Iran. La situation des droits humains est la pire qu’ait connue le pays depuis vingt ans

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

La situation des droits humains en termes de violations est la pire qu’ait connue l’Iran depuis vingt ans, a déclaré Amnesty International ce jeudi 10 décembre 2009 dans un nouveau rapport sur la période qui a suivi l’élection présidentielle du mois de juin.

« Les dirigeants iraniens doivent veiller à ce que les nombreuses allégations de torture, notamment de viols, d’homicides illégaux et d’autres violences, fassent l’objet d’enquêtes approfondies et indépendantes, a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.


« Les membres des milices et les représentants de l’État responsables de ces agissements doivent rendre compte de leurs actes dans les meilleurs délais. En aucun cas ils ne doivent être exécutés. »

Amnesty International demande au Guide suprême de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, d’autoriser deux éminents experts des Nations unies spécialisés dans les droits humains à se rendre en Iran afin de contribuer à la tenue d’une enquête.

« Le Guide suprême doit ordonner au gouvernement d’inviter les rapporteurs spéciaux sur la torture et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, afin qu’ils contribuent à des enquêtes aussi rigoureuses qu’indépendantes, a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui.

« Les investigations annoncées jusqu’à présent par les diverses autorités iraniennes semblent avoir pour objectif de dissimuler les atteintes aux droits humains plutôt que de faire éclater la vérité. »

Le rapport d’Amnesty International révèle des atteintes aux droits humains systématiques commises avant, pendant et surtout après l’élection de juin, lorsque les autorités ont fait appel aux bassidji (miliciens volontaires) et aux pasdaran (gardiens de la révolution) en vue de mettre fin aux manifestations de masse contestant le résultat de ce scrutin.

Ce document présente des témoignages de personnes maintenues en détention durant les manifestations, dont certaines ont ensuite été contraintes de quitter l’Iran.

Un ancien détenu a raconté qu’il avait été incarcéré au célèbre centre de détention de Kahrizak pendant cinquante-huit jours, à l’intérieur d’un container. Ce n’est qu’au bout de quarante-trois jours qu’il a pu entrer en contact avec sa famille.

Les personnes qui l’ont interrogé lui ont dit que son fils, qui se trouvait également entre leurs mains, serait violé s’il ne passait pas aux « aveux ». Ils l’ont alors frappé à coups de matraque jusqu’à ce qu’il perde connaissance. D’après cet homme, plus de 40 personnes se trouvaient dans le container avec lui.

Ali Kheradnejad, lui aussi ancien prisonnier, a déclaré avoir vu l’étudiant Amir Javadifar, les vêtements arrachés et le front en sang. Il a plus tard appris qu’il était mort en détention, semble-t-il des suites de tortures ou de mauvais traitements. Il a alors décidé de témoigner, quels que soient les risques encourus.

« Les autorités doivent montrer qu’elles ont tourné la page des violations des droits humains commises cet été. Elles doivent désormais maintenir l’ordre lors des manifestations dans le plein respect des normes internationales relatives à l’application des lois et tenir les bassidji et les forces de sécurité qui utilisent la manière forte à l’écart de la rue, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

« Il convient de protéger toute personne arrêtée ou placée en détention contre la torture et les mauvais traitements, de libérer les prisonniers d’opinion et de remettre en liberté les personnes condamnées au terme de procès iniques – notamment les " procès pour l’exemple " qui n’étaient qu’une parodie de justice – ou de réexaminer leurs dossiers. En outre, il faut commuer toutes les condamnations à mort et juger les prisonniers qui n’ont pas encore comparu en justice dans le cadre de procès équitables. »

Plus de 90 militants étudiants ont été arrêtés au cours des trois dernières semaines, tandis que d’autres étaient interdits de cours. Ces mesures visent clairement à empêcher toute manifestation et mettent en garde les étudiants contre la poursuite de leurs activités en faveur de leurs droits humains et de leur liberté d’étudier.

Une enquête internationale

Les diverses investigations menées jusqu’ici par le gouvernement semblent s’inscrire dans une démarche visant plutôt à dissimuler qu’à faire émerger la vérité.

Les autorités iraniennes ont mis sur pied deux organes chargés d’enquêter sur la crise post-électorale, et notamment sur le traitement réservé aux détenus : une commission parlementaire et un comité judiciaire composé de trois membres.

Le mandat et les pouvoirs conférés à ces instances n’ont pas été dévoilés, tandis que les conclusions de la commission parlementaire demeuraient confidentielles.

Manfred Nowak, rapporteur spécial sur la torture, et Philip Alston, rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, ont sollicité l’autorisation de se rendre en Iran et attendent la réponse des autorités.

« Il incombe aux autorités de remédier aux atteintes aux droits humains généralisées commises durant les troubles post-électoraux dans un esprit d’ouverture, de transparence et de responsabilisation », a conclu Hassiba Hadj Sahraoui.

D’après les chiffres officiels, 36 personnes ont été tuées lors des violences post-électorales. Selon l’opposition, elles seraient plus de 70.

Au moins 4 000 personnes ont été arrêtées en Iran au lendemain du scrutin. Au moment de la rédaction de ce rapport, 200 environ se trouvent toujours derrière les barreaux ; certaines sont incarcérées depuis que les premiers troubles ont pris fin.

Note :

En dépit de nombreuses requêtes, les autorités iraniennes refusent qu’Amnesty International se rende en Iran pour enquêter sur des atteintes aux droits humains depuis trente ans, c’est-à-dire peu après la Révolution islamique de 1979. L’ambassade d’Iran à Londres a refusé à maintes reprises de rencontrer ou de s’entretenir avec Amnesty International au cours des cinq dernières années.

Afin d’organiser un entretien avec un membre de l’équipe qui a travaillé sur ce rapport, veuillez contacter Amnesty International au + 44 20 7413 5566 ou press@amnesty.org.

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