Israël et territoires palestiniens occupés. Les autorités doivent prendre des mesures de toute urgence afin de répondre aux préoccupations du Comité contre la torture

Déclaration publique

Les observations finales du Comité contre la torture des Nations unies publiées ce vendredi 15 mai 2009 font ressortir un inquiétant manque de progression durant les sept ans écoulés depuis que le Comité a examiné pour la dernière fois la mise en œuvre par Israël de ses obligations en tant qu’État partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture).

Toutes les recommandations formulées par le Comité en novembre 2001 et toutes les inquiétudes exprimées alors demeurent en suspens. En outre, le Comité a fait part de ses motifs de préoccupation relatifs à de nouveaux problèmes.

Parmi les motifs de préoccupation évoqués précédemment et réaffirmés ce jour par le Comité figurent le fait qu’Israël n’a pas inscrit dans sa législation nationale le crime de torture tel que défini par l’article 1 de la Convention contre la torture ; que la « nécessité » est toujours susceptible de justifier la torture ; que pas une seule plainte sur plus de 600 déposées pour mauvais traitements aux mains de l’Agence israélienne de sécurité (AIS) n’a débouché sur des poursuites ou même sur des enquêtes pénales et qu’il n’existe pas de mécanisme d’investigation indépendant ; que des preuves susceptibles d’avoir été obtenues sous la torture sont recevables ; que les autorités recourent à des détentions administratives et au secret et démolissent des maisons à titre de sanction.

Les nouveaux motifs de préoccupation soulevés par le Comité sont notamment :

– L’exclusion des personnes détenues pour des raisons de sécurité de l’obligation inscrite dans le Code de procédure pénale d’enregistrer à l’aide d’une caméra vidéo toutes les phases de l’interrogatoire d’un suspect. Ces détenus étant presque tous Palestiniens, ou des ressortissants d’autres pays considérés comme des États « ennemis », et ces prisonniers étant précisément les plus exposés au risque d’être torturés ou maltraités pendant leur interrogatoire, cette exclusion s’avère discriminatoire dans la pratique et prive de cette mesure ceux qui en tireraient le plus grand bénéfice.

– Le fait qu’Israël n’a pas inscrit dans sa législation nationale le principe de non-refoulement et qu’il procède à l’expulsion sommaire de demandeurs d’asile, sans respecter les procédures légales.

– L’interrogatoire en détention de mineurs palestiniens en l’absence d’un avocat ou d’un membre de leur famille et leur placement en détention dans des prisons situées en Israël, ce qui limite ou empêche les visites, les proches se voyant parfois refuser par les autorités israéliennes un permis d’entrée en Israël.

– Les répercussions du blocus israélien sur Gaza, notamment les restrictions imposées à l’entrée de l’aide humanitaire et au droit de circuler librement pour les habitants de Gaza.

– L’absence d’enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements infligés aux prisonniers palestiniens par les forces de sécurité agissant sous les ordres de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et du gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza.

– L’utilisation par les forces israéliennes de phosphore blanc lors de l’opération « Plomb durci » (du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009) dans des zones fortement peuplées à Gaza, et les souffrances et les morts en résultant. En outre, les victimes ne pouvaient bénéficier des soins requis dans les hôpitaux de Gaza, les médecins ne disposant pas d’informations suffisantes sur les armements utilisés et les centres médicaux servant « de quartiers généraux, de centres de commandement et de caches pour les attaques du Hamas ».

Partageant les inquiétudes exprimées, Amnesty International engage les autorités israéliennes à prendre immédiatement des mesures visant à mettre en œuvre les recommandations du Comité. L’organisation note qu’il a exceptionnellement adressé une recommandation à l’Autorité palestinienne et au gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza. Si du point de vue de la procédure, il n’a pas engagé sa démarche habituelle consistant à examiner un rapport présenté par les autorités concernées, on peut néanmoins supposer qu’il s’efforce de trouver un moyen de travailler avec les autorités palestiniennes concernées.

Parallèlement, Amnesty International s’inquiète de ce que la conclusion selon laquelle les centres médicaux à Gaza servaient de « quartiers généraux, de centres de commandement et de caches pour les attaques du Hamas » soit citée à tort par le Comité comme l’une des raisons ayant empêché de traiter dûment les victimes d’attaques au phosphore blanc dans les hôpitaux de Gaza. Toutes les informations recueillies par Amnesty International dans le cadre de ses recherches sur le terrain à Gaza, auprès des patients et des médecins responsables des unités de soins prodigués aux brûlés, ont démontré que les victimes n’ont pas reçu les traitements adéquats parce que les médecins et le personnel médical ignoraient l’origine des brûlures : ils n’avaient jamais soigné de brûlures occasionnées par du phosphore blanc, et l’armée et le gouvernement israéliens continuaient de nier tout emploi de cette substance chimique à Gaza.
Amnesty International n’a relevé aucun élément prouvant que le Hamas et les autres militants armés se sont réellement cachés dans les hôpitaux ou les ont utilisés pour mener leurs attaques et, à ce jour, les autorités israéliennes n’ont fourni aucune preuve corroborant ces allégations. Si elles étaient avérées, ces pratiques imputables au Hamas et à d’autres groupes armés constitueraient une grave violation du droit international humanitaire, mais demeureraient – et demeurent sans l’ombre d’un doute – sans rapport avec le refus d’Israël de reconnaître l’utilisation du phosphore blanc, ce qui n’a pas permis aux médecins de prodiguer les soins requis aux victimes.

Amnesty International a sollicité et sollicite la tenue d’une enquête internationale, approfondie, indépendante et impartiale, sur toutes les allégations de violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains imputables aux parties impliquées – Israéliens comme Palestiniens. Elle estime que le Comité doit impérativement se montrer scrupuleux dans ses conclusions, afin de ne pas nuire à l’enquête qui sera diligentée.

Complément d’information

Le Comité contre la torture est l’organe d’experts mis sur pied par la Convention contre la torture des Nations unies afin de veiller à son application par les États parties. Il se compose de 10 membres indépendants et impartiaux, élus par les États parties au traité. Les gouvernements doivent soumettre des rapports périodiques au Comité, qui émet ensuite des recommandations destinées à les aider à mieux appliquer le traité.

Amnesty International a adressé au Comité contre la torture un document traitant du manque de détermination d’Israël à mettre en œuvre la Convention dans les territoires palestiniens occupés et de la multiplication des mesures s’apparentant à une peine ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant contre les Palestiniens – notamment la détention administrative sans jugement pour une durée indéterminée, la détention prolongée au secret, la démolition d’habitations, les restrictions sévères à la liberté de mouvement et la privation des soins médicaux nécessaires. Ce document abordait également le renvoi forcé des demandeurs d’asile et d’autres migrants vers des pays où ils risquent d’être torturés. Une mise à jour a ensuite été rédigée pour évoquer les violations commises à Gaza durant l’opération « Plomb durci », campagne militaire de vingt-deux jours.
Par ailleurs, les délégués d’Amnesty International ont assisté à Genève à la session des 5 et 6 juin. L’organisation a également fourni des informations au Comité contre la torture lors de sa session consacrée à l’application de la Convention par le Nicaragua.

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