Communiqué de presse

Iran. Il faut mettre un terme à la répression contre les étudiants et libérer ceux qui sont emprisonnés en raison de leurs activités militantes pacifiques

À la veille de la célébration de la Journée nationale des étudiants, le 6 décembre, la lauréate du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi ainsi que trois organisations de défense des droits humains, l’Advocacy Council for the Right to Education (Conseil de défense du droit à l’éducation), Amnesty International et Justice for Iran, lancent un appel conjoint aux autorités iraniennes pour qu’elles remettent en liberté immédiatement et sans condition tous les prisonniers d’opinion, notamment les étudiants emprisonnés en raison de l’expression pacifique de leurs convictions.

Les organisations demandent au gouvernement de mettre un terme à la campagne de répression des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion exercés pacifiquement par les étudiants.

Elles leur demandent de revoir toutes les politiques et les pratiques qui restreignent l’accès des personnes à l’éducation supérieure et de faire en sorte que chacun puisse prétendre bénéficier de l’enseignement supérieur dans des conditions d’égalité, sur la base de ses capacités, sans aucune forme de discrimination fondée sur le sexe, la religion, l’opinion politique ou tout autre motif.

Restreindre l’accès d’une personne à l’éducation en raison de ses origines, de son genre, de ses croyances religieuses ou de ses opinions est une violation des droits humains. C’est une violation des droits à l’éducation et à la non-discrimination. C’est également une violation de la liberté d’expression, de réunion et d’association pacifique.

En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l’Iran a le devoir de ne pas retreindre indument le droit des personnes à la liberté d’expression, d’association et de réunion, et au contraire de garantir ces libertés. Il lui incombe également, en tant que partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), de respecter et faire respecter le droit de tous les Iraniens à la non-discrimination en matière d’accès à l’enseignement supérieur – articles 2 (2) et 13 (2) (C).

Situation des étudiants iraniens au moment de la Journée nationale des étudiants

Le 6 décembre, tandis que dans tout le pays des milliers d’étudiants universitaires célèbreront la Journée nationale des étudiants – organisée à la mémoire de trois étudiants tués par les forces de sécurité à Téhéran lors d’une manifestation en 1953 –, des dizaines de leurs compagnons passeront la journée derrière les barreaux pour la seule raison qu’ils ont exercé leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion ; beaucoup d’autres personnes resteront par ailleurs empêchées de poursuivre leurs études.

Depuis l’élection présidentielle contestée de 2009, certaines des manifestations pacifiques organisées sur les campus à l’occasion de cette journée annuelle ont été dispersées brutalement.

Ces derniers mois, des dizaines d’étudiants ont été arrêtés, convoqués pour purger des peines d’emprisonnement prononcées à l’issue de procès inéquitables pour des charges définies en des termes vagues et ne correspondant à aucune infraction définie par la loi, ou empêchés par un autre moyen, à titre permanent ou temporaire, de poursuivre leurs études.

Les organes disciplinaires des universités ont recours à un système d’« étoiles » pour marquer les dossiers des étudiants ayant (effectivement ou supposément) mené des activités antigouvernementales – qui, la plupart du temps, ne vont pas au-delà du simple exercice du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Ce système est utilisé pour sanctionner les intéressés, voire les exclure de l’université. Un étudiant frappé de trois « étoiles » sera purement et simplement interdit de poursuivre ses études universitaires.

Parmi les étudiants qui ont récemment été arbitrairement arrêtés, emprisonnés ou interdits d’études, figurent les cas suivants :

Nasim Soltan Beigi, militante des droits des femmes et étudiante à l’université d’Allameh Tabatabai, a commencé le 13 octobre 2012 à purger une peine de trois ans d’emprisonnement prononcée contre elle après qu’elle eut été déclarée coupable, en 2010, de « propagande contre le système » et de « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale ». Sur les trois ans de sa condamnation, deux correspondent à la peine infligée pour sa participation à une manifestation en faveur de l’égalité des droits organisée le 12 juin 2006 par des militantes des droits des femmes.

Rashid Esmaili, membre de l’organisation étudiante Advar-e Tahkim-e Vahdat, a été arrêté à Ispahan le 8 septembre 2012. Il a été remis en liberté après avoir passé deux mois à l’isolement, en « détention temporaire » sans inculpation ni jugement. Cet étudiant qui suivait un master de droits humains à l’université d’Allameh Tabatabai reste exclu de l’université, où son dossier a été frappé de plusieurs étoiles en 2006. En décembre 2009, Rashid Esmaili a été inculpé d’« insulte au Guide suprême » et condamné à 18 mois d’emprisonnement.

Leva Khanjani appartient à la minorité religieuse baha’ie et est exclue de l’enseignement supérieure en raison de sa foi. Elle a commencé à purger une peine de deux ans d’emprisonnement à la prison d’Evin le 25 août 2012. Elle avait été déclarée coupable de « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité de l’État », de « propagande contre le système » et de « troubles à l’ordre public ». Ces chefs font référence à sa participation aux manifestations antigouvernementales intervenues à la fin de décembre 2009 à l’occasion de la fête religieuse de l’Achoura.

Abbas Khosravi Farsani, étudiant en doctorat à l’université d’Ispahan, a été arrêté le 21 juin 2012 en raison d’écrits publiés sur son blog et d’un livre (intitulé Doux murmures : Une Critique de la République islamique d’Iran et de ses dirigeants) dans lequel il exprimait des critiques pacifiques vis-à-vis des autorités iraniennes. Il a été remis en liberté sous caution dans l’attente de son procès, durant lequel il devra répondre d’« insulte envers des fonctionnaires » et « insulte envers le fondateur de la République islamique », entre autres charges. Il a l’interdiction de poursuivre son doctorat et d’enseigner dans une université iranienne.

Les cosignataires réclament de nouveau la remise en liberté immédiate et sans condition des étudiants dont les noms figurent ci-dessous, qui sont des prisonniers d’opinion incarcérés au cours des années précédentes.

Majid Dorri, un étudiant membre de l’Advocay Council for the Right to Education (Conseil de défense du droit à l’éducation), a été arrêté en juillet 2009 à Qazvin, dans le nord de l’Iran. Il purge une peine de six ans et demi d’emprisonnement en « exil intérieur », loin de son domicile, après avoir été condamné, notamment, pour « inimitié à l’égard de Dieu ». Il n’a bénéficié d’aucune autorisation de sortie de prison depuis son arrestation.

L’étudiante et militante des droits des femmes Bahareh Hedayat, membre du comité central du Bureau pour la consolidation de l’unité (un organe national étudiant qui, ces dernières années, a réclamé l’adoption de réformes politiques et dénoncé les violations des droits humains) et présidente du comité des femmes de cette structure, a été arrêtée le 31 décembre 2009. Elle purge une peine de 10 années d’emprisonnement après avoir été déclarée coupable, notamment, d’« insulte au président », « insulte au Guide suprême », « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité nationale » et « propagande contre le système ».

Lauréat 2013 du Prix de l’étudiant pour la paix (décerné en Norvège), le dirigeant étudiant Majid Tavakkoli a été arrêté en 2009 lors de la Journée nationale des étudiants après qu’il eut prononcé un discours pendant un rassemblement pacifique à l’université de technologie Amir Kabir, à Téhéran, où il était inscrit. Ce prisonnier d’opinion purge une peine de neuf ans de détention à la prison de Rajai Shahr. Il a été condamné pour « participation à un rassemblement illégal », « propagande contre le système » et « insulte envers des fonctionnaires ». Il est non seulement radié des cours pendant toute la durée de son séjour en prison, mais est interdit à vie d’inscription dans toutes les universités du pays.

Le militant étudiant Sayed Ziaoddin (Zia) Nabavi est le co-fondateur de l’Advocacy Council for the Right to Education (Conseil de défense du droit à l’éducation, qui a été créé en 2007 par des étudiants interdits de cours en raison de leurs activités politiques). Frappé de trois « étoiles » en raison de son engagement politique, il a été interdit d’université en 2007. Il a été arrêté le 14 juin 2009 après avoir participé à un grand rassemblement à la suite de l’élection présidentielle controversée. Il a été condamné à 10 années d’emprisonnement en exil intérieur pour « inimitié à l’égard de Dieu ». Il est détenu dans la prison de Karoun, dans le sud-ouest de l’Iran, loin de chez lui.

Complément d’information

Depuis le début de l’année universitaire 2012-2013, des dizaines de militants étudiants ont été arrêtés par les forces de sécurité sur la base d’accusations formulées en des termes vagues, convoqués par des tribunaux révolutionnaires pour purger des peines d’emprisonnement ou frappés d’une interdiction de poursuivre leurs études durant l’année. Il apparaît que ces actes dirigés contre eux sont la conséquences de leurs activités politiques pacifiques. Dans d’autres cas la justice a rouvert des dossiers anciens contre des étudiants.

Instaurées sur une base discriminatoire, des restrictions à l’accès aux études supérieures sont toujours en place pour certaines catégories de personnes. Les membres de minorités religieuses non reconnues par les autorités, comme la communauté baha’ie, sont pour la plupart exclus de l’enseignement supérieur. La foi baha’ie n’est pas reconnue par la Constitution et ses adeptes sont en butte à des persécutions en raison de leurs convictions religieuses.

Plusieurs dizaines d’universités placées sous l’autorité du ministère des Sciences, de la Recherche et de la Technologie ont mis en place pour cette année universitaire une série de mesures barrant l’accès des femmes à certains domaines d’études. Le ministre concerné est favorable à la ségrégation dans les universités. Il s’est prononcé en faveur de la mise en place de facultés spécifiquement destinées aux femmes pour, dit-il, se conformer à la tradition islamique.

Les étudiants à qui l’on interdit d’assister aux cours parce qu’ils ont exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion, ou en raison de leurs opinions politiques ou de leurs croyances religieuses, ou sur la base de leur genre, sont privés du droit à l’éducation garanti par l’article 13 du PIDESC, auquel l’Iran est partie. L’accès de tous à l’enseignement supérieur est garanti par l’article 26 (1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 1 (a) de la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (UNESCO), que l’Iran a acceptée.

Le PIDCP protège le droit des personnes à la liberté d’opinion, d’expression, d’association et de réunion, ainsi que le droit des groupes minoritaires d’avoir leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur religion, ou d’employer leur langue. La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et le PIDESC interdisent en outre, y compris dans le domaine de l’accès à l’éducation, toute discrimination fondée sur l’opinion politique ou toute autre opinion, le sexe, la race, la religion, la langue, l’appartenance ethnique, la naissance ou toute autre situation.

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