Israël fait appel à la justice pour que des villageois règlent les frais occasionnés par les expulsions dont ils ont fait l’objet

Les habitants d’un village bédouin situé dans le désert du Néguev, en Israël, sont poursuivis en justice pour les frais versés par les agences gouvernementales israéliennes qui ont à plusieurs reprises détruit leurs habitations et autres constructions.

Le 26 juillet, les autorités israéliennes ont déposé une requête auprès d’un tribunal et réclamé le versement de plus de 350 000 euros pour la dépense occasionnée par la destruction de structures et l’expulsion d’habitants du village d’al Araqib auxquelles il a été procédé à 28 reprises depuis un an. La dernière expulsion a eu lieu le 25 juillet.

Les Bédouins affirment que le village d’al Araqib se trouve sur leurs terres ancestrales, tandis que les autorités israéliennes objectent qu’ils occupent illégalement une localité « non reconnue ».

« Cette action en justice dépasse l’entendement : les autorités israéliennes ne peuvent raisonnablement espérer que les Bédouins financent la destruction répétée de leurs propres habitations et moyens de subsistance, s’est indigné Philip Luther, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Israël doit mettre fin à sa politique de démolition des villages " non reconnus " dans le Néguev et prendre des mesures afin de reconnaître officiellement al Araqib et d’autres villages, au moins jusqu’à ce que les revendications foncières fassent l’objet d’un règlement et que la solution proposée prenne en compte les besoins et les droits des habitants. »

Des démolitions répétées

Selon des organisations non gouvernementales (ONG) locales, un festival et un camp d’été pour enfants organisés par les habitants d’al Araqib et des militants ont été interrompus le 25 juillet lorsque les autorités israéliennes sont entrées dans le village avec au moins 20 véhicules et un bulldozer pour démolir les constructions de fortune.

Entre 250 et 300 personnes vivaient à al Araqib avant que les démolitions ne commencent en 2010. Cette communauté agricole dépend majoritairement des terres pour assurer sa subsistance.

Les autorités israéliennes ont le projet de planter une forêt sur les terres du village et des alentours. Le Fonds national juif (FNJ), une organisation semi-gouvernementale, a planifié l’aménagement de toute la zone et poursuit son travail en prévision de l’implantation de cette forêt.

Depuis un an, Israël a à plusieurs reprises déployé d’importantes forces de sécurité afin de raser le village. La première fois, le 27 juillet 2010, des agents de l’Administration des territoires d’Israël (ILA) accompagnés de plus de 1 000 policiers sont entrés à al Araqib. Ils ont rasé au moins 46 habitations et autres constructions, dont des abris pour animaux et des réservoirs d’eau, ainsi que des oliviers.

En février, des bulldozers et une quarantaine de policiers antiémeutes ont contraint des familles de villageois à entrer dans le cimetière, la seule zone jusqu’ici préservée. Les bulldozers se sont approchés du portail du cimetière et les policiers ont tiré des balles à bout en mousse et projeté du gaz lacrymogène à l’intérieur à plusieurs reprises. Trois femmes et deux enfants ont dû être hospitalisés.

Des revendications foncières historiques

Les habitants bédouins du village d’al Araqib affirment que leurs ancêtres possédaient ces terres depuis l’époque ottomane, avant la création d’Israël.

Au début des années 1950, les autorités israéliennes ont ordonné aux villageois de quitter temporairement al Araqib, au motif qu’elles avaient besoin de ces terres pour des entraînements militaires. Elles ont promis qu’ils pourraient y retourner dans les six mois.

Les habitants ont obéi, mais n’ont jamais pu rentrer chez eux. Diverses agences gouvernementales ont alors transféré la propriété des terres à l’État.

Tout au long de cette période d’absence forcée, les familles ont maintenu un lien avec leurs terres à travers le pâturage, l’agriculture et le cimetière, et ont cherché à obtenir du gouvernement qu’il reconnaisse leurs revendications.

Dans les années 1990, des familles bédouines sont revenues sur leurs terres. Il est alors apparu que les autorités israéliennes avaient prévu de planter une forêt à l’emplacement du village. Les habitants ont déposé devant les tribunaux israéliens de nouvelles demandes de titres de propriété, dont certaines sont toujours en instance.

« Israël doit trouver des solutions durables afin de remédier à la situation irrégulière dans laquelle se trouve al Araqib et des dizaines de villages comme celui-ci, a déclaré Philip Luther.

« Démolir ces villages à répétition ne fonctionne pas ; pour débloquer la situation, il faut les reconnaître officiellement ou mener une consultation réelle et approfondie avec les habitants pour trouver des solutions appropriées de relogement qui garantissent leur sécurité et leur permettent de perpétuer leur mode de vie bédouin traditionnel. »

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