travailler ni voyager en raison des interdictions qui lui sont imposées. Quant à Mohammad Rasoulof, l’interdiction de voyager à l’étranger qui lui avait été infligée en 2009 a été levée au mois de mai.

Depuis l’élection présidentielle de 2009, d’autres réalisateurs applaudis sur la scène internationale ont quitté l’Iran, notamment Abbas Kiarostami, Mohsen Makhmalbaf et Bahman Ghobadi.

Amnesty International réclame une nouvelle fois l’abandon de toutes les charges pesant sur ces personnes uniquement parce qu’elles ont exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression.

Avant l’élection controversée de 2009, un grand nombre de panneaux d’affichage et de grandes affiches où figurait la célèbre actrice Fatemeh Motamed Arya avaient été brûlés et détruits. Dans ses interviews, elle avait déclaré que les Iraniens « voulaient vivre » et préféraient la paix aux menaces internationales adressées à leur pays. Selon certaines informations, il a été interdit de mentionner son nom, tandis que les films dans lesquels elle apparaissait étaient réadaptés afin qu’elle n’y figure plus.

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