Israël/Territoires palestiniens occupés : Descentes violentes dans un hôpital

Des soldats et des policiers israéliens ont fait irruption dans un hôpital palestinien à deux reprises la semaine dernière, terrorisant le personnel et les patients et, dans certains cas, empêchant des médecins de prodiguer des soins urgents à des patients grièvement blessés, a déclaré Amnesty International mardi 25 juillet.

Les descentes menées à l’hôpital al Makassed de Jérusalem-Est ont eu lieu dans un contexte d’escalade des tensions à Jérusalem et en Cisjordanie ces derniers jours, à la suite de la décision prise par le gouvernement israélien d’installer des détecteurs de métaux et de fouiller les fidèles à l’entrée de la mosquée Al Aqsa après le meurtre de deux policiers israéliens à cet endroit le 14 juillet. Au moins quatre civils palestiniens ont été tués et plus de 1 090 blessés par la police et l’armée israéliennes au cours des 10 derniers jours lors d’une vague de manifestations contre cette décision et d’affrontements qui s’en sont suivis.

« Le comportement des forces israéliennes qui ont effectué des descentes violentes à l’hôpital al Makassed en harcelant et en intimidant le personnel et les patients est absolument lamentable. Aucune raison ne permet d’empêcher des professionnels de santé de soigner un patient grièvement blessé  », a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Des témoins présents à l’hôpital al Makassed ont décrit des scènes de « chaos absolu » lorsque des soldats et des policiers israéliens y ont fait irruption les 17 et 21 juillet, vraisemblablement à la recherche de patients grièvement blessés.

Le docteur Rafiq Husseini, directeur de l’hôpital, a indiqué à Amnesty International que 20 à 30 soldats et policiers des frontières lourdement armés étaient entrés dans l’établissement en fin de soirée le 17 juillet.

« Ils ont harcelé mes employés et d’autres patients et se comportaient de manière agressive [...]. Ils ont agi sans aucune base légale, en entrant dans l’hôpital avec des mitraillettes et des grenades assourdissantes et en terrorisant le personnel et les autres patients », a-t-il raconté.

Le docteur Bassam Abu Libdeh, directeur médical d’al Makassed, a déclaré que, depuis le début des manifestations et des affrontements liés, l’hôpital recevait régulièrement des patients qui avaient été intoxiqués par du gaz lacrymogène, frappés ou blessés par des balles en caoutchouc. Il a raconté que, le 17 juillet, des soldats avaient poursuivi un jeune homme de 19 ans habitant le quartier de Silwan, qui saignait abondamment à la suite d’une blessure par balle à la cuisse ayant touché une artère, dans l’hôpital comme des « chiens affamés courant après leur proie ».

«  Ils avaient de longues armes et des grenades assourdissantes, et bousculaient les gens agressivement pour passer. Ils ont pourchassé le jeune blessé, qui avait été conduit au bloc opératoire, lorsque plusieurs médecins sont intervenus pour les arrêter [...]. D’autres ont alors commencé à parcourir l’hôpital et à harceler toutes les personnes qu’ils croisaient, les employés, les infirmières, les médecins, les patients. Il y a des enfants dans l’hôpital, des personnes âgées. Ce n’est pas acceptable... Pourquoi voulaient-ils arrêter ce gamin ?

Il se vidait de son sang et se trouvait dans un état critique, il ne risquait d’aller nulle part », a-t-il déclaré.

Au sujet de la deuxième descente, le responsable de l’accueil de l’hôpital, Talal al Sayed, qui y travaille depuis 10 ans, a affirmé que le personnel s’était habitué aux descentes des forces israéliennes au fil des années mais que les événements du 21 juillet « dépassaient tout ce qu’ils avaient jamais vu ». Il a décrit comment environ 200 soldats lourdement armés avaient cerné l’hôpital et forcé l’entrée, en arrêtant des personnes sur leur passage et en utilisant du gaz lacrymogène. Ils pourchassaient un jeune homme présentant une importante blessure par balle à la poitrine qui était dans un état critique et l’ont suivi jusqu’au bloc opératoire.

« Ils ont envahi tout l’hôpital [...]. Ils sont même entrés dans le service de néonatologie... Que cherchaient-ils là-dedans ? Ils ne faisaient que terroriser les patients », a-t-il déclaré. Selon lui, des soldats ont bousculé et frappé un médecin qui tentait de soigner le jeune homme blessé dans le bloc opératoire. Ce dernier, Mohammad Abu Ghannam, a succombé à ses blessures dans la confusion.

L’une des infirmières de garde à ce moment-là a déclaré : « Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Tout ce dont je me souviens, c’est des bruits assourdissants, des bousculades et des cris. C’était le chaos total [...]. Il y avait du sang partout sur le sol et sur les murs. »

Les descentes dans l’hôpital s’inscrivent dans un contexte de manifestations et de violences qui ont éclaté dans tous les territoires palestiniens occupés après que les autorités israéliennes ont imposé une série de restrictions de l’accès des fidèles à la mosquée al Aqsa et bloqué plusieurs axes routiers menant à la vieille ville de Jérusalem. Des cas de recours excessif à la force contre des manifestants palestiniens par les forces israéliennes ont été signalés. Selon le Croissant-Rouge palestinien, sur les plus de 1 000 Palestiniens blessés, 29 ont été touchés par des tirs à balles réelles, 374 par des balles en caoutchouc, 471 ont été intoxiqués par des gaz lacrymogènes et 216 présentaient des ecchymoses, des brûlures ou des fractures résultant de coups.

La plupart des manifestations dans la vieille ville de Jérusalem ont commencé pacifiquement, notamment sous la forme de prières de rue collectives aux abords de l’enceinte d’al Aqsa, mais ont tourné à la violence quand les forces israéliennes ont tenté de les disperser à l’aide de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc. Des manifestants ont riposté en jetant des bouteilles d’eau.

Sheikh Ekrima Said Sabri, imam de la mosquée al Aqsa et ancien mufti de Jérusalem, a décrit à Amnesty International comment des membres de la police des frontières israélienne s’étaient mis à attaquer une foule pacifique le 18 juillet près de la porte des Lions dans la vieille ville, en poussant des manifestants, en leur donnant des coups de pieds et de matraque et en le piétinant. Il a été secouru par un groupe de jeunes hommes qui l’ont porté jusqu’à une ambulance pour qu’il soit conduit à l’hôpital.

Les cas de recours excessif à la force et de violences en représailles entre Israéliens et Palestiniens qui ont été signalés laissent craindre encore plus d’homicides illégaux. Trois civils israéliens ont été tués à l’arme blanche par un assaillant palestinien dans une colonie israélienne en Cisjordanie le 21 juillet. Les autorités israéliennes ont depuis annoncé qu’elles prévoyaient de démolir la maison de l’auteur de cette attaque.

« Rien ne saurait justifier les attaques visant des civils. Cependant, on ne peut pas rendre justice pour ces attaques en infligeant des sanctions collectives à la population palestinienne, a déclaré Magdalena Mughrabi.

« En tant que puissance occupante, Israël a la responsabilité de protéger les civils palestiniens et doit respecter leur droit de manifester pacifiquement. Les autorités israéliennes doivent veiller à ce que leurs forces de sécurité limitent leur recours à la force, conformément au droit international. »

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