Communiqué de presse

L’Iran doit libérer les journalistes arrêtés lors de descentes effectuées dans leurs bureaux

L’Iran doit libérer tous les journalistes détenus uniquement pour avoir fait leur travail légitime, a déclaré Amnesty International après l’arrestation d’au moins 14 reporters ces trois derniers jours, dans le cadre de descentes de police effectuées dans les locaux de divers journaux.

Les journalistes seraient accusés de coopérer avec des médias de langue persane « antirévolutionnaires » basés à l’étranger.

« Cette toute dernière vague d’arrestations de journalistes en Iran résulte des restrictions draconiennes imposées à leur activité qui bafouent le droit à la liberté d’expression et doivent être assouplies", a déclaré Ann Harrison, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Tous les journalistes qui sont emprisonnés en Iran simplement parce qu’ils exercent sans violence leur métier doivent être remis en liberté immédiatement et sans condition. »

Les derniers journalistes auraient été arrêtés lundi 28 janvier ; il s’agit de Keyvan Mehrgan, ancien journaliste à Shargh, et de Hossein Taghchi.

Selon des médias iraniens, les forces de sécurité ont pris d’assaut les bureaux de plusieurs organes de presse à Téhéran les 26 et 27 janvier. Dix journalistes ont été arrêtés lors de cinq descentes de police effectuées simultanément le 27, tandis que deux autres auraient été interpellés la veille.

Selon certaines informations, des agents des services de sécurité ont perquisitionné et filmé en vidéo les locaux. Ils ont également fouillé le domicile de plusieurs journalistes et confisqué à certains téléphones et cartes de presse.

Ces interpellations auraient eu lieu sur la base de mandats délivrés par le tribunal des médias et de la culture.

Les journalistes arrêtés le 26 janvier auraient été conduits à la prison d’Evin, tandis que les autres ont été transférés dans un lieu tenu secret.

Cette dernière série d’arrestations fait suite au retour en prison de Mohammad Sadiq Kaboudvand, réintégré dans la prison d’Evin le 25 janvier, après avoir obtenu une permission pour raisons médicales en décembre 2012.

Mohammad Sadiq Kaboudvand, dont l’état de santé est préoccupant, purge une peine de 10 ans et demi pour ses activités de journaliste et de défenseur des droits humains. C’était la première fois depuis son arrestation en 2007 qu’il bénéficiait d’une permission.

Les journalistes en Iran ont bien du mal à accomplir leur travail légitime, qui consiste entre autres à critiquer pacifiquement les autorités et à traiter des questions liées aux droits humains.

Le ministre iranien de la Culture et de l’Orientation islamique, Mohammad Hosseini, a affirmé le 28 janvier que l’arrestation des journalistes n’avait rien à voir avec leur travail.

Cependant, le 21 janvier, le procureur général Gholamhossein Mohseni Ejei avait lancé une sorte d’avertissement lors d’une conférence de presse : « Demain, si l’un de ces individus est arrêté pour un acte criminel, vous… crierez et hurlerez, alors qu’il était à votre insu le porte-parole de votre ennemi. »

Il a ajouté que d’après des « sources fiables », plusieurs journalistes iraniens dans le pays travaillaient avec des occidentaux et des « antirévolutionnaires ».

Les organes de presse pris pour cibles durant le week-end sont Bahar, Shargh, Arman, Etemad, Aseman Weekly et l’agence de presse des ouvriers iraniens (ILNA). Par ailleurs, le site Web d’information Tabnak, pro-gouvernemental, a été suspendu.

« Les journalistes visés sont victimes de la paranoïa du gouvernement, qui redoute une " révolution de velours " orchestrée par les gouvernements occidentaux" a expliqué Ann Harrison.

« Hélas, ce n’est pas nouveau. De nombreux journalistes sont constamment en butte au harcèlement et à l’intimidation des autorités, qui réagissent impitoyablement à la moindre critique. »

Des dizaines de journalistes sont harcelés, arrêtés et incarcérés depuis quelques années, leurs familles étant elles aussi harcelées ou détenues temporairement.

Nombreux parmi ceux qui ont été inquiétés en raison de leurs activités professionnelles pacifiques lors de l’élection controversée de juin 2009 sont toujours derrière les barreaux, souvent dans des conditions déplorables.

« La bonne nouvelle annoncée la semaine dernière – la remise en liberté provisoire de quatre journalistes incarcérés – ne devrait pas servir de prétexte pour en renvoyer un plus grand nombre derrière les barreaux" a ironisé Ann Harrison.

« Tous les journalistes emprisonnés en Iran simplement parce qu’ils exercent leur travail légitime doivent être remis en liberté immédiatement et sans condition. Ce sont des prisonniers d’opinion. »

Complément d’information
Voici les noms des journalistes arrêtés les 27 et 28 janvier : Akbar Montajebi (Aseman Weekly), Emily Amraei (Bahar), Motahareh Shafie et Narges Joudaki (Arman), Pouria Alemi et Pejman Mousavi (Shargh), Sassan Aghaei, Javad Deliri et Nasrin Takhiri (Etemad), Saba Azarpeik, Keyvan Mehrgan (Shargh) et Hossein Taghchi.

Milad Fadai Asl, rédacteur politique de l’Agence de presse des ouvriers iraniens (ILNA) et Soleyman Mohammadi, reporter du journal réformiste Bahar, auraient été arrêtés par les forces de sécurité samedi 26 dans la soirée et conduits à la prison d’Evin, à Téhéran.

Sassan Aghaei a déjà été arrêté à plusieurs reprises, notamment en 2002 pour avoir organisé un rassemblement illégal afin de commémorer l’anniversaire des manifestations étudiantes de 1999 qui avaient été violemment réprimées par les forces de sécurité. Milad Fadai Asl a été interpellé en décembre 2009 et condamné à un an de prison après avoir été reconnu coupable de « diffusion de propagande contre le régime ».

Le journal Shargh a été interdit à plusieurs reprises par le passé, notamment pendant près de trois ans d’août 2007 à avril 2010. Il a ensuite été interdit pendant trois mois en septembre 2012, après avoir publié un dessin humoristique jugé insultant envers les vétérans de la guerre Iran-Irak par certains représentants du gouvernement.

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