IRAN - Les défenseurs des droits humains en première ligne

Index AI : MDE 13/026/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Alors que la tension internationale continue de s’accroître à propos du programme nucléaire iranien, Amnesty International s’inquiète de la sécurité du groupe courageux des défenseurs des droits humains en Iran, qui risquent pour beaucoup des représailles en raison de leur travail.

Au moment où s’approche la date prévue pour la libération du prisonnier d’opinion Akbar Ganji, ce 17 mars, Amnesty International demande aux autorités iraniennes de s’assurer de sa libération, puis de sa sécurité.

Akbar Ganji, âgé de quarante-six ans, a été arrêté en avril 2000, avec 17 autres journalistes et intellectuels iraniens qui avaient participé à un séminaire culturel à Berlin. Il a été condamné à dix années d’emprisonnement, réduites en appel à six mois, pour « participation à une infraction à la sécurité nationale » et « propagande contre le système islamique ». (Pour plus de détails, voir EXTRA 43/00, MDE 13/07/00 du 25 avril 2000 et suivants). En juillet 2001, Akbar Ganji a de nouveau été traduit en justice, inculpé de « collecte de documents d’État confidentiels dans le but de mettre en danger la sûreté de l’État » et « diffusion de propagande » ; il a été condamné à six ans d’emprisonnement. En 2000, il avait écrit une série d’articles, par la suite publiés sous forme de livre, dans lequel il impliquait plusieurs responsables gouvernementaux de haut rang dans les homicides de plusieurs écrivains et militants politiques importants ; ces homicides, perpétrés en 1998, ont été appelés les « meurtres en série ». Parmi les personnes impliquées dans ces articles figurait l’ex-président, l’hojjatoleslam val Moslemin Ali Akbar Hashemi Rasfandjani.

Akbar Ganji a entamé une grève de la faim le 11 juin 2005, pour protester contre les soins médicaux qui lui sont refusés pour son asthme chronique, malgré la recommandation d’un spécialiste selon laquelle il doit être soigné hors de la prison. Le 17 juillet 2005, Akbar Ganji a été envoyé en urgence à l’hôpital Milad. Il a cessé sa grève de la faim à la mi-août 2005, au bout de presque soixante-dix jours. Il aurait perdu plus de 30 kilos, et a été soigné dans une unité de soins intensifs une semaine avant de recommencer à s’alimenter.

Le 3 septembre 2005, Akbar Ganji a été ramené de l’hôpital à la prison d’Evin, pour purger le reste de sa peine de six ans. Depuis, il est détenu à l’isolement et son état de santé continue à susciter des inquiétudes.

Selon une lettre ouverte publiée le 27 octobre 2005 sur le site Web d’information Emrooz par Massoumeh Shafii, la femme d’Akbar Ganji, son mari lui a déclaré que deux jours après sa visite, le 20 août 2005, une équipe des forces de sécurité iraniennes était venue le voir à l’hôpital pour lui demander de rétracter les écrits de son livre « Manifeste républicain » ainsi que les lettres qu’il avait écrites à l’ayatollah Montazeri. Il lui a été aussi demandé de s’engager à ne pas donner d’interviews s’il recevait une permission. Akbar Ganji a refusé et aurait été passé à tabac par ces mêmes personnes alors qu’il se trouvait dans le bâtiment de quarantaine de l’hôpital Milad.

Le 29 novembre 2005, Massoumeh Shafii aurait déclaré à Adnkronos International (AKI) : « Ganji m’a dit que certains hommes du procureur Said Mortazavi l’avaient menacé de mort, lui déclarant qu’il serait facile de le tuer, même s’il était libéré après avoir purgé sa peine. »

Amnesty International se félicite de l’annonce de la libération sous caution du grand militant des droits humains et avocat Abdolfattah Soltani, l’un des avocats d’Akbar Ganji et de la famille de Zahra Kazemi, une journaliste irano-canadienne morte en détention à la prison d’Evin, en juillet 2003.

Abdolfattah Soltani a été libéré sous caution le 5 mars 2006, après avoir passé deux cent dix-neuf jours en prison sans inculpation officielle ni procès, apparemment en relation avec des informations prétendument révélées dans une affaire d’espionnage nucléaire où il était avocat de la défense. À sa libération, Abdolfattah Soltani aurait déclaré : « ...mon procès débutera probablement après le nouvel an iranien (le 21 mars). Le tribunal décidera si je peux avoir un avocat pour me défendre ou pas. Aucun avocat n’a reçu accès à mes dossiers au cours des sept derniers mois. Moi non plus, je n’ai pas pu lire mon dossier. » Lors de sa détention, Abdolfattah Soltani n’a eu qu’un accès limité à sa famille, et n’a pu rencontrer d’avocat pendant plus de cinq mois.

Amnesty International estime que la détention d’Abdolfattah Soltani et son procès à venir sont motivés par des considérations politiques, conçus pour décourager d’autres défenseurs des droits humains de travailler sur des affaires visant des responsables d’atteintes aux droits humains, ou de défendre des personnes poursuivies pour des raisons politiques. Si c’est le cas, tous les chefs d’inculpation concernant Abdolfattah Soltani doivent être abandonnés, et son affaire doit être classée. Au strict minimum, il devrait avoir le plus vite possible l’occasion de se défendre contre les charges qui pèsent sur lui.

Les défenseurs kurdes des droits humains en Irak courent également des risques. Selon certaines informations, des menaces de mort ont été formulées à l’encontre de plusieurs journalistes et défenseurs des droits humains ayant participé aux manifestations de juillet 2005 contre l’homicide de Shivan Qaderi, un jeune militant kurde, par les forces de sécurité iraniennes, en juillet 2005.

Loghman Mori, condamné à cinq ans de prison à la suite des manifestations de juillet 2005, qui attend le résultat de son appel, aurait déclaré : « Je crains vraiment pour ma vie. Ces menaces téléphoniques commencent à nous ébranler profondément, ma famille et moi...ils appellent à toute heure. Je souhaiterais tenir les autorités et les membres des forces de sécurité et de la police responsables de notre sécurité, et leur rappeler que s’il nous arrive quoi que ce soit, ils devront en répondre. »

Roya Toloui, une célèbre militante défendant les droits humains des femmes kurdes iraniennes, a été arrêtée en août 2005, après les manifestations de juillet 2005. Elle a été libérée de prison sous caution en octobre 2005. Elle affirme avoir été torturée et forcée à signer des aveux prérédigés en détention. Roya Toloui est la rédactrice en chef du magazine mensuel Rasan, et la fondatrice de l’Association des femmes kurdes pour la paix au Kurdistan. Parmi les chefs d’inculpation qui visent Roya Toloui figurent des « actions contre la sécurité nationale » et « trouble à l’ordre public ».

Ghafour Mohammadi, défenseur des droits humains et membre de l’Organisation des droits humains du Kurdistan (HROK), aurait été arrêté le 5 janvier 2005 dans la ville de Mahabad, au Kurdistan. Il aurait été inculpé de liens avec une organisation politique considérée comme illégale et condamné à plusieurs mois d’emprisonnement.

Le 8 janvier 2006, Sarveh Komkar, également membre de l’HROK, aurait été arrêtée devant témoins par une unité spéciale de renseignement et de sécurité des Gardiens de la révolution, dans la ville de Mahabad, au Kurdistan. Sarveh Komkar a été libérée cinq heures plus tard, après des plaintes déposées auprès des autorités par sa famille et des membres du HROK, qui ont souligné le manque d’éléments à charge. Cependant, elle avait été passée à tabac, son visage et son corps présentant des blessures et ecchymoses.

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